Comment votait-on ?
Assemblées primaires et électorales.
Les déclarations de candidature et toute campagne étaient proscrites. Les citoyens actifs ( assemblées primaires ) ou les électeurs ( assemblées électorales ) se réunissaient en assemblée et commençaient par élire le bureau de l’assemblée[1] puis ils procédaient à la nomination des postes à pouvoir un par un ( on ne votait surtout pas par liste ). Ces votes se faisaient publiquement et à voix haute. L’assemblée ne se séparait pas tant que tous les postes n’étaient pas pourvus, ce qui pouvait prendre plus jours notamment dans le cas des assemblées électorales.
Avec la constitution de l’an III, le vote se fit par bulletins déposés dans une urne et les sessions des assemblées furent limitées à dix jours maximum par an.
1. La Constitution du 3 septembre 1791 mit en place un régime censitaire à deux degrés. Pour être citoyens actifs, les hommes devaient avoir 25 ans, être domiciliés dans la commune ou le canton depuis un an au moins, ne pas être domestiques ni métayers, être inscrits sur le rôle de la Garde nationale de leur domicile, avoir prêté le serment civique, ne pas être en état d’accusation, ni faillis, ni insolvables et enfin payer une contribution égale à l’équivalent de trois journées de salaire d’un manœuvre non qualifié ( cette somme variait selon les endroits de une livre à 10 sous ). Sur environ 7 millions d’hommes de plus de 25 ans seuls 4.3 millions étaient citoyens actifs.
1.1. Les assemblées primaires.
Il y en avait une par canton, si le canton était très peuplé il pouvait y en avoir deux ou trois. Elles réunissaient les citoyens actifs d’une commune ou d’un canton. Elles élisaient les électeurs ( en plus d’être citoyen actif, il fallait être propriétaire d’un bien d’une valeur évaluée de 150 à 400 journées de travail pour pouvoir être choisi comme électeur[2] ) qui formaient les assemblées électorales, mais aussi les membres de l’administrations du district et son procureur-syndic[3], le juge de paix du canton et ses assesseurs.
Théoriquement le nombre total d’électeurs départementaux ne devait pas dépassé le dixième de celui des citoyens actifs, mais ils furent sans doute autour de 50 000 sur l’ensemble du pays.
1.2. Les assemblées électorales.
Il y en avait une par département qui se réunissait dans un des chefs-lieux de district du département par roulement.
Elles nommaient les députés à l’Assemblée nationale et les membres de l’administration du département ainsi que son procureur général syndic[4].
2. En septembre 1792.
Pour la désignation des députés à la nouvelle assemblée, la Convention, la Législative abolit à la hâte la distinction entre citoyens actifs et passifs, la limite d’âge étant abaissée à 21 ans[5]. Elle maintint cependant le système du vote à deux degrés. Mais la distinction entre assemblées primaires et assemblées électorales était devenue confuse ; dans beaucoup de grandes villes ( dont Paris ) l’assemblée électorale nomma les députés et les sections ( assemblées primaires ) les ratifièrent, dans d’autres on conserva l’ancien système ce qui peut expliquer que les députés à la Convention n’arrivèrent pas tous à Paris en même temps.
Pour être élu il fallait avoir 25 ans et être citoyen sans condition censitaire.
3. La Constitution de 1793.
Cette Constitution jamais appliquée établissait le suffrage universel masculin. La France devait être découpée en circonscriptions électorales de 39 à 41 000 citoyens ( hommes de plus de 21 ans ). Le suffrage était à un seul degrés, il n’y avait plus de condition d’éligibilité[6]. Ceci qui aboutissait à ne plus tenir compte des cantons.
Malgré tout, les assemblées primaire devaient persister pour les élections locales et surtout elles auraient eu un droit de contrôle sur les lois. Ces dernières devaient être soumises à la ratification des assemblées primaires. Si dans un délai de dix jours, un dixième des assemblées primaires les approuvaient, elles étaient alors adoptées, en cas contraire il fallait organiser un référendum.
Enfin, les assemblées primaires pouvaient se réunir, même de leur propre initiative, pour délibérer sur un sujet quelconque.
La Constitution fut soumise à un référendum durant l’été 1793 ( voire plus tard encore ) et fut acceptée par 1 803 558 citoyens, participation qui semble aujourd’hui assez faible mais qui n’était pas rare en ces débuts de pratiques démocratiques ( environ ¼ des citoyens ) mais toutefois cette acceptation fut bien plus massive que pour la Constitution de l’an III.
4. Constitution de l’an III.
4.1. Pour être citoyen, il fallait être un homme né en France de plus de 21 ans, être inscrit sur le registre civique du canton ( il n’y avait plus d’administration municipale de commune ) et payer une contribution directe[7] ou alors avoir effectué au moins une campagne militaire pour la défense de la République[8].
On estime à 6 millions le nombre de citoyens sur 7 à 8 millions d’hommes de plus de 21 ans.
4.2. Assemblées primaires de canton.
Elles réunissaient les citoyens résidant dans le canton depuis plus d’un an et ne pouvaient pas compter plus de 900 inscrits, au-delà le canton était divisée en plusieurs assemblées primaires.
Ces assemblées élisaient les administrations municipales de canton, les juges de paix et leurs assesseurs ainsi que les électeurs des assemblées électorales.
4.3. Assemblées électorales.
Elles se réunissaient au chef-lieu du département pour élire les députés au Conseil des cinq cents, les juges du tribunal de cassation, les Hauts-jurés, l’administration du département, le président du tribunal criminel ainsi que l’accusateur public, les juges et le greffier du même tribunal et enfin les juges du tribunal civil[9].
Pour être élus à ces assemblées, il fallait être âgé de 25 ans ou plus, être propriétaire ou locataire d’un bien d’une valeur équivalent à 200 journées de travail dans les communes de plus de 6 000 habitants, dans celles de moins de 6 000 habitants le seuil était abaissé à 150 journées de travail. Le nombre d’électeur ne dépassa jamais le chiffre de 30 000 pour toute la France.
Ces assemblées ( primaires ou électorales ) ne pouvaient se réunir que dix jours de suite, que les opérations électorales fussent terminées ou non. Dans ce dernier cas, les fonctionnaires locaux déjà élus devaient compléter les postes des administrations locales à pourvoir. Si tous les députés n’avaient pas été élus, les sièges restaient vacants durant un an et pouvaient être pourvus à l’assemblée électorale suivante ( en plus des députés à élire normalement ).
[1] En attendant que ce bureau soit élu on nommait les doyens d’âge pour procéder à cette première élection.
[2] Cette exigence censitaire pour pouvoir être choisi comme électeur remplaçait la pratique qui avait été instituée par les décrets de décembre 1789 établissant un cens équivalant à 10 journées de travail. Elle fut adoptée le 21 août 1791, en remplacement du marc d’argent ( 50 franc métal ) exigé dans un premier temps pour pouvoir être élus dans les assemblées électorales, après la bataille menée par Robespierre et la « gauche » de la Constituante pour s’opposer à cette condition d’éligibilité extrêmement draconienne.
[3] Pour cette élection tous les citoyens actifs du district se réunissaient au chef-lieu de district. Ce système faisait du district une administration élue de façon plus démocratique que celle du département élue par les électeurs du département.
[4] Voir fin de la note 3.
[5] Les domestiques, faillis et condamnés étaient exclus.
[6] Les faillis et condamnés à une peine infamante étaient exclus du corps électoral. Par contre dans certains cas les étrangers pouvaient être électeurs et même élus.
[7] Sans condition de valeur.
[8] Les citoyens ne payant pas de contribution directe pouvaient cependant devenir électeur en payant une somme équivalent à trois journée de salaire. Mais, de fait, cela revenait, dans une moindre mesure, à la distinction des premières années de la révolution entre citoyens passifs et actifs.
Etaient exclus les domestiques, les métayers, les faillis, les insolvables et les condamnés ainsi que les personnes « affiliées à un ordre étranger à base de distinction sociale ou de vœux religieux ».
Il était également prévu qu’à partir de l’an XII ( 1804 ), les citoyens devraient savoir lire et écrire et exercer une « profession mécanique ».
[9] Théoriquement tous les citoyens pouvaient être élus.