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La Révolution Française à Nogent le Rotrou

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La Révolution Française à Nogent le Rotrou
  • Nogent-le-Rotrou et son district durant la Révolution française avec des incursions dans les zones voisines ( Sarthe, Orne, Loir-et-Cher voire Loiret ). L'angle d'attaque des études privilégie les mouvements sociaux et les archives locales et départemental
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Le Pére Gérard

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13 février 2018

Printemps – été 1793 : la politique du premier maximum et son acceptation.

Nous ne nous intéresserons ici qu’à l’application du premier maximum, celui du 4 mai 1793, et aux réactions qu’il a suscité dans les campagnes. L’étude de la politique de subsistance de l’an II nécessiterait un travail spécifique.

Décret 4 mai 1793

La loi du 4 mai 1793 fut accueillie très favorablement à Nogent. Elle répondait aux vœux des taxateurs de novembre 1792. Elle prescrivait des déclarations, des recensements et visites domiciliaires dans les plus brefs délais. Le tableau du maximum devait être établi par le département à partir des mercuriales des marchés relevant de son territoire. Dès le 8 mai, le district de Nogent arrêtait qu’il fût « […] envoyé des commissaires dans tous les endroits où il y aura des marchés, afin d’obtenir des municipalités les mercuriales contenant le prix de toutes les espèces de grains qui s’y trouvent compris et taxés […]»[1]. Le 18 mai, le département publiait le tableau des maximums départementaux[2]. Dès le 13 mai, la municipalité d’Authon – du – Perche enregistrait les déclarations des propriétaires et exploitants de son ressort ; les opérations durèrent jusqu’au 19 mai[3]. Le 21 mai, la municipalité d’Authon nommait deux de ses membres pour vérifier les déclarations. Le district quant à lui désignait 6 commissaires, le 29 mai 1793 , pour seconder les municipalités dans les opérations de recensement[4].

Proportion de communes n’ayant pas rempli le recensement des grains ordonné par la loi du 4 mai 1793.

Carte

Toutes les municipalités n’étaient pas prêtes à faire preuve d’autant de zèle que celle d’Authon. Lorsque le 24 juin, le commissaire, nommé par arrêté départemental du 20 juin 1793, afin d’effectuer le recensement des grains et farines du district de Nogent – le – Rotrou, se présenta devant l’administration du district seulement 35 communes avaient effectué les opérations de recensement. Les cantons de Champrond – en – Gâtine et de Frazé étaient de loin les plus réfractaires à la politique mise en place par la loi du 4 mai 1793[5]. Dans le canton de Champrond – en – Gâtine, 5 communes sur 9 n’avaient pas dressé d’états des grains et farines en leur possession ; dans celui de Frazé, la proportion était de 6 sur 9. Ces deux cantons constituaient une « zone » de nette mauvaise volonté à l’application de la politique du maximum, le nombre de communes négligeant de procéder au recensement des grains et farines y dépassait la moitié. Les cantons d’Authon – du – Perche et de La Bazoche – Gouët étaient ceux où le recensement était le mieux fait. Il n’y avait dans chacun de ses cantons qu’une commune n’ayant pas renseigné le recensement. Nous avons vu avec quelle promptitude la municipalité d’Authon s’était chargée de procéder au recensement de ses grains. L’énergie déployée ne fut pas moindre à La Bazoche ; dès le 30 mai 1793 , la municipalité y prononçait des confiscations pour fausses déclarations[6].

De la part de la grande majorité des municipalités du canton de Frazé et de Champrond – en – Gâtine il s’agissait bien d’un refus délibéré d’appliquer la loi du 4 mai 1793 relative aux subsistances. Alors que les cantons touchés par le mouvement taxateur de novembre 1792 s’empressaient de faire appliquer cette même loi.

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En ce début d’année 1793, les attitudes étaient donc bien tranchées. Tout indique une « différenciation » entre les deux cantons de Frazé  et de Champrond – en – Gâtine et ceux de  Nogent – le – Rotrou, Authon – du – Perche, La Bazoche – Gouët ; entre le Nord – Est et le Sud – Ouest du district : attitudes vis – à – vis des levées de volontaires, vis – à – vis du clergé  réfractaire[7], de l’application du maximum au printemps 1793. Les cantons du Nord – Est ne connurent aucune mobilisation populaire aussi bien sur le problème des subsistances que pour s’opposer à l’aristocratie[8], le mouvement populaire n’y eut pas prise réelle. Le canton de Thiron – Gardais nous apparaît dans une situation intermédiaire : la mobilisation populaire y fut peu importante par contre on ne constata aucun « mauvais esprit » sur le problème religieux, celui de la levée des volontaires ou de la politique de réquisition.

Nous sommes donc bien en présence de trois cantons « patriotes » d’un côté, où se développa un puissant mouvement populaire au caractère démocratique et anticapitaliste prononcé ; ce mouvement populaire donna naissance à un important mouvement Sans – Culotte en 1793 ; de l’autre côté : deux cantons « tièdes », où cependant l’opposition au cours des choses ne fut jamais ouvertement contre – révolutionnaire.

Le cas d’un Jacques Ducœur – Joly, ancien procureur de la commune de St Victor – de – Buthon et juge de paix du canton de Champrond – en – Gâtine, pour exceptionnel n’en était pas moins significatif. Le 15 floréal an II ( 45 mai 1794 ), le procureur de St Victor – de – Buthon, le citoyen L. Perrière, dénonçait sa conduite incivique en ces termes :

« […] 1°) En 1791 peu après l’organisation de la Garde – nationale, étant alors procureur de la commune, il mit au bout d’une gaule un vieux guenillon en forme de jupon, le présenta à M. Goussard pour le porter disant que c’était le drapeau de la Nation et commanda ensuite à la Garde – Nationale de suivre ce drapeau.

2°) Il disait au peuple, lorsque la Garde – Nationale sortais de l’église sous le commandement du citoyen Le Chesne : rangez – vous, l’attelée au chêne va passer car j’entends déjà le grelot.

3°) Que sur les mots Constitution et Liberté qu’on mettait sur le retroussé des habits de la Garde – Nationale, il a dit qu’il fallait mettre la liberté au cul. […] »[9].

Ducœur – Joly fut sauvé par le 9 thermidor an II. L’affaire était remontée au comité de salut public. Par une lettre du 6 messidor an II ( 24 juin 1794 ), les citoyens St Just et Prieur demandaient au directoire du district de leur faire passer les pièces concernant le citoyen «  cœur joli ». Elle n’arriva à Nogent – le – Rotrou que le 1er thermidor an II ( 19 juillet 1794 )[10].

Jamais aucune municipalité des cantons de Frazé et de Champrond – en – Gâtine ne prit position en faveur « d’ennemis de la révolution » : que ce fût les fédéralistes ou les Vendéens. Nous sommes plutôt en présence, ici, d’une résistance passive. Nous avons déjà qualifié l’attitude de ces cantons « d’égoïsme ». Egoïsme que Chasles dénonçait, le 7 octobre 1792, dans sa lettre aux habitants des campagnes : « […] Vous n’avez peut – être pas songé, frères et amis qu’en négligeant d’approvisionner le marché de Nogent, non seulement vous faites souffrir les nogentais, mais vous faites triompher les aristocrates […] »[11]. Certainement les habitants de ces deux cantons n’y avaient – ils pas pensé, c’était d’ailleurs le moindre de leurs soucis. Ils ne pensaient qu’à conserver leurs grains, encouragés en cela par les municipalités elles – mêmes. Le brigadier de gendarmerie Vasseur signalait, dans un procès – verbal du 28 août 1793, que Boullay et Anin, fermiers dans la commune des Corvées, canton de Champrond – en – Gâtine, avaient failli être assassinés, le 25 août, par un attroupement de 40 à 50 personnes avec à leur tête la municipalité des Corvées[12]. Le 13 septembre 1793, le citoyen Robin de Villebon, canton de Champrond – en – Gâtine, dénonçait un officier municipal de cette commune, le citoyen Bercher, pour avoir dit qu’il ne fallait pas déclarer le blé : « […] qu’il vaudrait mieux délivré ce blé aux boulangers de l’endroit […] »[13]. Le 17 septembre, la commune d’Happonvilliers, canton de Frazé, envoyait une de ses délibérations au conseil du district pour lui signaler qu’il était impossible de satisfaire aux réquisitions destinées à approvisionner le marché de Nogent. Le district lui répondait vertement : « […] qu’il n’ÿ a qu’un vil et barbare égoïsme qui puisse porter des individus assurés pour un longtemps de subsistances à en refuser une faible portion à leurs frères périssans par la faim, […] »[14]. Nous pourrions multiplier les exemples. Il faut dire à la décharge de ces ruraux que bien des Sans – Culottes n’adoptaient pas une attitude différente sur le problème des subsistances. Un des principaux soucis des Sans – Culottes fut de voir les grains sur les marchés de leur ville, le pain chez leur boulanger.

Cette attitude « égoïste », de repli sur soi – même fut, sans aucun doute, celle de l’immense majorité des campagnes françaises. Les zones rurales à caractère franchement révolutionnaire constituèrent sans doute plutôt l’exception que la règle.

 


[1] A. D. Eure – et – Loir, L. 152 ancienne côte, L 1176 nouvelle côte, séance du 08 mai 1793.

[2] A. D. Eure – et – Loir, L. 152 ancienne côte, L 1176 nouvelle côte, séance du 24 mai 1793.

Périodes

Prix au quintal

Froment

Méteil

Seigle

Orge

Mai

13  #

10 # 10 s.

7 # 10 s.

7 #

Juin

11 # 14 s.

9 # 9 s.

. 6 # 15 s.

6 # 6 s.

Juillet

11 # 2 s. 3 d.

8 # 10 s. 6 d.

6 # 8 s. 3 d

5 # 15 s. 8 d.

Août

10 # 14 s. 10 d.

8 # 13 s. 6 d.

6 # 4 s.

5 # 15 s. 8 d.

A partir du 01 octobre 1793

10 # 9 s. 5 d.

8 # 9 s. 2 d.

6 # 10 s.

5 # 12 s. 8 d.

[3] A. D. Eure – et – Loir, L. 181ancienne côte, nouvelle côte provisoire E Dépôt 018 NS art. 19, séances du 13 au 21 mai 1793.

[4] A. D. Eure – et – Loir, L. 152 ancienne côte, L 1176 nouvelle côte, séance du 29 mai 1793.

[5] Voir la carte  ci –dessous.

[6] A. D. Eure – et – Loir, L. 152 ancienne côte, L 1176 nouvelle côte, séance du 30 mai 1793 :

La municipalité de La Bazoche confisquait, pour fausses déclarations :

-       31 boisseaux à Nicolas, laboureur,

-       6 boisseaux à Brière, laboureur,

-       23 boisseaux à la veuve Denise, « laboureuse »,

-       12 boisseaux à la citoyenne Bordas.

A. D. Eure – et – Loir, L. 152 ancienne côte, L 1176 nouvelle côte, séance du 03 juin 1793 :

La municipalité de La Bazoche confisquait ( X ) boisseaux à Marin Philippe, laboureur, pour n’avoir pas fait de déclaration.

[7] Voir l’ article de ce blog  : http://www.nogentrev.fr/archives/2015/12/27/33123491.html

Cependant en ce qui concerne l’attitude vis-à-vis de la politique religieuse des assemblées révolutionnaires nous devons signaler que dans le bourg de Champrond-en-Gâtine, chef-lieu de canton, le prêtre réfractaire du lieu, le sieur Le Comte, fut dénoncé en avril 1791 pour ses propos opposés à la constitution civile du clergé par des habitants du bourg et pas seulement par les autorités constituées.

Enfin dans ce même bourg en décembre 1793, se déroula la seule mascarade déchristianisatrice du district à notre connaissance pour l’instant.

[9] A. D. Eure – et – Loir, L. 153 ancienne côte, L 1177 nouvelle côte, séance du 15 floréal an II.

[10] A. D. Eure – et – Loir, L. 154 ancienne côte, L 1178 nouvelle côte, séance du 1er thermidor an II.

[11] Cl. PICHOIS, J. DAUTRY. Le conventionnel Chasles et ses idées démocratiques. Aix-en-Provence, 1958.P. 38.

[12] A. D. Eure – et – Loir, L. 152 ancienne côte, L 1176 nouvelle côte, séance du 28 août 1793.

[13] A. D. Eure – et – Loir, L. 153 ancienne côte, L 1177 nouvelle côte, séance du 18 septembre 1793.

[14] A. D. Eure – et – Loir, L. 153 ancienne côte, L 1177 nouvelle côte, séance du 17 septembre 1793.

 

 

 

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