S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche !
Cette phrase aurait été prononcée par Marie-Antoinette lors des journées des 5 et 6 octobre 1789, lorsque les femmes de Paris se rendirent à Versailles pour demander du pain et ramener à Paris « le boulanger, la boulangère et le petit mitron ». Depuis la chambre du roi donnant sur la cour de Marbre, la reine aurait demandé à des serviteurs ce que réclamait la foule amassée sur la place d’arme. A la réponse lui expliquant que Paris manquait de pain, elle aurait répondu par cette phrase passée à la postérité. Tout comme « L’Etat, c’est moi ! » de Louis XIV ou alors « Après nous, le déluge ! » attribué à Louis XV ou à Madame de Pompadour sa maîtresse, n’a probablement jamais été prononcée par la Reine. Cette phrase est totalement liée à la mémoire de « l’Autrichienne », profondément détestée par les Français à l’époque à commencer par la cour elle-même. Cette probable fable visait en fait à condamner le cynisme de la reine, voire sa bêtise supposée[1].
Il nous est totalement impossible de savoir si la reine a réellement prononcé cette phrase « historique », mais il y a de fortes chances qu’elle soit apocryphe. Celle-ci ne lui fut jamais reprochée de son vivant, même pas par le tribunal révolutionnaire en octobre 1793. Il y a peu de doute que ce dernier s’en serait emparée si il y eut un soupçon de véracité. Actuellement ni les biographes de Marie-Antoinette ni les historiens de la Révolution ne reprennent l’anecdote. D’après Cécile Berly, cette phrase ne fut définitivement liée à la mémoire de Marie-Antoinette qu’au XXème siècle, cette auteure pointant en particulier un ouvrage allemand de 1931 destiné à la jeunesse, ouvrage non traduite en français[2].
Ce qui est certain c’est que Marie-Antoinette ne fut pas le premier personnage historique féminin auquel on attribua cette remarque ou d’autres très proches, à chaque fois c’était pour souligner leur bêtise ou leur manque de sensibilité. Cette réflexion fut ainsi successivement attribuée à Marie-Thérèse d’Autriche, femme de Louis XIV, à Madame Victoire une des tantes de Louis XVI, et surtout à Mesdames de Pompadour et du Barry, maîtresses de Louis XV le mal aimé. La liste ne se limite pas à la France. On retrouve d’ailleurs l’anecdote dans le livre IV des Confessions de Jean-Jacques Rousseau[3] qui écrit : « Enfin je me rappelai le pis-aller d’une grande princesse à qui l’on disoit que les paysans n’avoient pas de pain, et qui répondit « Qu’ils mangent de la brioche ! »
Ce que l’on peut dire pour conclure, c’est que ce récit faisait partie d’une série de lieux-communs véhiculés, surtout au XVIII siècle, qui visaient à dénoncer soit l’insensibilité de personnalité détestées du peuple soit les inégalités sociales d’une société particulièrement en période de disette.
[1] Sur les reproches essuyés par Marie-Antoine pendant tout le règne se reporté au remarquable ouvrage de Cécile Berly, La reine scandaleuse. Paris : éditions le cavalier bleu, 2012.
[2] Erich KAESTNER. Pünktchen und Anton.
[3] Ouvrage publié en 1782 après la mort du philosophe