Le cadre général : le Perche.
Nogent – le – Rotrou est reléguée à l’extrémité ouest du département d’Eure – et – Loir. On considère ce département comme un pays de grande culture, dominé par les immenses étendues céréalières du plateau beauceron. En fait, il est divisé en plusieurs « pays », la Beauce n’en occupe que la moitié de la superficie, l’autre moitié se répartissant entre le pays drouais au nord, le Thymerais au nord – ouest et le Perche à l’ouest. Les limites entre ces divers « pays » sont quelquefois difficiles à appréhender ; entre la Beauce et le Thymerais le passage est imperceptible, il en va différemment avec le Perche, ici le contraste avec la Beauce est frappant.
1.1. Un espace géographique spécifique : le Perche.
Pays de transition entre le bassin parisien et le massif armoricain, le Perche présente une structure géographique assez complexe. C’est avant tout son assise géologique qui en fait une entité.
Il est assez difficile d’en tracer exactement les contours[1]. Il s’appuie au nord sur la Normandie, au sud il voisine le Vendômois, à l’ouest il avance jusqu’au Maine et jouxte la Beauce à l’est.
Il se distingue facilement de cette dernière par son aspect physique. Le paysage beauceron au relief peu accidenté et aux champs ouverts fait place, au-delà du Loir, à un paysage de collines vigoureuses, de vallées bien creusées, de buttes relativement élevées.
Nous sommes en pays de bocage.
1.1.1. Le régime agraire de bocage.
Ce régime recouvrait, selon M. Bloch[2], toute la Bretagne, le Cotentin, le Maine, le Perche, les bocages poitevin et vendéen, la plus grande partie du massif central ainsi que le Bugey et le pays de Gex. Il correspondait, le plus souvent, à des régions accidentées et de sols maigres. Le bocage percheron, comme celui de Bretagne, remonterait au moyen – âge. D’origine ancienne, il ne résultait pas d’une restructuration agraire comme ce fut le cas dans certaines régions. Il atteignit son développement maximum vers 1850, date à laquelle il subit les attaques du « progrès agricole ». Il s’agissait d’un bocage de haies simples sans talus.
Ce régime agraire s’opposait à ceux de champs ouverts, qu’ils fussent réguliers ou irréguliers, marqués par des «servitudes collectives plus ou moins fortes. La clôture compartimentait les champs, parcelle par parcelle. Derrière sa haie vive le champs emblavé était protégé de la vain pâture ; chaque cultivateur était maître de son assolement, la jachère était réservée à la nourriture des animaux de l’exploitant. Ici, pas de prairies communales, elles étaient closes et individuelles. Le fait est attesté par une réponse du district de Nogent – le – Rotrou à un questionnaire sur l’exécution de la loi du 10 juin 1793 relative au partage des biens communaux :
« […] il n’existe presque pas de biens communaux en ce district »[3]
1.1.2. Un habitat dispersé ?
L’habitat dans le Perche était également un élément de différenciation avec la Beauce voisine, comme dans toutes les régions bocagères de l’ouest il était dispersé. Nous devons modérer quelque peu cette affirmation. En fait l’habitat, même dans les zones les plus reculées des bocages vendéen et poitevin, n’était jamais totalement dispersé. Il s’agissait plutôt d’un semi de petits hameaux n’excluant pas la présence de bourgs, voire de villes relativement importantes. De fait la région nogentaise connaissait une « concentration urbaine » relativement importante, puisque Nogent – le – Rotrou constituait, en 1791, la seconde ville du département d’Eure – et – Loi, derrière Chartres. Le chef – lieu de district concentrait 19% de la population totale du district, soit une proportion supérieure à la moyenne nationale que l’on estime généralement à 16%[4] ; alors que le peuplement des campagnes était très lâche. Dans les zones rurales la presque totalité des individus vivaient dans des hameaux répartis dans les campagnes, hameaux formés seulement de quelques bordages, maisons ou métairies. Selon P. Desseix, les hameaux les plus importaient regroupaient « une dizaine de feux, environ quarante à cinquante personnes […] »[5].
1.1.3. L’abondance de l’arbre.
L’imperméabilité du sous – sol et un climat relativement pluvieux favorisaient le développement d’importantes forêts. Le massif forestier percheron était surtout dense sur la lisière septentrionale de la région ; là où affleurait l’argile à silex : forêt de Moulins, de Bonsmoulins, de la Trappe, du Perche, de la Ferté – Vidame et de Senonche. Un important massif forestier dans le sud, Vibrayes et Montmirail, abritait des nombreuses activités industrielles. Cette abondance de la forêt individualisait le Perche du reste des bocages de l’ouest. Si l’arbre était partout omniprésent, c’était sous la forme de haies, de petits bois, les forêts étaient relativement rares en revanche au cœur du Perche.
1.2. Une entité historique fragile.
Le Perche historique et administratif ne correspondait pas au Perche géologique. Les circonscriptions administratives ne coïncidaient pas avec les circonscriptions judiciaires qui, elles – mêmes, différaient des « divisions religieuses ». Sous l’ancien régime, le Perche était partagé entre quatre évêchés : celui de Sée, de Chartres, du Mans et d’Evreux. Le diocèse de Sée comportait dix-neuf paroisses relevant du Perche, celui de Chartres en comptait soixante-deux, ceux du Mans et d’Evreux en avaient très peu.
C’était au niveau « législatif » qu’il fallait cherche la seule unité administrative du Perche : il possédait une législation, sa coutume, ne dépendant d’aucune autre ( qui sans doute ne s'appliquait pas au Perche-Gouët ).
[1] Voir B. MAGNES. Essai d’économie rurale régionale : le Perche. Thèse de doctorat en droit dactylographiée soutenue à la faculté de droit de Bordeaux, s. d., p. 18 bis.
[2] M. BLOCH. Les caractères originaux de l’histoire rurale française. Paris, 1952. Pp. 57 à 65.
[3] AD 28, L 472 ( ancienne côte : L 530a ).
[4] AD 28, L 325 et L 326 ( ancienne côte : L551 ).
[5] P. DESSEIX. Les campagnes nogentaises à l’époque moderne. Mémoire de maîtrise dactylographié, Le Mans, 1975. P. 14.