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La Révolution Française à Nogent le Rotrou

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La Révolution Française à Nogent le Rotrou
  • Nogent-le-Rotrou et son district durant la Révolution française avec des incursions dans les zones voisines ( Sarthe, Orne, Loir-et-Cher voire Loiret ). L'angle d'attaque des études privilégie les mouvements sociaux et les archives locales et départemental
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4 mars 2016

Légende : Marie, la Velue et les fées à La Ferté-Bernard !

«  Dame du ciel … emperière des infernaux palus » c’est ainsi que  François Villon qualifie Marie, mère de Jésus, dans sa « Ballade pour prier Notre Dame » ( voir le texte en annexe ).  Pour surprenant que cela paraisse de prime abord, il n’est pas si rare que la Sainte Vierge soit associée aux marais, voire aux «  bêtes immondes » et aux fées.

Image1 La velue

Les titulatures d’églises à Notre – Dame des Marais ne sont pas rares à commencer par la belle église de La Ferté-Bernard que les habitants qualifient encore assez souvent de cathédrale. La principale paroisse de la ville voisine de Nogent-le-Rotrou était également dédiée à Notre – Dame des Marais avant d’être démolie en 1798 ou 99 et d’être transférée dans l’ex- Chapelle Saint Jacques-de-L’aumône,  perdant au passage son complément de « des marais » pour ne plus être que Notre-Dame. On retrouve des Notre – Dame des Marais un peu partout en France : aux Ressuintes ( Eure-et-Loir), à Villefranche-sur-Saône ( Rhône ), Tilques ( Pas-de-Calais ),  Nanteuil-le-Haudouin ( Oise ), Pont-Scorff ( Morbihan ), Montluel ( Ain ), Fougère ( Ille-et-Vilaine ), Hans ( Marne ) ; sans compter les Notre-Dame-de-la-Palud dont le plus connut se situe dans le Finistère, commune de Plonévez-Porzay et à La Palud-sur-Verdon ( Alpes-de-Haute-Provence )….

Image2la velueA La Ferté-Bernard la Sainte Vierge a sans-doute  pris la place d’un monstre aquatique, la velue. Monstre à l’origine d’inondations récurrentes de l’Huisne qui détruisaient les récoltes. On disait que ce monstre amphibie avait survécu au Déluge sans être cependant accueilli dans l’Arche ( ce qui accentue son côté infernal ). La velue  avait une tête de serpent, quatre pattes ressemblant à celles d’une tortue, un corps ovale de la taille d’un bœuf couvert de poils verts qui se terminait par une queue à tête de serpent, ce monstre était également muni d’aiguillons mortels[1]. La velue dévorait les enfants lorsqu’elle venait en ville faire ses emplettes de chair fraiche. Enfin, tous les ans il fallait lui livrer en pâture « l’Agnelle », la jeune fille la plus vertueuse de la ville, comme de bien entendu cette pratique fut à l’origine de sa perte. Une année que le monstre entraînait l’Agnelle, son fiancé ( celui de la jeune fille pas de la velue …bêta ! ) réussit à lui trancher la queue et à la tuer in extremis car tout ceci se passait à proximité d’un pont, le bellâtre aurait  été aidé par les fées vivant dans la grotte des fées du tertre celles-ci sympas lui auraient révélé que le seul endroit vulnérable du monstre était la queue. Le monstre fut empaillé et porté en triomphe dans la ville par les jeunes gens. L’anniversaire de la disparition de la velue donna longtemps lieu à des festivités dans la ville[2].

Image3 le velueIci la Vierge n’intervient pas dans la lutte contre le monstre seulement des fées que nous allons retrouver comme adjuvant de  Marie lors de l’édification de l’église qui lui fut dédiée.

On racontait en effet que c’étaient des fées ( sans doute les mêmes que ci-dessous…  les fées ayant une longévité certaine ! ) qui avaient choisi l’emplacement du sanctuaire consacrée à la vierge au sein d’une ancienne zone marécageuse formée par la confluence de l’Huisne et de la Même, le même lieu que l’endroit où vivait la velue sans aucun doute. Alors que les artisans posaient les pierres à l’endroit choisi, celles-ci étaient déplacées la nuit au milieu du marécage par les fées. On se résolut à bâtir l’édifice en ce lieu, ce qui fut fait sans encombre.

On peut donc constater que Marie a pris la place de la velue au même endroit mais aussi celle des fées qui ne se montèrent  plus par la suite. Il est possible que la velue et les fées ne constituaient en fait que les avatars d’une même divinité liée à l’élément liquide, divinité devenue ambiguë au moment de la chrétienté triomphante :  parfois franchement infernale, la velue, parfois bâtisseuse, les fées. Ce qui ressemble fortement à une divinité de type mélusinien, d’autant qu’à proximité une maison du XVème siècle à pans de bois  est ornée d’une sculpture de sirène.

L’Eglise ne pouvait pas toujours transférer sur la vierge Marie les aspects positifs de la Dames des eaux et la transformer en être infernal. Dans ce cas elle enrôlait les bonnes fées comme auxiliaires de la Vierge et transformait les mauvaises fée, ici la velue, en monstre qu’il fallait éradiquer. C’est ce qui semble s’être passé à La Ferté-Bernard.

Cependant assez  récemment la velue a pris sa revanche à Tuffé, la municipalité ayant fait mettre en place une statue du monstre juste en face de l’église.

Image4 la velue


 

 

Image5 La Velue VillonANNEXE

Ballade pour prier Notre-Dame

 

« Dame du ciel, régente terrienne,

emperière[3]des infernaux palus[4],

Recevez-moi, votre humble chrétienne,

Que comprise sois entre vos élus,

Ce nonobstant qu’onques[5] rien ne valus.

Les biens de vous, ma dame et ma maîtresse,

Sont trop plus[6] grand que ne suis pécheresse,

Sans lesquels bien âme ne peut mérir[7]

N’[8]avoir les cieux. Je n’en suis jangleresse[9] ;

En cette foi je veux vivre et mourir.

 

A votre fils dites que je suis sienne ;

De lui soient mes péchés absolus[10] ;

Pardonnez-moi comme à l’Egyptienne[11],

Ou comme il fit au clerc Téophilus[12],

Lequel par vous fut quitte et absolus,

Combien qu’[13] il eût au diable fait promesse.

Préservez-moi de faire jamais ce[14],

 

Vierge portant, sans rompure encourir[15],

Le sacrement qu’on célèbre à la messe ;

En cette foi je veux vivre et mourir.

 

Femme je suis pauvrette et ancienne

Qui rien ne sais ; onques lettre ne lus.

Au moutier[16] vois, dont je suis paroissienne,

Paradis peint, où sont harpes et lus[17]

Et un enfer où damnés sont boullus[18] ;

L’un me fait peur, l’autre joie et liesse.

La joie avoir me fait, haute Déesse,

A qui pécheurs doivent tous recourir,

Comblés de foi, sans faim ni paresse :

En cette foi je veux vivre et mourir.

 

Vous portâtes, digne Vierge, princesse,

Jésus régnant, qui n’a ni fin ni cesse,

Le Tout-Puissant, prenant notre faiblesse,

Laissa les cieux et nous vint secourir,

Offrit à mort sa très chère jeunesse ;

Notre-Seigneur, tel est tel le confesse :

En cette foi je veux vivre et mourir.

(François Villon, « Ballade pour prier Notre-Dame » , Le Testament, 1461.) »

 



[1] R. VIVIER, J.-M. ROUGE, E. MILLET. Contes et légendes des Pays de Loire. Tours : éditions Arrault, 1950.

[2] Xavier, LEFEUVRE. «  Sarthe : saints et femmes de légende ». In Guide de la France mythologique. Paris : Payot, 2007. P. 163-183.

[3] Impératrice.

[4] Les marais (palus) de l’enfer (infernaux).

[5] Jamais.

[6] Beaucoup plus.

[7] Mériter.

[8] Ni.

[9] Menteuse.

[10] Lavés, effacés.

[11] Sainte Marie l’Égyptienne, sauvée par une intervention de la Vierge Marie.

[12] Il avait vendu son âme au diable, et fut sauvé, lui aussi, grâce à l’intercession de la Vierge.

[13] Bien que.

[14] Cela.

[15] « Sans encourir de souillure » ; la Vierge a pu mettre au monde Christ sans perdre sa virginité.

[16] Monastère, Église.

[17] Luths

[18] Bouillis.

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