Le 11 septembre 1789 à Mamers : subsistances !
Le vendredi 11 septembre 1789, le comité de sûreté de Mamers prenait des mesures visant à assurer l’approvisionnement des marchés en grains pour l’année à venir. Pour ce faire, il décidait d’envoyer dans toutes les paroisses de son ressort deux « commissaires » afin de faire l’état des récoltes actuelles, lesdits « commissaires » étant accompagnés de deux cavaliers de la maréchaussée ou des dragons en stationnement à Mamers par prudence « en cas de besoin ».
Ensuite le comité chargeaient ces commissaires de prendre « secrètement » des renseignements sur d’éventuels enlèvements de grains afin de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre ces « accaparements » et « punir les coupables selon les rigueurs des loix. » Et ce alors que l’assemblée nationale venait à proclamer la liberté totale sur le commerce des grains le 29 août 1789 mais il est vrai que son application fut repoussée à la fin du mois de septembre[1] de la même année tant la situation était tendue sur les marchés.
Dans un second temps, sur réquisitoire du maire, le comité décidait de faire faire des patrouilles par les gardes nationaux appuyés de membres de la maréchaussée et des dragons les veilles et les jours des prochaines foires.
Ces mesures trouvaient une justification dès le lundi suivant, jour de marché, une foule de Mamertins refusait de laisser sortir de la ville une voiture de grains destinés à des boulangers de communes voisines de Mamers.
« Aujourd’huY onze Septembre mil Sept cent quatre Vingt neuf.
Assemblée du comité de Sureté de L’hôtel de ville a eté Faitte, à laquelle a été représenté par plusieurs membres qu’il est absolument néceSsaire, pour prèvenir La disette des Grains qui pourroit Se faire Sentir dans Le canton L’année prochaine de prendre des mesures et des prècautions pour ý procurer L’abondance ; et empêcher L’entérement clandestin de cette denrée ; qu’ils Sont instruits qu’au mépris des réglements rendus pour l’approvisionnement des marchés, et des deffenses de vendre Le grain dans les greniers, plusieurs Blatiers Vont dans les campagnes, et L’enlévent nuitament pour le transporter dans Les villes Voisines ; qu’ils Sont également instruits qu’on engage Les cultivateurs et les laboureurs de battre promptement leurs grains ; et qu’on Leur en offre un priX plus considérable que celuy qu’ils trouveroient dans les halles et dans les marchés ; que L’appas du gain est un motif puissant pour Les déterminer à profitter des offres illicites qu’on Leur fait ; qu’en Souffrant de pareils abus, on exposeroit Les citoiens à manquer de Subsistance, malgré Les apparences d’une récolte capable de nourrir Le canton ; qu’il est même à craindre que des gens mal intentionnés, des ennemis Secrets de La nation ne fassent Joüer tous ces reSsorts pour troubler le bonheur que leur préparent les dignes représentants ; qu’ils croient que Sans S’ecarter du respect dû auX décisions de l’assemblée nationale[2] pour L’approvisionnement des villes du Royaume, il est nécessaire de S’opposer à des entreprises qui leur feroient bien tôt Sentir toutes les horreurs de la famine ; et qui tendroient par indirectement à des accaparements proscrits par les loiX Sous les peines les plus rigoureuses ; et que par conséquent il est urgent de prendre des moiens efficaces pour arrester le cours des manœuvres qu’on emploie pour plonger La france dans les plus grands malheurs.
A eté ègalement représenté par M.r Le maire que par une précédente délibération[3] Le comité auroit établi une Garde de jour pour Le maintien du bon ordre à la foire de la décolation qu’il pense qu’il Seroit nécessaire de prendre les mêmes précautions pour Les autres foires ; et de requerir M.rs Les commandants de La maréchaussée et des dragons de pretter main forte au détachement de la milice nationale ce qui Sera Jugé convenable et Suffisant tant pour la veille, que pour les jours des foires afin de n être pas dans La nécessité de délibérer une Seconde fois Sur cet objet.
16.e
[ en marge gauche en haut du feuillet 16 recto :
N° 235
Pour
L’approvisionnement
des grains ]
La matiére mise en délibération les membres du comité ont été d’avis Sur le premier objet, qu’il Sera pris toutes les précautions néceSsaires pour L’approvisionnement des halles et marchés au grain dans Le courant de L’année prochaine ; et empêcher les enlévements qui pourroient Se faire au mépris des règlements ; que pour cet effet il Sera député dans le courant de la Semaine prochaine et alternativement deuX membres du comité dans les différentes paroisses du reSsort pour prendre des renseignements Sur la force et le produit de la récolte, qu’ils cet of Se feront accompagner par deuX cavaliers de Maréchaussée ou deuX dragons afin de leur pretter main forte en cas de besoin qu’ils S’adresseront auX municipalités et décimateurs de chaque paroisse pour avoir des instructions certaines Sur tant Sur la récolte actuelle que Sur la différence qui Se trouve entre elle et celle de l’année dernière+ [ rajout en marge : + qu’ils engageront même un membre des Municipalités pour les conduire dans les endroits necessaires ] ; qu’ils prendront en outre Secrettement des connoiSsances Sur L’enlevement clandestin des grains, pour ensuite prendre les moiens de remédier á ces abus, et faire punir les coupables Suivant la rigueur des loiX.
Sur le Second objet a été arresté qu’il Seroit établi La veille et les jours des foires de S.te croiX et de S.t michel[4] une garde de la milice nationale composée d’un détachement de deuX hommes par compagnie pour la veille et quatre pour le jour afin de ne pas gêner les habitants que leur commerce et leurs occupations obligent empêcheroient de faire le Service par compagnies entieres ou par divisions ; que M.rs les commandants de maréchaussée et de dragons Seront requis au nom du comité de faire pretter main forte par leurs cavaliers et dragons, et qu’ils les distribueront ègalement par dètachement, Scavoir moitié pour la nuit et l’autre moitié pour Le jour de la foire que le présent arresté Sera notifié à M.rs les officiers de l’etat major pour le faire exécuter.
Fait et arresté en L’aud.ce du Baillage Lieu ordinaire des assemblées de Lhôtel de ville les Jours et an que dessus
un mot et deuX Sillabes raiés nuls approuvé
Frebourg Luce de rocquemont Homé
p Aveline aBot Lair Monthulé Sergent
Bouteveille j Gaulard
Caillard Groüasé Maignée
proc du Roy Maire
Renard
Secr.e G.er »[5]
[1] Cette loi fut accompagnée par la loi martiale le 21 octobre, loi qui ordonnait aux officiers municipaux de requérir la garde nationale, la gendarmerie ou même les troupes régulières en cas d’entrave à la « liberté » du commerce, ou de la circulation, des grains. Les séditieux résistant aux sommations encouraient une peine de trois ans de prison s’ils n’étaient pas armés et la peine de mort dans le cas contraire. La troupe devait non pas sévir contre les « accapareurs » mais contre ceux qui s’opposaient à leurs entreprises.
[2] En quoi les membres du comité de sûreté de Mamers se trompaient lourdement comme beaucoup de leurs semblables au même moment.
[3] Voir la délibération du 25 août 1789 : http://www.nogentrev.fr/archives/2016/09/13/34317282.html
[4] La fête de la Sainte Croix est fêtée le 14 septembre et la Saint Michel d’automne l’était probablement le 8 novembre ( une autre Saint Michel est fêtée le 29 septembre mais nous l’écartons tant il nous semble improbable que Mamers ait eu deux foires à 15 jours d’intervalle seulement ).
[5] AD 72 1MI 1343 ( R 130) – 110 AC 9, 11, 12 et 13.