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La Révolution Française à Nogent le Rotrou

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La Révolution Française à Nogent le Rotrou
  • Nogent-le-Rotrou et son district durant la Révolution française avec des incursions dans les zones voisines ( Sarthe, Orne, Loir-et-Cher voire Loiret ). L'angle d'attaque des études privilégie les mouvements sociaux et les archives locales et départemental
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Le Pére Gérard

Le blog généraliste du
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4 mars 2016

Les lois répressives votées par l’Assemblée constituante de 1789 à 1791.

La politique économique  de l’Assemblée constituante largement continuée par la Législative consistait à promouvoir la plus entière liberté tant du commerce que de la propriété et de réprimer tout mouvement populaire, urbain ou rural, visant, non pas à limiter cette liberté, mais à en combattre des effets jugés négatifs pour la partie la plus indigente du Tiers-Etat. Ce que  Jacques Roux, le curé enragé, résuma dans cette formule : «  Les lois ont été cruelles à l’égard du pauvre parce qu’elles n’ont été faites que par les riches et pour les riches[1]

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Au nom d’un ordre public visant d’abord à défendre la propriété  et prenant prétexte du meurtre du boulanger Denis François dans les rues de Paris, les députés votèrent la loi martiale le 21 octobre 1789[2]. En cas d’émeutes, les officiers municipaux pouvaient requérir la force. Les « séditieux » résistants aux sommations risquaient trois ans d’emprisonnement s’ils n’étaient pas armés, la peine de mort dans le cas contraire.  L’article 8 portait peine de mort contre les meneurs d’attroupements si la foule était en armes, même si aucune violence n’avait été commise et que l’attroupement s’était dispersé après les sommations prévues. L’article 9 prévoyait la même peine  contre tous les attroupés en cas de refus de dispersion, les meneurs risquaient la peine capitale dès lors que des violences se produisaient même dans le cas où ils ne participaient pas à l’attroupement. Quant à l’article 10, il  stipulait que les gardes nationaux qui refuseraient de participer à la répression étaient passibles de trois ans d’emprisonnement, voire de la peine de mort dans le cas où ils auraient eu l’idée saugrenue de se rallier aux émeutiers.

Un décret du 23 février 1793 visait explicitement les foules paysannes, son article 3 faisant référence au refus d’acquitter des impôts, sous-entendu également des droit seigneuriaux non-rachetés. Ce décret menaçait les municipalité ayant refusé d’appliquer la loi martiale d’être considérées comme responsables des éventuels dommages causés.

Avec la célèbre loi Le Chapelier du 14 juin 1791, les coalitions de salariés étaient interdites. Dans un décret  du 20 juillet 1791, la Constituante interdisait  clairement aux ouvriers agricoles de faire des coalitions, jugeant que la loi Le Chapelier était plus explicitement destinée aux ouvriers des villes, dispositions qui furent reprises dans le grand code rural[3] adopté le 28 septembre 1791.

Le 26 juillet 1791, la Constituante votait  Décret sur la réquisition & l'action de la force publique dans l'intérieur du Royaume et précisait la notion d’attroupement, fixant le seuil à quinze personnes dans son article 9. Ce décret visait de façon explicite les refus d’acquitter des droits seigneuriaux.

 


 

Loi martiale du 21 octobre 1789 :

« Décret contre les attroupemens 

21 Octobre 1789.

L'Assemblée Nationale considérant que la liberté affermit les Empires, mais que la licence les détruit ; que, loin d'être le droit de tout faire, la liberté n'existe que par l'obéissance aux Lois ; que si, dans les temps calmes, cette obéissance est suffisamment assurée par l'autorité publique ordinaire, il peut survenir des époques difficiles où les Peuples, agités par des causes souvent criminelles, deviennent l'instrument d'intrigues qu'ils ignorent ; que ces temps de crise nécessitent momentanément des moyens extraordinaires pour maintenir la tranquillité publique & conserver les droits de tous, a décrété la présente Loi Martiale.

ARTICLE PREMIER.

Dans le cas où la tranquillité publique sera en péril, les Officiers Municipaux des lieux seront tenus, en vertu du pouvoir qu'ils ont reçu de la Commune, de déclarer que la force militaire doit être déployée à l'instant, pour rétablir l'ordre public, à peine d'en répondre personnellement.

II. Cette déclaration se fera en exposant à la principale fenêtre de la Maison-de-Ville & en portant dans toutes les rues & carrefours un drapeau rouge ; & en même temps les Officiers Municipaux requerront les chefs des Gardes Nationales, des Troupes réglées & des Maréchaussées, de prêter main-forte.

III. Au signal seul du drapeau, tous attroupemens, avec ou sans armes, deviendront criminels, & devront être dissipés par la force.

IV. Les Gardes Nationales, Troupes réglées & Maréchaussées requises par les Officiers Municipaux, seront tenues de marcher sur-le-champ, commandées par leurs Officiers, précédées d'un Drapeau rouge, & accompagnées d'un Officier Municipal au moins.

V. Il sera demandé par un des Officiers Municipaux aux personnes attroupées, quelle est la cause de leur réunion & le grief dont elles demandent le redressement ; elles seront autorisées à nommer six d'entr'elles pour exposer leur réclamation & présenter leur pétition, & tenues de se séparer sur-le-champ & de se retirer paisiblement.

VI. Faute par les personnes attroupées de se retirer en ce moment, il leur sera fait, à haute voix, par les Officiers Municipaux, ou l'un d'eux, trois sommations de se retirer tranquillement dans leurs domiciles. La première sommation sera exprimée en ces termes : Avis est donné que la Loi Martiale est proclamée, que tous attroupemens sont criminels ; on va faire feu : que les bons Citoyens se retirent. A la deuxième & troisième sommation, il suffira de répéter ces mots : On va faire feu : que les bons Citoyens se retirent. L'Officier Municipal annoncera à chaque sommation que c'est la première, la seconde ou la dernière.

VII. Dans le cas où, soit avant, soit pendant le prononcé des sommations, l'attroupement commettroit quelques violences ; & pareillement, dans le cas où, après les sommations faites, les personnes ne se retireroient pas paisiblement, la force des armes sera à l'instant déployée contre les séditieux, sans que personne soit responsable des événemens qui pourront en résulter.

VIII. Dans le cas où le Peuple attroupé, n'ayant fait aucune violence, se retireroit paisiblement, soit avant, soit immédiatement après la dernière sommation, les moteurs & instigateurs de la sédition, s'ils sont connus, pourront seuls être poursuivis extraordinairement, & condamnés, savoir, à une prison de trois ans, si l'attroupement n'étoit pas armé, & à la peine de mort si l'atrouppement étoit en armes. Il ne sera fait aucune poursuite contre les autres.

IX. Dans le cas où le Peuple attroupé feroit quelques violences, & ne se retireroit pas après la dernière sommation, ceux qui échapperont aux coups de la force militaire, & qui pourront être arrêtés, seront punis d'un emprisonnement d'un an s'ils étoient sans armes, de trois ans s'ils étoient armés, & de la peine de mort s'ils étoient convaincus d'avoir commis des violences. Dans le cas du présent article, les moteurs & instigateurs de la sédition seront de même condamnés à mort.

X. Tous Chefs, Officiers & Soldats de la Garde Nationale, des Troupes & des Maréchaussées, qui exciteront ou fomenteront des attroupemens, émeutes & séditions, seront déclarés rebelles à la Nation, au Roi & à la Loi, & punis de mort ; & ceux qui refuseront le service, à la requisition des Officiers Municipaux, seront dégradés & punis de trois ans de prison.

XI Il sera dressé, par les Officiers Municipaux, procès-verbal, qui contiendra le récit des faits

XII. Lorsque le calme sera rétabli, les Officiers Municipaux rendront un Décret, qui fera cesser la Loi Martiale, & le Drapeau rouge sera retiré & remplacé, pendant huit jours, par un drapeau blanc. »

 


Décret du 23 février 1790 :

« Décret sur la tranquillité publique.

 Du 23 Février 1790.

L'assemblée nationale a décrété ce qui suit :

ARTICLE PREMIER.

Nul ne pourra, sous peine d'être puni comme perturbateur du repos public, se prévaloir d'aucun acte prétendu émané du roi ou de l'assemblée nationale, s'il n'est revêtu des formes prescrites par la constitution, & s'il n'a été publié par les officiers chargés de cette fonction.

II. Le roi sera supplié de donner des ordres pour faite parvenir incessamment à toutes les municipalités du royaume, le discours que sa majesté a prononcé dans l'assemblée nationale le 4 de ce mois, l'adresse de l'assemblée nationale aux François, ainsi que tous les décrets à mesure qu'ils seront acceptés ou sanctionnés, avec ordre aux officiers municipaux de faire publier & afficher les décrets sans frais, & aux curés ou vicaires desservant les paroisses d'en faire lecture au prône.

III. Les officiers municipaux emploieront tous les moyens que la confiance publique met à leur disposition ; pour la protection efficace des propriétés publiques, particulières, & des personnes, & pour prévenir & dissiper tous les obstacles qui seroient apportés à la perception des impôts ; & si la sûreté des personnes, des propriétés, & la perception des impôts étoient mises en danger par des attroupemens séditieux, ils feront publier la loi martiale.

IV. Toutes les municipalités se prêteront mutuellement main-forte, à leur réquisition respective : quand elles s'y refuseront, elles seront responsables des suites du refus.

V. Lorsqu'il aura été causé quelque dommage par un attroupement, la commune en répondra, si elle a été requise, & si elle a pu l'empêcher, sauf le recours contre les auteurs de l'attroupement ; & la responsabilité sera jugée par les tribunaux des lieux, sur la réquisition du directoire de district. »

 


 

Loi Le Chapelier du 14 juin 1791 :

« Art. 1. L'anéantissement de toutes espèces de corporations des citoyens du même état ou profession étant une des bases fondamentales de la constitution française, il est défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte et quelque forme que ce soit.

Art. 2. Les citoyens d'un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte, les ouvriers et compagnons d'un art quelconque ne pourront, lorsqu'ils se trouveront ensemble, se nommer ni président, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs.

Art. 3. Il est interdit à tous les corps administratifs ou municipaux de recevoir aucune adresse ou pétition pour la dénomination d'un état ou profession, d'y faire aucune réponse ; et il leur est enjoint de déclarer nulles les délibérations qui pourraient être prises de cette manière, et de veiller soigneusement à ce qu'il ne leur soit donné aucune suite ni exécution.

Art. 4. Si, contre les principes de la liberté et de la constitution, des citoyens attachés aux mêmes professions, arts et métiers, prenaient des délibérations, ou faisaient entre eux des conventions tendant à n'accorder qu'à un prix déterminé le secours de leur industrie ou de leurs travaux, lesdites délibérations et conventions, accompagnées ou non du serment, sont déclarées inconstitutionnelles, attentatoires à la liberté et à la déclaration des droits de l'homme, et de nul effet ; les corps administratifs et municipaux seront tenus de les déclarer telles. Les auteurs, chefs et instigateurs, qui les auront provoquées, rédigées ou présidées, seront cités devant le tribunal de police, à la requête du procureur de la commune, condamnés chacun en cinq cent livres d'amende, et suspendus pendant un an de l'exercice de tous droits de citoyen actif, et de l'entrée dans toutes les assemblées primaires.

Art. 5. Il est défendu à tous corps administratifs et municipaux, à peine par leurs membres d'en répondre en leur propre nom, d'employer, admettre ou souffrir qu'on admette aux ouvrages de leurs professions dans aucuns travaux publics, ceux des entrepreneurs, ouvriers et compagnons qui provoqueraient ou signeraient lesdites délibérations ou conventions, si ce n'est dans les le cas où, de leur propre mouvement, ils se seraient présentés au greffe du tribunal de police pour se rétracter ou désavouer.

Art. 6. Si lesdites délibérations ou convocations, affiches apposées, lettres circulaires, contenaient quelques menaces contre les entrepreneurs, artisans, ouvriers ou journaliers étrangers qui viendraient travailler dans le lieu, ou contre ceux qui se contenteraient d'un salaire inférieur, tous auteurs, instigateurs et signataires des actes ou écrits, seront punis d'une amende de mille livres chacun et de trois mois de prison.

Art. 7. Ceux qui useraient de menaces ou de violences contre les ouvriers usant de la liberté accordée par les lois constitutionnelles au travail et à l'industrie, seront poursuivis par la voie criminelle et punis suivant la rigueur des lois, comme perturbateurs du repos public.

Art. 8. Tous attroupements composés d'artisans, ouvriers, compagnons, journaliers, ou excités par eux contre le libre exercice de l'industrie et du travail appartenant à toutes sortes de personnes, et sous toute espèce de conditions convenues de gré à gré, ou contre l'action de la police et l'exécution des jugements rendus en cette matière, ainsi que contre les enchères et adjudications publiques de diverses entreprises, seront tenus pour attroupements séditieux, et, comme tels, ils seront dissipés par les dépositaires de la force publique, sur les réquisitions légales qui leur en seront faites, et punis selon tout la rigueur des lois sur les auteurs, instigateurs et chefs desdits attroupement, et sur tous ceux qui auront commis des voies de fait et des actes de violence. »

 


Décret du 26 juillet 1791 :

« Décret sur la réquisition & l'action de la force publique
dans l'intérieur du Royaume
.

Des 26 & 27 Juillet 1791.

L'Assemblée Nationale considérant que la liberté consiste uniquement à pouvoir faire ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui, & à se soumettre à la loi ; que tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi, doit obéir à l'instant, & se rend coupable par la résistance ; que les propriétés donnent un droit inviolable & sacré ; qu'enfin la garantie des droits de l'homme & du citoyen nécessite une force publique ; décrète ce qui suit touchant l'emploi & l'action de cette force dans l'intérieur du royaume.

ARTICLE PREMIER.

Toutes personnes surprises en flagrant délit, ou poursuivies par la clameur publique, seront saisies & conduites devant l'officier de police.

Tous les citoyens inscrits ou non sur le rôle de la garde nationale, seront tenus, par leur serment civique, de prêter secours à la gendarmerie nationale, à la garde soldée des villes, & à tout fonctionnaire public, aussitôt que les mots, force à la loi, auront été prononcés, & sans qu'il soit besoin d'aucune autre réquisition.

II. Les fonctions mentionnées en l'article premier de la section deuxième du décret du 16 janvier dernier, que la gendarmerie nationale doit exercer sans réquisition particulière, seront remplies pareillement par les gardes soldées dans les villes on il y en aura, non-seulement en ce qui concerne les flagrans délits & la clameur publique, mais aussi contre les porteurs d'effets  volés, ou d'armes ensanglantées, les brigands, voleurs & assassins, les auteurs de voies de faits & violences contre la sûreté des personnes & des propriétés, les mendians & vagabonds, les révoltes & attroupemens séditieux.

III. Si des voleurs ou des brigands se portent en troupe sur un territoire quelconque, ils seront repoussés, saisis & livrés aux officiers de police par la gendarmerie nationale & la garde soldée des villes, sans qu'il soit besoin de réquisition.

Ceux des citoyens qui se trouveront en activité de service de garde nationale, prêteront main-forte au besoin ; & si un supplément de force est nécessaire, les troupes de ligne, ainsi que tous les citoyens inscrits, seront tenus d'agir sur la réquisition du procureur de la commune, ou à son défaut, de la municipalité

IV. Alors la réquisition des communes limitrophes continuera d'être autorisée; celles qui n'auront pas agi d'après la réquisition, demeureront responsables du dommage envers les personnes lésées, & seront poursuivies, sur la réquisition du procureur général syndic du Département, à la diligence du procureur-syndic du district, devant le tribunal du district le plus voisin.

V. Les dépositaires de la force publique qui, pour saisir lesdits brigands ou voleurs, se trouveront réduits à la nécessité de déployer la force des armes, ne seront point responsables des événemens.

VI. Si le nombre des brigands ou voleurs rendoit nécessaire une plus grande force, avis en sera donné sur-le-champ par la municipalité ou le procureur de la commune au juge de paix du canton & au procureur-syndic du district; ceux-ci, & toujours le procureur-syndic, à défaut, ou en cas de négligence du juge de paix, seront tenus de requérir soit la gendarmerie nationale, soit la garde soldée des villes qui peuvent se trouver dans le canton du lieu du délit, ou même dans les autres cantons du district, subsidiairement les troupes de ligne qui seront à douze milles du lieu de l'incursion, & enfin dans le cas de nécessité, les citoyens inscrits dans le canton & dans le district pour le service de la garde nationale.

VII. Quiconque s'opposera par violence ou voie de fait à l'exécution des contraintes légales, des saisies, des jugemens ou mandats de justice ou de police, des condamnations par corps, des ordonnances de prise de corps, sera contraint à l'obéissance par les forces attachées au service des tribunaux, par la gendarmerie nationale, par la garde soldée des villes, & au besoin par les troupes de ligne.

VIII. Si la résistance est appuyée par plusieurs personnes ou par un atroupement, les forces seront augmentées en proportion, & à ce cri, force à loi, tous les citoyens seront tenus de prêter secours, de manière que force demeure toujours à justice. Les rebelles seront saisis, livrés à la police, jugés & punis selon la loi.

IX. Sera réputé attroupement séditieux, & puni comme tel, tout rassemblement de plus de quinze Personnes s'opposant à l'exécution d'une loi, d'une contrainte ou d'un jugement.

X. Les attroupemens séditieux contre la perception des cens, redevances, agriers & champarts, contre celle des contributions publiques, contre la liberté absolue de la circulation des subsistances, des espèces d'or & d'argent, ou toutes autres espèces monnoyées, contre celle du travail & de l'industrie, ainsi que des conventions relatives au prix des salaires, seront dissipes par la gendarmerie nationale, les gardes soldées des villes & les citoyens qui se trouveront de service en qualité de gardes nationales; les coupables seront saisis pour être jugés & punis selon la loi.

XI. Si ces forces se trouvent insuffisantes, le procureur de la commune sera tenu d'en donner avis sur-le-champ au juge de paix du canton & au procureur-syndic du district.

XII. Ceux ci, & toujours le procureur syndic, à défaut ou en cas de négligence du juge de paix seront tenus de requérir à l'instant le nombre nécessaire de troupes de ligne qui se trouveroient à douze milles; & subsidiairement les citoyens inscrits dans la garde nationale, soit du canton où le trouble se manifeste, soit des autres cantons du district. Les citoyens actifs des communes troublées par ces désordres, seront en même temps sommés de prêter secours pour dissiper l'attroupement, saisir les chefs & principaux coupables, & pour rétablir la tranquillité publique & l'exécution de la loi.

XIII. La même forme de réquisition & d'action énoncée aux trois articles précédens, aura lieu dans le cas d'attroupement séditieux & d'émeute populaire connue la sureté des personnes, quelles qu'elles puissent être; contre les propriétés, contre les autorités soit municipales, soit administratives, soit judiciaires, contre les tribunaux civils, criminels & de police; contre l'exécution des jugemens, ou pour la délivrance des prisonniers ou condamnés; enfin contre la liberté ou la tranquillité des assemblées constitutionnelles.

XIV. Tout citoyen est tenu de prêter main-forte pour saisir sur-le-champ & livrer aux officiers de police quiconque violera le respect dû aux fonctionnaires publics en exercice de leurs fonctions, & particulièrement aux Juges ou aux jurés.

XV. Les procureurs-syndics des districts, aussitôt qu'ils auront été dans le cas de requérir des troupes de ligne,  seront tenus, sous leur responsabilité, d'en instruire les directoires de district & les procureurs-généraux-syndics de département; ceux-ci, sous la même responsabilité, en donneront avis sur-le-champ au roi, & lui transmettront la connaissance des évènemens à mesure qu'ils surviendront.

XVI. Si la sédition parvenoit à s'étendre dans une partie considérable d'un district, le procureur général-syndic du département sera tenu de faire les réquisitions nécessaires aux gendarmes nationaux & gardes soldées, même, en cas de besoin, aux troupes e ligne, & subsidiairement aux citoyens inscrits comme gardes nationales dans des districts autres que celui où le désordre a éclaté; d'inviter en même temps tous les citoyens actifs du district troublé par ce désordre, à se réunir pour opérer le rétablissement de la tranquillité, & l'exécution de la loi. Les procureurs-généraux-syndics, aussitôt qu'ils prendront cette mesure, seront tenus, sous leur responsabilité, d'en donner avis au roi & à la législature, si elle est assemblée.

XVII. Les réquisitions des juges de paix cesseront à l'instant où les procureurs syndics en auront faites, & ceux-ci s'abstiendront pareillement de toute réquisition, aussitôt après l'intervention des procureurs généraux syndics.

XVIII. Les citoyens inscrits sur le rôle des gardes nationales & non en activité de service, ne seront requis qu'à défaut & en cas d'insuffisance de la gendarmerie nationale, des gardes soldées & des troupes de ligne.

XIX. A l'exception de la réquisition de la force des communes limitrophes, il ne pourra en aucun cas être fait de réquisition aux gardes nationales par un département à l'égard d'un autre département, si ce n'est en vertu d'un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi.

XX. Aucun corps ou détachement de troupes de ligne ne pourra agir dans l'intérieur du royaume sans une réquisition légale, sous les peines établies par les loix.

XXI. Les réquisitions seront faites aux chefs-commandans en chaque lieu, & lues à la troupe assemblée.

XXII. Les réquisitions adressées aux commandans, soit des troupes de ligne, soit des gardes nationales, soit de la gendarmerie nationale, seront faites par écrit & dans la forme suivante

Nous… requérons en vertu de la loi, N… commandant, &c. de prêter le secours des troupes de ligne ou de la gendarmerie nationale, ou de la garde nationale nécessaire pour repousser les brigands, &c. Prévenir ou dissiper les attroupemens, &c. ou pour assurer le paiement de, &c. ou pour procurer l'exécution de tel jugement ou telle ordonnance de police, &c.

Pour la garantie dudit ou desdits commandans, nous apposons notre signature.

XXIII. L'exécution des dispositions militaires appartiendra ensuite aux commandans des troupes de ligne, conformément à ce qui est réglé par l'article XVII. du titre III du décret sur le service des troupes dans les places, & sur les rapports des pouvoirs civils & de l'autorité militaire, & par la loi qui détermine le mode du service simultané des gardes nationales & des troupes de ligne ; s'il s'agit de faire sortir les troupes de ligne du lieu où elles se trouvent, la détermination de nombre est abandonnée à l'officier-Commandant, sous sa responsabilité.

XXIV. En temps de guerre, les troupes de ligne ne pourront être requises, que dans les lieux où elles se trouveront, soit en garnison, soit en quartier, soit en cantonnement; néanmoins, sur la notification du besoin de secours, elles prêteront main forte à l'exécution des loix civiles & politiques, des jugemens & des ordonnances de police & de justice autant qu'elles le pourront, sans nuire au service militaire.

XXV. Les dépositaires des forces publiques appelés, soit pour assurer l'exécution de la loi, des jugemens & ordonnances ou mandemens de justice ou de police, soit pour dissiper les émeutes populaires & attroupemens séditieux, & saisir les chefs, auteurs & instigateurs de l'émeute ou de la sédition, ne pourront déployer la force des armes que dans trois cas.

Le premier, si des violences ou voies de fait étoient exercées contre eux mêmes.

Le second, s'ils ne pouvoient défendre autrement le terrain qu'ils occuperoient, ou les postes dont ils seroient chargés.

Le troisième, s'ils y étoient expressément autorisés par un officier civil, & dans ce troisième cas, après les formalités prescrites par les deux articles suivans.

XXVI. Si, par les progrès d'un attroupement ou émeute populaire, ou par toute autre cause, l'usage rigoureux de la force devient nécessaire, un officier civil, soit juge de paix, soit officier municipal, procureur de la commune ou commissaire de police, soit administrateur de district ou de département, soit procureur-syndic ou procureur-général-syndic, se présentera sur le lieu de l'attroupement ou délit, prononcera à haute voix ces mots : observance à la loi ; on va faire usage de la force ; que les bons citoyens se retirent. Le tambour battra un un ban avant chaque sommation.

XXVII. Après cette sommation trois fois réitérée, & même dans le cas où après une première ou seconde sommation il ne seroit pas possible de faire la seconde ou la troisième, si les personnes attroupées ne se retirent pas paisiblement, & même s'il en reste plus de quinze rassemblées en état de résistance, la force des armes sera à l'instant déployée contre les séditieux, sans aucune responsabilité des événemens, & ceux qui pourront être saisis ensuite seront livrés aux officiers de police pour être jugés & punis selon la rigueur de la loi.

XXVIII. Pour l'exécution des deux articles précédens, l'obligation de se présenter au lieu de l'attroupement remontera dans l'ordre qui suit : d'abord le procureur de la commune & les commissaires de police, dans les lieux où il y en aura; à leur défaut, tous les officiers municipaux individuellement, ensuite le juge de paix du canton ; si c'est dans une ville, le juge de paix de la ville; & si elle en a plusieurs, tous les juges de paix individuellement ; enfin le procureur-syndic du district, & à son défaut tous les membres du directoire du district individuellement; le procureur-général-syndic, & à son défaut tous les membres du directoire du département individuellement, si l'attroupement ou l'émeute populaire se passe dans le chef-lieu d'une administration de district de département.

Les officiers publics dénommés ci-dessus, chacun selon l'ordre de leur élection; & s'il s'agit des juges de paix, dans l'ordre de l'âge, en commençant par les plus jeunes.

XXIX. Si aucun officier civil ne se présente pour faire les sommations, le commandant, soit des troupes de ligne, soit de la garde nationale, sera tenu d'avertir à son choix l'un ou l'autre des officiers civils désignés aux articles XXVII & XXVIII.

XXX. Si des troubles agitent tout un Département, le roi donnera, sous la responsabilité de ses ministres, les ordres nécessaires pour l'exécution des loix & le rétablissement de l'ordre, mais à la charge d'en instruire au même instant le Corps législatif, s'il est assemblé.

XXXI. Si des troubles agitent tout un Département durant les vacances de la législature, & s'ils ne peuvent être réprimés, tant par la gendarmerie nationale & les troupes de ligne qui pourront s'y trouver, que par les gardes nationales, le roi donnera les ordres nécessaires, mais à la charge de les consigner dans une proclamation qui convoquera en même temps la législature à jour fixe; il pourra, s'il y lieu, suspendre les procureurs-généraux-syndics & les procureurs-syndics, lesquels seront remplacés de la manière déterminée dans la loi du 27 mars 1791: le tout sous la responsabilité des ministres.

XXXII. Les officiers municipaux de chaque commune, aussitôt qu'ils remarqueront des mouvemens séditieux prêts à éclater, seront tenus, sous leur responsabilité, d'en donner avis tant au au procureur de la commune qu'au juge de paix du canton & au procureur syndic du district, lesquels requerront un service de vigilance de la part, soit des troupes de ligne, soit de la gendarmerie le district, selon l'importance des faits. Dans ce cas, & toutes les fois que le procureur-syndic fera une réquisition, il sera tenu d'en avertir le procureur général-syndic.

XXXIII. Les conseils ou directoires de département seront chargés, sous leur responsabilité, d'examiner les circonstances où une augmentation de force est nécessaire à la conservation ou au rétablissement de l'ordre public ; ils seront tenus alors d'en avertir le Pouvoir exécutif, & de lui demander un renfort de troupes de ligne.

Ce renfort pourra leur être refusé, si la sûreté & le maintien de l'ordre dans le reste du royaume ne permettent pas de l'accorder.

XXXIV. Les Corps municipaux, les directoires de districts & de départemens seront chargés, aussi sous leur responsabilité, de prendre toutes les mesures de police & de prudence les plus capables de prévenir & calmer les désordres; ils sont chargés en outre d'avertir les procureurs des communes, les juges de paix, les procureurs-syndics & les procureurs-généraux-syndics dans toutes les circonstances où, soit la réquisition, soit l'action de la force publique, deviendra nécessaire.

Ils sont chargés enfin de transmettre à la législature & au roi leurs observations sur la négligence de ces officiers, & sur l'abus de pouvoir qu'ils se permettroient.

XXXV. les officiers municipaux auront toujours, sous leur responsabilité, le droit de suspendre la réquisition, ou d'arrêter l'action de la force publique faite ou provoquée par les procureurs des communes.

Les directoires de district auront le même droit à l'égard des procureurs-syndics, des procureurs des communes, des officiers municipaux & des juges de paix de tout le district.

Les directoires de département auront aussi le même droit a l'égard des procureurs-généraux-syndics.

XXXVI. En l'absence ou au défaut du procureur de la commune, du juge de paix, du procureur-syndic du district ou du procureur-général-syndic du département, les Corps municipaux, les directoires de district ou de département, & subsidiairement les conseils de district & de département, lorsqu'ils se trouveront assemblés, seront, sous leur responsabilité, tenus de faire les réquisitions nécessaires, respectivement & dans l'ordre désigné en l'article précédent.

XXXVII. En cas de négligence très-grave ou d'abus du pouvoir touchant la réquisition & l'action de la force publique, les procureurs des communes, les commissaires de police, les juges de paix, les procureurs-syndics & les procureurs-généraux-syndics seront jugés par les tribunaux criminels, destitués de leurs emplois, & privés pendant deux ans de l'exercice du droit de citoyen actif, sans préjudice des peines plus fortes portées par le code pénal contre les crimes attentatoires à la tranquillité publique.

XXXVIII. Dans le cas où, soit les officiers municipaux, soit les membres des directoires ou des conseils de district ou de département, contreviendroient aux dispositions du présent Décret, la Législature, sur le compte qui lui en sera rendu, pourra dissoudre le Corps municipal ou administratif, & renvoyer la totalité ou quelques uns de ses membres, soit aux tribunaux criminels du département, soit à la haute-cour nationale.

Sans préjudice de l'annullation des actes irréguliers, & de la suspension des membres des municipalités & des Corps administratifs autorisées par la loi.

XXXIX. La responsabilité sera poursuivie à la diligence des directoires de départemens à l'égard des procureurs de la commune, des commissaires de police, des juges de paix & des procureurs-syndics de district.

XL. En ce qui concerne les procureurs-généraux-syndics, le ministre de l'intérieur donnera connoissance de leur conduite à la Législature, qui statuera ce qu'elle jugera convenable, &, s'il y a lieu, les renverra pour être jugés au tribunal criminel du département.

XLI. Les chefs des troupes de ligne, de la gendarmerie nationale, de la garde soldée des villes, ou des gardes nationales; qui refuseroient d'exécuter les réquisitions qui leur seroient faites, seront poursuivis sur la  requête de l'accusateur public, à la diligence du procureur-général-syndic, & punis des peines portées au code pénal, sans préjudice des peines plus graves prononcées par la loi contre les crimes attentatoires à la tranquillité publique.

XLII. Les citoyens en activité de service de garde nationale, ou même simplement inscrits sur le rôle, qui, hors le cas de la loi martiale, refuseroient après une réquisition légale, soit de marcher ou de se faire remplacer, soit d'obéir à un ordre conforme aux loix, seront privés de l'exercice de leurs droits de citoyen actif durant un intervalle de temps qui n'excédera pas quatre années. Ils pourront même, selon la gravité des circonstances, être condamnés à un emprisonnement qui ne pourra excéder un an.

XLIII. Les délits mentionnés en l'article précédant seront poursuivis par la voie de police correctionnelle.

XLIV. Indépendamment des réquisitions particulières qui pourront être adressées, selon les règles ci-dessus prescrites, aux citoyens inscrits pour le service des gardes nationales, lorsque leur secours momentané deviendra nécessaire, ils seront mis en état de réquisition permanente, soit par les officiers municipaux dans les villes au dessus de dix mille ames, soit par-tout ailleurs par le directoire de département, sur l'avis de celui de district, lorsque la liberté ou la sûreté publique sera menacée.

XLV. Cette réquisition permanente obligera les citoyens inscrits à un service habituel de vigilance; les patrouilles seront alors établies ou renforcées & multipliées.

XLVI. Tous les citoyens inscrits sur le rôle des gardes nationales, sont mis par le présent Décret en état de réquisition permanente, jusqu'à ce que l'exécution des Loix constitutionnelles ne rencontrant point d'obstacles,  le Corps législatif ait expressément déterminé la cessation de cet état.

ARTICLE ADDITIONNEL

à ajouter à la Loi Martiale du mois de Novembre 1789.

La Loi martiale continuera à être proclamée, lorsque la tranquillité publique sera habituellement menacée par des émeutes populaires ou attroupemens séditieux qui se succéderoient l'un à l'autre : pendant le temps que la loi martiale sera en vigueur, toute réunion d'hommes au-dessus du nombre de quinze, dans les rues ou places publiques, avec ou sans armes, sera réputée attroupement. »

 


Code rural du 28 septembre 1791 :

« Décret concernant les biens & usages ruraux, & la Police
rurale
.

Du 28 Septembre 1791.

L'Assemblée Nationale décrète ce qui suit :

TITRE PREMIER.

Des biens & des usages ruraux.

SECTION PREMIÈRE.

Des principes généraux sur la propriété territoriale.

ARTICLE PREMIER.

Le territoire de la France, dans toute son étendue, est libre comme les personnes qui l'habitent : ainsi toute propriété territoriale ne peut être sujette envers les particuliers, qu'aux redevances & aux charges dont la convention n'est pas défendue par la loi; & envers la nation, qu'aux contributions publiques établies par le Corps législatif, & aux sacrifices que peut exiger le bien général, sous la condition d'une juste & préalable indemnité.

II. Les propriétaires sont libres de varier à leur gré la culture & l'exploitation de leurs terres, de conserver à leur gré leurs récoltes, & de disposer de toutes les productions de leur propriété dans l'intérieur du royaume & au dehors, sans préjudicier au droit d'autrui & en se conformant aux loix.

III. Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, à moitié frais.

IV. Nul ne peut se prétendre propriétaire exclusif des eaux d'un fleuve ou d'une rivière navigable ou flottable ; en conséquence tout propriétaire riverain peut, en vertu du droit commun, y faire des prises d'eau sans néanmoins en détourner ni embarrasser le cours d'une manière nuisible au bien général & à la navigation établie.

SECTION DEUXIÈME.

Des baux des biens de campagne.

ARTICLE PREMIER.

La durée & les clauses des baux des biens de campagne seront purement conventionnelles.

II. Dans un bail de six années, ou au-dessous, fait après la publication du présent Décret, quand, il n'y aura pas de clause sur le droit du nouvel acquéreur à titre singulier, la résiliation du bail, en cas de vente du fonds, n'aura lieu que de gré à gré

III. Quand il n'y aura pas de clause sur ce droit dans les baux de plus de six années, en cas de vente du fonds, le nouvel acquéreur à titre singulier pourra exiger la résiliation, sous la condition de cultiver lui-même la propriété ; mais en signifiant le congé au Fermier, au moins un an à l'avance, pour qu'il sorte à pareil mois & jour que ceux auxquels le bail auroit fini, & en dédommageant au préalable ce fermier, à dire d'experts, des avantages qu'il auroit retirés de son exploitation ou culture continuée jusqu'à la fin de son bail, d'après le prix de la ferme, & d'après les avances & les améliorations qu'il aura faites à l'époque de la résiliation.

IV. La tacite reconduction n'aura plus lieu à l'avenir en bail à ferme ou à loyer des biens ruraux

V. A l'avenir il ne sera payé aucun droit de quint, treizième, lods & ventes, & autres précédemment connus sous le titre de droits de vente, à raison des baux à ferme ou à loyer faits pour un temps certain & limité, encore qu'ils excèdent le terme de neuf années, soit que le bail soit fait moyennant une redevance annuelle, soit pour une somme une fois payée, nonobstant toutes loix, coutumes, statuts ou jurisprudence à ce contraires, sans préjudice de l'exécution des loix, coutumes ou statuts qui assujettissent les baux à vie & les aliénations d'usufruits à des droits de vente ou autres droits seigneuriaux.

SECTION TROISIÈME.

Des diverses propriétés rurales.

ARTICLE PREMIER.

Nul agent de l'agriculture, employé avec des bestiaux au labourage, ou à quelque travail que ce soit, ou occupé à la garde des troupeaux, ne pourra être arrêté, sinon pour crime, avant qu'il ait été pourvu à la sûreté desdits animaux ; & en cas de poursuite criminelle, il y sera également pourvu immédiatement après l'arrestation, & sous la responsabilité de ceux qui l'auront exercée.

II. Aucun engrais ni ustensile, ni autre meuble utile à l'exploitation des terres, & aucuns bestiaux servant au labourage, ne pourront être saisis ni vendus pour contributions publiques; & ils ne pourront l'être pour cause de dettes, si ce n'est au profit de la personne qui aura fourni lesdits effets ou bestiaux ; ou pour l'acquittement de la créance du propriétaire envers son fermier ; & ce seront toujours les derniers objets saisis, en cas d'insuffisance d'autres objets mobiliers.

III. La même règle aura lieu pour les ruches; & pour aucune raison, il ne sera permis de troubler les abeilles dans leurs courses & leurs travaux ; en conséquence, même en cas de saisie légitime, une ruche ne pourra être déplacée que clans les mois de Décembre, Janvier & Février.

IV. Les vers à soie sont de même insaisissables pendant leur travail, ainsi que la feuille du mûrier qui leur est nécessaire pendant leur éducation.

Le propriétaire d'un essaim a le droit de le réclamer & de s'en ressaisir, tant qu'il n'a point cessé de le suivre, autrement l'essaim appartient au propriétaire du terrain sur lequel il s'est fixé

SECTION QUATRIÈME.

Des troupeaux, des clôtures, du parcours & de la vaine
pâture
.

ARTICLE PREMIER.

Tout propriétaire est libre d'avoir chez lui telle quantité & telle espèce de troupeaux qu'il croit utiles a la culture & à l'exploitation de des terres, & de les y faire pâturer exclusivement; sauf ce qui sera réglé ci-après relativement au parcours & à la vaine pâture.

II. La servitude réciproque de paroisse à paroisse, connue sous le nom de parcours, & qui entraîne avec elle le droit de vaine pâture, continuera provisoirement d'avoir lieu avec les restrictions déterminées à la présente Section, lorsque cette servitude sera fondée sur un titre ou sur une possession autorisée par les loix & les coutumes. A tous autres égards elle est abolie.

III. Le droit de vaine pâture dans une paroisse, accompagné ou non de la servitude du parcours, ne pourra exister que dans les lieux où il est fondé sur an titre particulier, ou autorisé par la Loi ou par un usage local immémorial, & à la charge que la vaine pâture n'y sera exercée que conformément aux règles & usages locaux, qui ne contrarieront point les réserves portées dans les articles suivans de la présente Section.

IV. Le droit de clore & de déclore ses héritages résulte essentiellement de celui de propriété, & ne peut être contesté à aucun propriétaire. L'Assemblée nationale abroge toutes loix & coutumes qui peuvent contrarier ce droit.

V. Le droit de parcours & le droit simple de vaine pâture ne pourront, en aucun cas, empêcher les propriétaires de clore leurs héritages; & tout le tems qu'un héritage sera clos de la manière qui sera déterminée par l'article suivant, il ne pourra être assujetti ni à l'un ni à l'autre droit ci-dessus.

VI. L'héritage sera réputé clos lorsqu'il sera entouré d'un mur de quatre pieds de hauteur avec barrière ou porte, ou lorsqu'il sera exactement fermé & entouré de palissades ou de treillages, ou d'une haie vive, ou d'une haie sèche, faite avec des pieux, ou cordelée avec des branches, ou de toute autre manière de faire les haies en usage dans chaque localité ; ou enfin d'un fossé de quatre pieds de large au moins à l'ouverture, & de deux pieds de profondeur.

VII. La clôture affranchira de même du droit de vaine pâture réciproque ou non réciproque entre particuliers, si ce droit n'est pas fondé sur un titre. Toutes loix & tous usages contraires sont abolis

VIII. Entre particuliers, tout droit de vaine pâture fondé sur un titre, même dans les bois, sera rachetable, à dire d'Expert, suivant l'avantage que pourroit en retirer celui qui avoir ce droit s'il n'étoit pas réciproque, ou eu égard au désavantage qu'un des propriétaires auroit à perdre la réciprocité si elle existoit ; le tout sans préjudice au droit de cantonnement, tant pour les particuliers que pour les communautés, confirmé par l'article VIII du Décret des 16 & 17 Septembre 1790.

IX. Dans aucun cas & dans aucun temps, le droit de parcours, ni celui de vaine pâture, ne pourront s'exercer sur les prairies artificielles, & ne pourront avoir lieu sur aucune terre ensemencée ou couverte de quelques productions que ce soit, qu'après la récolte.

X. Partout où les prairies naturelles sont sujettes au parcours ou à la vaine pâture, ils n'auront lieu provisoirement que dans le temps autorisé par les loix & coutumes, & jamais tant que la première herbe ne sera pas récoltée

XI. Le droit dont jouit tout propriétaire de clore ses héritages, a lieu même par rapport aux prairies dans les paroisses où sans titre de propriété, & seulement par l'usage, elles deviennent communes à tous les habitans, soit immédiatement après la récolte de la première herbe, soit dans tout autre temps déterminé.

XII. Dans les pays de parcours ou de vaine pâture soumis à l'usage du troupeau en commun, tout propriétaire ou fermier pourra renoncer à cette communauté, & faire garder par troupeau séparé, un nombre de têtes de bétail proportionné à l'étendue des terres qu'il exploitera dans la paroisse.

XIII. La quantité de bétail, proportionnellement à l'étendue du terrain, sera fixée dans chaque paroisse, à tant de bêtes par arpent, d'après les règlemens & usages locaux; & à défaut de documens positifs à cet égard, il y sera pourvu par le Conseil général de la commune.

XIV. Néanmoins tout chef de famille domicilié, qui ne sera ni propriétaire ni fermier d'aucun des terrains sujets au parcours ou à la vaine pâture, & le propriétaire ou fermier à qui la modicité de son exploitation n'assureroit pas l'avantage qui va être déterminé, pourront mettre sur lesdits terrains, soit par troupeau séparé, soit en troupeau en commun, jusqu'au nombre de six bêtes à laine & d'une vache avec son veau, sans préjudicier aux droits desdites personnes sur les terres communales s'il y en a dans la paroisse, & sans entendre rien innover aux loix, coutumes ou usages locaux & de temps immémorial qui leur accorderoient un plus grand avantage.

XV. Les propriétaires ou fermiers exploitant des terres sur les paroisses sujettes au parcours ou à la vaine pâture, & dans lesquelles ils ne seroient par domiciliés, auront le même droit de mettre dans le troupeau commun, ou de faire garder par troupeau séparé une quantité de têtes de bétail proportionne à l'étendue de leur exploitation & suivant les dispositions de l'article XIII de la présente section ; mais dans aucun cas, ces propriétaires ou fermiers ne pourront céder leurs droits à d'autres.

XVI. Quand un propriétaire d'un pays de parcours ou de vaine pâture aura clos une partie de sa propriété, le nombre de têtes de bétail qu'il pourra continuer d'envoyer dans le troupeau commun, ou par troupeau séparé, sur les terres particulières des habitans de la communauté, sera restreint proportionnellement & suivant les dipositions de l'article XIII de la présente section

XVII. La communauté dont le droit de parcours sur une paroisse voisine sera restreint par des clôtures faites de la manière déterminée à l'article VI de cette section, ne pourra prétendre à cet égard à aucune espèce d'indemnité, même dans le cas où son droit seroit fondé sur un titre ; mais cette communauté aura le droit de renoncer à la faculté réciproque qui résultoit de celui de parcours entre elle & la paroisse voisine : ce qui aura également lieu, si le droit de parcours s'exerçoit sur la propriété d'un particulier.

XVIII. Par la nouvelle division du royaume, si quelques sections de paroisse se trouvent réunies à des paroisses soumises à des usages différens des leurs, soit relativement au parcours ou à la vaine parure, soit relativement au troupeau en commun, la plus petite partie dans la réunion suivra la loi de la plus grande, & les corps administratifs décideront des contestations qui naîtroient a ce sujet. Cependant, si une propriété n'étoit point enclavée' dans les autres, & qu'elle ne gênât point le droit provisoire de parcours ou de vaille pâture auquel elle n'étoit point soumise, elle seroit exceptée de cette règle.

XIX. Aussitôt qu'un propriétaire, aura un troupeau malade, il sera tenu d'en faire la déclaration à la municipalité; elle assignera sur le terrain du parcours ou de la vaine pâture, si l'un ou l'autre existe dans la paroisse, un espace où le troupeau malade pourra pâturer exclusivement, & le chemin qu'il devra suivre pour le rendre au pâturage. Si ce n'est point un pays de parcours ou de vaine pâture, le propriétaire sera tenu de ne point faire sortir de ses héritages son troupeau malade.

XX. Les corps administratifs emploieront constamment les moyens de protection & d'encouragement qui sont en leur pouvoir pour la multiplication des chevaux, des troupeaux, & de tous bestiaux de race étrangère qui seront utiles à l'amélioration de nos espèces; & pour le soutien de tous les établissemens de ce genre.

Ils encourageront les habitans des campagnes par des récompenses, & suivant les localités, à la destruction des animaux malfaisans qui peuvent ravager les troupeaux, ainsi qu'à la destruction des animaux & des insectes qui peuvent nuire aux récoltes.

Ils emploieront particulièrement tous les moyens de prévenir & d'arrêter les épizooties & la contagion de la morve des chevaux.

SECTION CINQUIÈME.

Des Récoltes.

ARTICLE PREMIER.

La municipalité pourvoira à faire serrer la récolte un cultivateur absent, infirme, ou accidentellement hors d'état de la faire lui-même, & qui réclamera ce secours ; elle aura soin que cet acte de fraternité & de protection de la loi soit exécuté aux moindres frais. Les ouvriers seront payés sur la récolte de ce cultivateur.

II. Chaque propriétaire sera libre de faire sa récolte de quelque nature qu'elle soit, avec tout instrument & au moment qui lui conviendra, pourvu qu'il ne cause aucun dommage aux propriétaires voisins.

Cependant, dans les pays où le ban de vendange est en usage, il pourra être fait à cet égard un règlement chaque année par le conseil général de la Commune, mais seulement pour les vignes non closes : les réclamations qui pourroient être faites contre le règlement, seront portées au directoire du département, qui y statuera sur l'avis du directoire de district.

III. Nulle autorité ne pourra suspendre ou intervertir les travaux de la campagne, dans les opérations de la semence & des récoltes.

SECTION SIXIEME.

Des Chemins.

Article premier.

Les agens de l'Administration ne pourront fouiller dans un champ pour, y chercher des pierres, de la terre ou du sable, nécessaires à l'entretien des grandes routes ou autres ouvrages publics, qu'au préalable ils n'ayent averti le propriétaire, & qu'il ne soit justement indemnisé à l'amiable, ou à dire d'experts, conformément à l'article premier du présent décret.

II. Les chemins reconnus par le directoire de district pour être nécessaires à la communication des paroisses, seront rendus praticables, & entretenus aux dépens du communautés sur le territoire desquelles ils sont établis ; il pourra y avoir à cet effet une imposition au marc la livre de la contribution foncière.

III. Sur la réclamation d'une des communautés, ou sur celle des particuliers, le directoire de département, après avoir pris l'avis de celui du district, on donnera l'amélioration d'un mauvais chemin, afin que la communication ne soit interrompue dans aucune saison, & il en déterminera largeur.

SECTION SEPTIEME.

Des Gardes champêtres.

ARTICLE PREMIER.

Pour assurer les propriétés & conserver les récoltes, il pourra être établi des gardes champêtres dans les municipalités, sous la juridiction des juges de paix & sous la surveillance des officiers municipaux. Ils seront nommés par le conseil général de la Commune, & ne pourront être changés ou destitués que dans la même forme.

II. Plusieurs municipalités pourront choisir & payer le même garde champêtre & une municipalité pourra en avoir plusieurs. Dans les municipalités où il y a des gardes établis pour la conservation des bois, ils pourront remplir les deux fonctions.

III. Les gardes champêtres seront payés par la communauté, suivant le prix déterminé par le conseil général ; leurs gages seront, prélevés sur les amendes qui appartiendront en entier à la communauté. Dans le cas où elles ne suffiroient pas au salaire des gardes, la somme qui manqueroit seroit répartie au marc la livre de la contribution foncière, mais seroit à la charge de l'exploitant : toutefois les gages des gardes des bois communaux seront prélevés sur le produit de ces bois, & séparés des gages de ceux qui conservent les autres propriétés rurales.

IV. Dans l'exercice de leurs fonctions, les gardes champêtres pourront porter toutes sortes d'armes qui seront jugées leur être nécessaires par le directoire du département. Ils auront sur le bras une plaque de métal ou d'étoffe, où seront inscrits ces mots : LA LOI, le nom de la municipalité, celui du garde.

V. Les gardes champêtres seront âgés au moins de vingt-cinq ans ; ils seront reconnus pour gens de bonnes mœurs, & ils seront reçus par le juge de paix ; il leur fera prêter le serment de veiller à la conservation de toutes les propriétés qui sont sous la foi publique, & de toutes celles dont la garde leur aura été confiés par l'acte de leur nomination.

VI. Ils feront, affirmeront & déposeront leurs rapports devant le juge de paix de leur canton ou l'un de ses assesseurs, ou seront devant l'un ou l'autre leurs déclarations. Leurs rapports, ainsi que leurs déclarations, lorsqu'ils ne donneront lieu qu'à des réclamations pécuniaires, feront foi en justice pour tous les délits mentionnés dans la police rurale, sauf la preuve contraire.

VII. Ils seront responsables des dommages, dans le cas où ils négligeront de faire dans les vingt-quatre heures le rapport des délits.

VIII. La poursuite des délits ruraux sera faite au plus tard dans le délai d'un mois, soit par les parties lésées, soit par le procureur de la commune ou ses substituts, s'il y en a, soit par des hommes de loi commis à cet effet par la municipalité, faute de quoi il n'y aura plus lieu à poursuite.

TITRE II.

De la Police rurale.

ARTICLE PREMIER.

La police des campagnes est spécialement sous la jurisdiction des juges de paix & des officiers municipaux, & sous la surveillance des gardes champêtres & de la gendarmerie nationale.

II. Tous les délits ci-après mentionnés sont, suivant leur nature, de la compétence du juge de paix ou de la municipalité du lieu où ils auront été commis.

III. Tout délit rural ci-après mentionné, sera punissable d'une amende ou d'une détention, soit municipale, soit correctionnelle, ou de détention & d'amende réunies, suivant les circonstances & la gravité du délit, sans préjudice, de l'indemnité qui pourra être due à celui qui aura souffert le dommage. Dans tous les cas, cette indemnité sera payable par préférence à l'amende. L'indemnité & l'amende sont dues solidairement par les délinquans

IV. Les moindres amendes seront de la valeur d'une journée de travail au taux du pays, déterminée par le directoire de département. Toutes les amendes ordinaires qui n'excèderont pas la somme de trois journées de travail, seront doubles en cas de récidive dans l'espace d'une année, ou si le délit a été commis avant le lever ou après le coucher du soleil ; elles seront triples quand les deux circonstances précédentes se trouveront réunies : elles seront versées dans la caisse de la municipalité du lieu.

V. Le défaut de paiement des amendes & des dédommagemens ou indemnités, n'entraînera la contrainte par corps que vingt-quatre heures après le commandement. La détention remplacera l'amende à l'égard des insolvables, mais sa durée en commutation de peine ne pourra excéder un mois. Dans les délits pour lesquels cette peine n'est point prononcée, & dans les cas graves où la détention est jointe à l'amende, elle pourra être prolongée du quart du temps prescrit par la loi.

VI. Les délits mentionnés au présent Décret, qui entraîneroient une détention de plus de trois jours dans les campagnes, & de plus de huit jours dans les villes, seront jugés par voie de police correctionnelle ; les autres le seront par voie de police municipale.

VII. Les maris, pères, mères, tuteurs, maîtres, entrepreneurs de toute espèce, seront civilement responsables des délits commis par leurs femmes & enfans, pupilles, mineurs n'ayant pas plus de vingt ans & non mariés, domestiques, ouvriers, voituriers & autres subordonnés. L'estimation du dommage sera toujours faite par le juge de paix ou les assesseurs, ou par des experts par eux nommés.

VIII. Les domestiques, ouvriers, voituriers, ou autres subordonnés, seront, à leur tour, responsables de leurs délits envers ceux qui les emploient.

IX. Les officiers municipaux veilleront généralement à la tranquillité, à la salubrité & à la sûreté des campagnes ; ils seront tenus particulièrement de faire, au moins une fois par an, la visite des fours & cheminées de toutes maisons & de tous bâtimens éloignés de moins de cent toises d'autres habitations : ces visites seront préalablement annoncées huit jours d'avance.

Après la visite, ils ordonneront la réparation ou la. démolition des fours & des cheminées qui se trouveront dans un état de délabrement qui pourroit occasionner un incendie ou d'autres accidens ; il pourra y avoir lieu à une amende au moins de 6 liv., & au plus de 24 liv.

X. Toute personne qui aura allumé du feu dans les champs plus près que cinquante toises des maisons, bois, bruyères, vergers, haies, meules de grains, de paille, ou de foin, sera condamnée à une amende égale à la valeur de douze journées de travail, & payera en outre le dommage que feu auroit occasionné. Le délinquant pourra de plus, suivant les circonstances, être condamné à la détention de police municipale.

XI. Celui qui achètera des bestiaux hors des foires & marchés, sera tenu de les restituer gratuitement au propriétaire, en l'état où ils se trouveront, dans le cas où ils auroient été volés.

XII. Les dégâts que les bestiaux de toute espèce laissés à l'abandon, feront sur les propriétés d'autrui, soit dans l'enceinte des habitations, soit dans un enclos rural, soit dans les champs ouverts, seront payés par les personnes qui ont la jouissance des bestiaux : si elles sont insolvables, ces dégâts seront payés par celles qui en ont la propriété. Le propriétaire qui éprouvera les dommages, aura le droit de saisir les bestiaux, sous l'obligation de les faire conduire dans les vingt-quatre heures au lieu du dépôt qui sera désigné à cet effet par la municipalité.

Il sera satisfait aux dégâts par la vente des bestiaux, s'ils ne sont pas réclamés, ou si le dommage n'a point été payé dans la huitaine du jour du délit.

Si ce sont des volailles, de quelque espèce que ce soit, qui causent le dommage, le propriétaire, le détenteur ou le fermier qui l'éprouvera, pourra les tuer, mais seulement sur le lieu, au moment du dégât.

XIII. Les bestiaux morts seront enfouis dans la journée à quatre pieds de profondeur par le propriétaire, & dans son terrain, ou voiturés à l'endroit désigné par la municipalité, pour y être également enfouis, sous peine par le délinquant de payer une amende de la valeur d'une journée de travail, & les frais de transport & d'enfouissement.

XIV. Ceux qui détruiront les greffes des arbres fruitiers ou autres, & ceux qui écorceront ou couperont en tout ou en partie des arbres sur pied, qui ne leur appartiendront pas, seront condamnés à une amende double du dédommagement dû au propriétaire, & à une détention de police correctionnelle qui ne pourra excéder six mois.

XV. Personne ne pourra inonder l'héritage de son voisin, ni lui transmettre volontairement les eaux d'une manière nuisible, sous peine de payer le dommage, & une amende qui ne pourra excéder la somme du dédommagement.

XVI. Les propriétaires ou fermiers des moulins & usines construits ou à construire, seront garans de tous dommages que les eaux pourroient causer aux chemins ou aux propriétés voisines, par la trop grande élévation du déversoir, ou autrement. Ils seront forcés de tenir les eaux à une hauteur qui ne nuise à personne, & qui sera fixée par le directoire du département d'après l'avis du directoire de District. En cas de contravention, la peine sera une amende qui ne pourra excéder la somme du dédommagement.

XVII. Il est défendu à toute personne de recombler les fossés, de dégrader les clôtures, de couper des branches de haies vives, d'enlever des bois secs des haies, sous peine d'une amende de la valeur de trois journées de travail. Le dédommagement sera payé au propriétaire ; & suivant la gravité des circonstances, la détention pourra avoir lieu, mais au plus pour un mois.

XVIII. Dans les lieux qui ne sont sujets ni au parcours, ni à la vaine pâture, pour toute chèvre qui sera trouvée sur l'héritage d'autrui contre le gré du propriétaire de l'héritage, il sera payé une amende de la valeur d'une journée de travail par le propriétaire de la chèvre.

Dans les pays de parcours ou de vaine pâture, où les chèvres ne sont pas rassemblées & conduites en troupeau commun, celui qui aura des animaux de cette espèce, ne pourra les mener aux champs qu'attachées, sous peine d'une amende de la valeur d'une journée de travail par tête d'animal.

En quelque circonstance que ce soit, lorsqu'elles auront fait du dommage aux arbres fruitiers ou autres, haies, vignes, jardins, l'amende sera double, sans préjudice du dédommagement dû au propriétaire.

XIX. Les propriétaires ou les fermiers d'un même canton ne pourront se coaliser pour faire baisser ou fixer à vil prix la journée des ouvriers ou les gages des domestiques, sous peine d'une amende du quart de la contribution mobiliaire des délinquans, & même de la détention de police municipale, s'il y a lieu.

XX. Les moissonneurs, les domestiques & ouvriers de la campagne ne pourront se liguer entr'eux pour faire hausser & déterminer le prix des gages ou les salaires, sous peine d'une amende qui ne pourra excéder la valeur de douze journées de travail, & en outre de la détention de police municipale.

XXI. Les glaneurs, les rateleurs & les grapilleurs, dans les lieux où les usages de glaner, de rateler ou de grapiller sont reçus, n'entreront dans les champs, prés & vignes récoltés & ouverts, qu'après l'enlèvement entier des fruits. En cas de contravention, les produits du glanage, du ratelage & grapillage seront confisqués, &, suivant les circonstances, il pourra y avoir lieu à la détention de police municipale. Le glanage, le ratelage & le grapillage sont interdits dans tout enclos rural, tel qu'il est défini à l'article VI de la quatrième section du premier titre du présent Décret.

XXII. Dans les lieux de parcours ou de vaine pâture, comme dans ceux où ces usages ne sont point établis, les pâtres & les bergers ne pourront mener les troupeaux d'aucune espèce dans les champs moissonnés & ouverts, que deux jours après la récolte entière, sous peine d'une amende de la valeur a une journée de travail : l'amende sera double, si les bestiaux d'autrui ont pénétré dans un enclos rural.

XXIII. Un troupeau atteint de maladie contagieuse, qui sera rencontré au pâturage sur les terres du parcours ou de la vaine pâture, autres que celles qui auront été désignées pour lui seul, pourra être saisi par les gardes champêtres, & même par toute personne ; il sera ensuite mené au lieu de dépôt qui sera indiqué à cet effet par la municipalité.

Le maître de ce troupeau sera condamné a une amende de la valeur d'une journée de travail par tête de bêtes à laine, & à une amende triple par tête d'autre bétail.

Il pourra en outre, suivant la gravité des circonstances, être responsable du dommage que son troupeau auroit occasionné, sans que cette responsabilité puisse s'étendre au delà des limites de la municipalité.

A plus forte raison, cette amende & cette responsabilité auront lieu, si ce troupeau a été saisi sur les terres qui ne sont point sujettes au parcours ou à la vaine pâture.

XXIV. Il est défendu de mener sur le terrein d'autrui des bestiaux d'aucune espèce, & en aucun tems, dans les prairies artificielles, dans les vignes, oseraies, dans les plants de capriers, dans ceux d'oliviers, de mûriers, de grenadiers, d'orangers & arbres du même genre, dans tous les plants & pépinières d'arbres fruitiers ou autres, faits de main d'hommes.

L'amende encourue pour le délit sera une somme de la valeur du dédommagement dû au propriétaire : l'amende sera double si le dommage a été fait dans un enclos rural ; & suivant les circonstances, il pourra y avoir lieu à la détention de police municipale.

XXV. Les conducteurs des bestiaux revenant des foires, ou les menant d'un lieu à un autre, même dans les pays de parcours ou de vaine pâture, ne pourront les laisser pâcager sur les terres des particuliers, ni sur les communaux, sous peine d'une amende de la valeur de deux journées de travail, en outre du dédommagement. L'amende sera égale à la somme du dédommagement, si le dommage est fait sur un terrein ensemencé, ou qui n'a pas été dépouillé de sa récolte, ou dans un enclos rural.

A défaut de paiement, les bestiaux pourront être saisis & vendus jusqu'à concurrence de ce qui sera dû pour l'indemnité, l'amende & autres frais relatifs ; il pourra même y avoir lieu envers les conducteurs, à la détention de police municipale, suivant les circonstances.

XXVI. Quiconque sera trouvé gardant à vue ses bestiaux dans les récoltes d'autrui, sera condamné en outre du paiement du dommage, à une amende égale à la somme du dédommagement, & pourra l'être, suivant les circonstances, à une détention qui n'excédera pas une année.

XXVII. Celui qui entrera à cheval dans les champs ensemencés, si ce n'est le propriétaire ou ses agens, paiera le dommage & une amende de la valeur d'une journée de travail : l'amende sera double si le délinquant y est entré en voiture. Si les blés sont en tuyau, & que quelqu'un y entre même à pied, ainsi que dans toute autre récolte pendante, l'amende sera au moins de la valeur de trois journées de travail, & pourra être d'une somme égale à celle due pour dédommagement au propriétaire.

XXVIII. Si quelqu'un, avant leur maturité, coupe ou détruit de petites parties de blé en verd, ou d'autres productions de la terre, sans intention manifeste de les voler, il paiera en dédommagement au propriétaire, une somme égale à la valeur que l'objet auroit eu dans sa maturité ; il sera condamné à une amende égale à la somme du dédommagement, & il pourra l'être à la détention de police municipale.

XXIX. Quiconque sera convaincu d'avoir dévasté des récoltes sur pied, ou abattu des plants venus naturellement, ou faits de main d'hommes, sera puni d'une amende double du dédommagement dû au propriétaire, & d'une détention qui ne pourra excéder deux années.

XXX. Toute personne convaincue d'avoir, de dessein prémédité, méchamment, sur le territoire d'autrui, blessé ou tué des bestiaux ou chiens de garde, sera condamné à une amende double de la somme du dédommagement. Le délinquant pourra être détenu un mois, si l'animal n'a été que blessé; & six mois, si l'animal est mort de sa blessure, ou en est resté estropié : la détention pourra être du double, si le délit a été commis la nuit, ou dans une étable ou dans un enclos rural.

XXXI. Toute rupture ou destruction d'instrument de l'exploitation des terres, qui aura été commise dans les champs ouverts, sera punie d'une amende égale à la somme du dédommagement dû au cultivateur, & d'une détention qui ne sera jamais de moins d'un mois, & qui pourra être prolongée jusqu'à six, suivant la gravité des circonstances.

XXXII. Quiconque aura déplacé ou supprimé des bornes, ou pieds cormiers, ou autres arbres plantés ou reconnus pour établir les limites entre différens héritages, pourra, en outre du paiement du dommage & des frais de replacement des bornes, être condamné à une amende de la valeur de douze journées de travail ; & sera puni par une détention dont la durée, proportionnée à la gravité des circonstances, n'excédera pas une année. La détention cependant pourra être de deux années, s'il y a transposition de bornes à fin d'usurpation.

XXXIII. Celui qui sans la permission du propriétaire ou fermier, enlevera des fumiers, de la marne, ou tous autres engrais portés sur les terres, sera condamné à une amende qui n'excédera pas la valeur de six journées de travail, en outre du dédommagement ; & pourra l'être à la détention de police municipale. L'amende sera de douze journées, & la détention pourra être de trois mois, si le délinquant a fait tourner à son profit lesdits engrais.

XXXIV. Quiconque maraudera, dérobera des productions de la terre qui peuvent servir à la nourriture des hommes, ou d'autres productions utiles, sera condamné à une amende égale au dédommagement dû au propriétaire ou fermier ; il pourra aussi, suivant les circonstances du délit, être condamné à la détention de police municipale.

XXXV. Pour tout vol de récolte fait avec des paniers ou des sacs, ou à l'aide des animaux de charge, l'amende sera du double du dédommagement; & la détention, qui aura toujours lieu, pourra être de trois mois, suivant la gravité des circonstances.

XXXVI. Le maraudage ou enlèvement de bois, fait à dos d'homme dans les bois taillis ou futaies, ou autres plantations d'arbres des particuliers ou communautés, sera puni d'une amende double du dédommagement dû au propriétaire. La peine de la détention pourra être la même que celle portée en l'article précédent.

XXXVII. Le vol dans les bois taillis, futaies & autres plantations d'arbres des particuliers ou communautés, exécuté à charge de bête de somme ou de charrette, sera puni par une détention qui ne pourra être de moins de trois jours, ni excéder six mois. Le coupable paiera en outre une amende triple de la valeur du dédommagement dû au propriétaire.

XXXVIII. Les dégâts faits dans les bois taillis des particuliers ou des communautés par des bestiaux ou troupeaux, seront punis de la manière suivante :

Il sera payé d'amende, pour une bête à laine, une livre ; pour un cochon, une livre ; pour une chèvre, deux livres ; pour un cheval ou autre bête de somme, deux livres ; pour un bœuf, une vache ou un veau, trois livres.

Si les bois taillis sont dans les six premières années de leur croissance, l'amende sera double.

Si les dégâts sont commis en présence du pâtre, & dans les bois taillis de moins de six années, l'amende sera triple.

S'il y a récidive dans l'année, l'amende sera double ; & s'il y a réunion des deux circonstances précédentes, ou récidive avec une des deux circonstances, l'amende sera quadruple.

Le dédommagement dû au propriétaire, sera estimé de gré à gré, ou dire d'Expert.

XXXIX. Conformément au décret sur les fonctions de la Gendarmerie nationale, tout dévastateur des bois, des récoltes, ou chasseur masqué, pris sur le fait, pourra être saisi par tout gendarme national, sans aucune réquisition d'officier civil.

XL. Les cultivateurs ou tous autres qui auront dégradé ou détérioré, de quelque manière que ce soit, des chemins publics, ou usurpé sur leur largeur, seront condamnés à la réparation ou à la restitution, & à une amende qui ne pourra être moindre de trois livres, ni excéder vingt quatre livres.

XLI. Tout voyageur qui déclora un champ pour se faire un passage dans sa route, paiera le dommage fait au propriétaire, & de plus une amende de la valeur de trois journées de travail, à moins que le juge de paix du canton ne décide que le chemin public étoit impraticable ; & alors les dommages & les frais de clôture seront à la charge de la communauté.

XLII. Le voyageur qui, par la rapidité de sa voiture ou de sa monture, tuera ou blessera des bestiaux sur les chemins, sera condamné à une amende égale à la somme du dédommagement dû au propriétaire des bestiaux.

XLIII. Quiconque aura coupé ou détérioré des arbres plantés sur les routes, sera condamné à une amende du triple de la valeur des arbres, & à une détention qui ne pourra excéder six mois.

XLIV. Les gazons, les terres ou les pierres des chemins publics, ne pourront être enlevés en aucun cas, sans l'autorisation du directoire du département. Les terres ou matériaux appartenans aux Communautés ne pourront également être enlevés, si ce n'est par suite d'un usage général établi dans la Commune, pour les besoins de l'agriculture, & non aboli par une délibération du conseil général.

Celui qui commettra l'un de ces délits sera, en outre de la réparation du dommage, condamné, suivant la gravité des circonstances, à une amende qui ne pourra excéder vingt-quatre livres, ni être moindre de trois livres ; il pourra de plus être condamné à la détention de police municipale.

XLV. Les peines & les amendes déterminées par le présent Décret, ne seront encourues que du jour de sa publication. »

 


[1] Maurice DOMMANGET. Enragés et curés rouges en 1793, Jacques Roux, Pierre Dolivier. Editions Les amis de Spartacus, 1993. Page 74.

[2] Voir les textes législatifs ci-dessous.

[3] Décret sur les biens et usages ruraux et sur la police rurale.

 

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