Les édiles ruraux.
Les édiles ruraux dans les campagnes nogentaises durant les premières années de la Révolution Française.
Dans les campagnes et les bourgs, il semble bien qu’il n’y eut pas de grands bouleversements. Les bourgeois occupaient déjà les charges communales ou celles de bailli, ils prirent en main la municipalité nouvelle et continuèrent de diriger les affaires publiques. Dans certaines de ces municipalités ce fut le curé qui par ses fonctions semblait le mieux à même d’occuper les fonctions de maire.
Le cas de la Bazoche – Gouët est à cet égard significatif. Jean Antoine Bretheau, marchand au bourg devint syndic de l’ancienne municipalité à partir de 1776, en 1782, Louis Etienne Brault fut nommé, quant à lui, bailli de la baronnie des Radrets ( baronnie tenue par Anne Racine, petite fille du poète Jean Racine, à partir de 1765, jusqu'en 1831 et dont le château se situe sur la commune de Sargé sur Braye ) . En 1791, le premier devint maire de La Bazoche jusqu’en 1794, le 9 novembre de cette année-là, le second lui succéda pour une période d’un an. Mais le sieur Bretheau ne disparut pas totalement de la municipalité, en effet nous le retrouvons comme maire – adjoint le 16 novembre 1795.
Il ne semble pas qu’il y ait eu de luttes acharnées pour occuper ces postes dans les bourgs ruraux, tout au moins nous n’en n’avons pas trouvé de trace dans nos sources. Est – ce à dire que les luttes politiques étaient absentes des campagnes ? Sans doute non, mais il est probable que les postes de maires et d’officiers municipaux y étaient considérés comme de simples postes administratifs, leur fonction consistant à gérer au mieux les affaires municipales. Trait de mentalité qui semble encore persister dans nos campagnes les plus reculées, chaque élection municipale voyant s’affronter des listes sans étiquette mélangeant des personnes de sensibilités politiques diverses, comme si ce qui comptait le plus dans la direction municipale n’était au fond que les capacités de gestion de chacun des candidats plus que ses options politiques.
Or dans ces campagnes qui pouvait être le plus à même de bien gérer la municipalité que le bourgeois qui par ses fonctions sous l’Ancien Régime dirigeait déjà les affaires communales. S’il donnait satisfaction, c’est – à – dire si finalement il n’avait pas trop fait d’insatisfaits, on le gardait. Pourquoi chercher un autre maire ?
Les seules contestations portaient sur des problèmes de répartition d’impôts, et elles furent peu nombreuses. Le 22 mai 1792, les officiers municipaux de Grand – Houx, canton de Frazé, dénonçaient leur maire aux administrateurs du district pour ne pas s’être rendu à une réunion de la municipalité le 20 mai, réunion destinée à effectuer la répartition de la contribution mobilière. Ils écrivaient d’ailleurs « Il [ …le maire…] est dans l’habitude de ne pas s’occuper des affaires interressant la commune. »[1] Neuf mois plus tard, le district recevait un mémoire de plusieurs habitants de cette même commune dénonçant les officiers municipaux et le greffier et les accusant d’incapacité notoire[2]. Aucune marque d’opposition politique n’est perceptible dans ces dénonciations, ce que l’on reprochait aux édiles locaux était le fait d’être incapables de remplir leur fonction, de ne pas savoir gérer comme il le fallait la commune. La part d’opposition personnelle n’était sans doute pas absente mais elle ne devait reposer que sur des animosités individuelles et non sur des oppositions politiques.
Il résulte de cet état de fait une sensation de conformisme et d’unanimisme politique dans les municipalités. Aucune voix ne s’élevait pour s’opposer aux décisions des assemblées nationales. On leur faisait confiance. Les députés travaillaient pour le bien de la Nation, toutes les lois votées étaient donc bonnes ! Les officiers municipaux ne s’engageaient pas dans une faction politique, ils avaient l’impression d’œuvrer eux – mêmes pour le bien public au niveau de la localité. Ce patriotisme municipal put amener certaines municipalités à s’opposer à certaines décisions législatives ou administratives au moment des politiques de réquisitions systématisées de grains après le mois de mai 1793, mais on protestait de sa bonne foi, de la défense des administrés de la municipalité, au besoin on tentait de rejeter la faute sur le voisin, en se soumettant toujours. Même en l’an II, aucune voix discordante ne se fit entendre de la part des municipalités, pourtant les oppositions à la politique des réquisitions existaient au sein de certaines municipalités, elles se faisaient sous – jacente, non – dites, au mieux « en douceur » et à la limité inconsciente dans bien des cas.
Le cas d’Authon – du – Perche ne diffère pas de celui des autres bourgs. D’un bout à l’autre de la période nous trouvons la même petite équipe à la tête de la municipalité. La première équipe municipale élue le 15 février 1790 confia le poste de maire au curé du lieu, le sieur Dordolot et celui de procureur au citoyen Boucher déjà syndic de l’ancienne municipalité. Dordolot fut absent des séances municipales à partir de septembre 1791 moment où il fut nommé dans une cure à Laval, il signa pour la dernière fois le procès – verbal des délibérations le 18 septembre[3]. Aux élections suivantes qui eurent lieu le 13 novembre 1791 en l’église d’Authon, les élus furent à peu de chose près les mêmes, le procureur de la commune resta en place, le citoyen Roger fut élu maire à la place de Dordolot. Un an plus tard quelques changements s’opérèrent au sein de l’équipe municipale mais ceux – ci ne furent pas très importants : Boucher passa du poste de procureur à celui de maire, aux fonctions de procureur il fut remplacé par un marchand de bois, Etienne Charles Marin Martin dit Fortris[4], mais l’ancien maire faisait toujours partie du Conseil général de la commune. En fait l’équipe municipale d’Authon se réduisait à une douzaine de personnes pour toute la période allant de 1790 à 1795[5]. Elle se montra extrêmement prudente sur le plan politique. Là encore l’impression dominante est celle d’une gestion au mieux des intérêts de la commune et de ses administrés. Aucune plainte, aucune dénonciation n’émana de la municipalité, si ce ne fut qu’à la séance du 30 brumaire an II ( 20 novembre 1793 ) de la Société populaire d’Authon, un membre s’étonnait que la Comité de surveillance d’Authon tolérât la présence en cette ville d’individus ayant abandonnés leur poste à Laval à l’approche des rebelles ( il s’agissait de l’ancien maire Dordolot ) ; disant qu’en de « […] telle circonstance, il n’abandonnerait pas son poste, dut-il y mourir, que ceux qui abandonnaient leur poste étaient traitre à la patrie […] »[6]. Mais ici ce qui était reproché à l’ancien maire, c’était surtout d’avoir abandonné ses anciens fidèles et administrés, en effet le même intervenant ajoutait plus loin « […] il n’y a pas lieu de se fier à la parole de Dordolot qui lors du serment civique avait juré de ne pas abandonné la Cure d’Authon, ce qui ne l’a pas empécher de préférer le poste qu’on lui proposait à Laval y trouvant des bénéfices supplémentaires. »[7]
Cette prudence politique valut d’ailleurs à ce petit groupe « d’administrateurs » d’échapper à toutes les épurations de l’an II puis de l’an III.
Ce fut bien différent en ce qui concerne Nogent – le – Rotrou et les échelons administratifs supérieures ( district et département ) où les luttes politiques furent souvent acharnées et les épuration beaucoup moins rares.
[1] AD 28, délibérations du district de Nogent-le-Rotrou L. 150 ancienne côte, L 1174 nouvelle côte séance du 22 mai 1792.
[2] AD 28, L. 151ancienne côte, L 1175 nouvelle côte, séance du 26 février 1793.
[3] AD 28, L. 181ancienne côte, nouvelle côte provisoire E dépôt 018 NC art.19, délibérations de la municipalité d’Authon-du-Perche, séance du 18 septembre 1791.
[4] Le 12 septembre 1791, il fut élu membre du Conseil du district, puis membre du Directoire du district le 5 juin 1792, place qu’il occupa jusqu’en novembre 1792 moment où il devint procureur de la commune d’Authon – du – Perche.
[5] Voir la composition de la municipalité d’Authon-du-Perche sur ce blog en cliquant ici.
[6] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, délibération de la SP d’Authon, séance du 30 brumaire an II ( 20 novembre 1793 ).
[7] Idem.