Le 14 juillet 1790 à Nogent-le-Rotrou.
Fête de la Fédération à Nogent, 14 juillet 1790[1]
Voir l’article de ce blog Mouvement populaire et luttes politiques en 1790 ( 1 )
« COPIE du procès-verbal de la célébration de la fête de la Fédératio à Nogent-le-Rotrou, le 14 juillet 1790[2].
« Le Mercredi quatorze juillet mail sept cent quatre-vingt-dix, jour de la Fédération générale à Paris, des gardes nationales, des troupes de lignes, de mer, et de tous citoïens de l'Empire. En l'assemblée du district de Nogent-le-Rotrou, séante chez le procureur sindic au retour de la cérémonie de cette fête, à laquelle elle avoit été invitée le jour d'hier par MM. De la Garde nationale, le Procureur sindic a dit : Que la fête nationale qui vient de se célébrer perpétüera aux siècles à venir l'époque mémorable où les courageux citoïens de Paris, renversant les barrières du despotisme, rétablirent le peuple en ses droits et lui procurèrent cette liberté qui en est un des plus doux ; qu'elle sera non moins remarquable par l'union qu'elle forme de tous les citoïens, qui, au même moment, après avoir invoqué le divin Auteur de tous les biens, ont juré de s'aimer avec les sentiments de la plus intime fraternité, et de consacrer le bonheur public par l'adhésion la plus ferme et la plus parfaite à tous les décrets de l'Assemblée nationale et l'amour le plus sincère pour le plus aimé des Roys.
Qu'une fête qui fait le bonheur des citoïens et doit assurer la félicité publique, fête à laquelle aucunes de celles qui ont fait époque chez les plus célèbres nations ne peuvent être comparées, doit se trouver décrite dans les Archives publiques. Pour quoi invite l'Assemblée, comme premier corps du district, dresser acte de la solemnité apportée par la ville à la cérémonie de ce jour.
L'Assemblée, prenant en grande considération le réquisitoire du Procureur sindic, atteste que, vers dix heures du matin, elle s'est rendue chez le Procureur sindic comme lieu le plus commode*.
Que, vers onze heures, la compagnie de chasseurs de la Garde nationale s'est présentée, commandée par M. Crochard, capitaine, qui, aïant divisé sa compagnie, a prié l'Assemblée d'en occuper le centre
L'Assemblée a ainsi été conduite dans cette enceinte formée dans la place publique, au milieu de laquelle enceinte s'élevoit un autel décoré avec simplicité, mais avec beaucoup de goût.
Aucun corps n'avoit pris place dans cette enceinte, et celle que l'Assemblée a occupée à la droite de l'autel lui a été désignée.
Peu après, les autres compagnies de la Garde nationale se sont rendües du corps de garde à l'Hôtel de la commune**, où leurs drapeaux étoient, et sont entrés dans l'enceinte avec le Corps municipal de la ville placé à la suite de la 1ère compagnie, auquel Corps municipal s'étoient jointes les municipalités du canton de Nogentqu'une plus grande solemnité que chez eux et l'invitation du Corps municipal du chef-lieu avoient attirés.
Les tambours et la musique ouvroient la marche.
Le Corps municipal a pris place du côté gauche de l'autel ; mais, le nombre des chaises s'étant trouvé insufisant, quelques officiers municipaux de la ville et de la campagne se sont placés sur la même ligne que les membres de l'Assemblée, immédiatement au-dessous du secrétaire, et plusieurs notables derrières.
Tout étoit prévu pour plaire à tous les citoïens, et le contentement a paru parfait lorsque les chasseurs ont introduit dans l'enceinte les vieillards et les infirmes rassemblés sans distinction d'état et de fortune.
Cette dernière marche faite, la messe a été annoncée par le bruit des boëtes qui, dès la veille et ce matin, a été le signal à toutes les églises de sonner les cloches.
La messe a été célébrée par M. Bigeault, ancien curé de Saint-Laurent, aussi distingué par son mérite que par son patriotisme, à l'aide de M. Morin, vicaire de ladite paroisse, faisant fonction de maître de cérémonie***.
La messe finie, à midi précis, le bruit des boëtes s'est répété pour annoncer la prestation du serment.
Alors l'Assemblée a monté à l'autel, et, tous les membres levant la main, M. le Président a prononcé la formule du serment :
« Nous jurons de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roy, d'être fidèles à la nation, à la Loy et au Roy ; et de demeurer unis à tous les François par les liens indissolubles de la fraternité. »
L'Assemblée, descendüe, a été remplacé par le Corps municipal de la ville et les officiers municipaux des campagnes du canton. Tous levant la main, M. Gouhier, premier officier municipal, a prononcé le serment.
Ensuite M. de Saint-Pol, commandant de la Garde nationale, est monté à l'autel et, levant la main, a lu la formule : « Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au Roy ;
De maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roy ;
De protéger, conformément aux Loix, la sûreté des personnes et des propriétés, la libre circulation des grains et subsistances dans l'intérieur du Royaume, et la perception des contributions publiques, sous quelques formes qu'elles existent ;
De demeurer unis à tous les François par les liens indissolubles de la fraternité. »
Après quoi, la Garde nationale a défilé avec ordre devant l'autel, et chacun, levant, a prononcé le serment : « Je le jure. »
Cette prestation de serment a été terminée par celles des vieillards et infirmes, conduits pour ce par la compagnie des chasseurs.
Il ne restoit plus que des actions de grâces à rendre pour couronner la fête. Les bruits des boëtes et le son des cloches de la ville ont annoncé le Te Deum, qui a été chanté et a terminé la cérémonie.
La Garde nationale a sorti de l'enceinte l'Assemblée placée immédiatement après la première compagnie, ensuite le Corps municipal de la ville et ceux des campagnes, et a été ainsi reconduite à la maison du Procureur sindic.
Arrête l'Assemblée qu'expéditions du présent procès-verbal seront adressées à MM. Les officiers municipaux et de la Garde nationale, comme une preuve de la satisfaction qu'a eue l'Assemblée d'une cérémonie dont l'exécution est düe au zèle et au patriotisme qui dirigent toutes leurs actions vers le bien public, sentiments qui animent tous les membres du district, qu'ils s'empressent d'énoncer et qu'ils désirent mettre en activité pour concourir au même but par le plus intime concert.
Fait et arrêté de relevée ledit jour 14 juillet 1790, l'an I de la Révolution. »
*( Note de l'édition originale ) Le siège du district était situé rue Saint Laurent, en la maison occupée aujourd'hui par la recette des finances, et qui, au temps de Sully, avait servi de temple protestant, et plus tard de grenier à sel.
**Disons, en passant, que le corps de garde était situé dans une des échoppes en bois abritées par le toit de la chapelle Saint Jacques, dite de l'Aumône ( devenue aujourd'hui l'église Notre-Dame ), alors que les bas-côtés n'exiqtaient pas encore. Quand à l'hôtel de commune; chacun peut s'en souvenir, il était situé sur l'emplacement de la rue de la Mairie. Il fut démoli en 1865, après la construction, en 1860, de l'hôtel de ville actuel, à l'endroit précis où, en l'année 1533, fut édifiée, en bois, la Halle de la ville, surmontée de l'Audience, et dont la démolition eut lieu en 1843.
***M. Morin, un peu plus tard, était nommé curé de la paroisse de Notre-Dame.
[1] G. DAUPELEY. « La célébration a Nogent-le-Rotrou de la première Fédération le 14 juillet 1790. » In Documents sur Nogent – le Rotrou. Nogent – le – Rotrou, 1904. Réédition 1996. Pages 157 à 161.
[2] Hélas Daupeley ne cite pas la source du document original ! Il peut s'agir du registre de délibérations du directoire du district de Nogent-le-Rotrou côté L 145 ancienne côte ( nouvelle côte : L 1169 ) aux AD28 mais nous n'en n'avons pas trouvé trace de ce document, s'il s'agit d'une délibération non pas du directoire mais du Conseil du district ( comme semble l'indiquer l'expression « l'assemblée du district de Nogent-le-Rotrou » ) alors ce compte-rendu semble perdu en effet les AD 28 ne conservent les délibérations de ce Conseil qu'à compter du 26 octobre.