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La Révolution Française à Nogent le Rotrou

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La Révolution Française à Nogent le Rotrou
  • Nogent-le-Rotrou et son district durant la Révolution française avec des incursions dans les zones voisines ( Sarthe, Orne, Loir-et-Cher voire Loiret ). L'angle d'attaque des études privilégie les mouvements sociaux et les archives locales et départemental
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Le Pére Gérard

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3 juin 2016

Le trois mars 1789 à Bonnétable : cahier des doléances, plaintes et remontrances.

Ce mardi 3 mars 1789, une vingtaine de des délégués du général des habitants se réunissaient pour rédiger un cahier des doléances assez bref mais qui a l’avantage de « résumer » une bonne partie des revendications du tiers-état du Maine. En lisant la liste des signataires nous pouvons constater qu’un certain nombre d’entre-eux accompagnent leurs signatures de commentaires marquant une certaine prise de distance avec le cahier ( «  défenses sauves », «  sous toutes protestations de droit » ) ou tout au moins la volonté de se « protéger » notamment de la part du Maire, notable dépendant du régime s’il en était.

Image1

« Cahier des doléances, plaintes et remontrances de la ville de Bonnétable, au Maine.

Les habitans de Bonnétable, en consignant ici leurs doléances, n'ont pas dessein de faire une dissertation sur les moyens de remédier à leurs maux ; ils vont succinctement exposer leurs sujets de plaintes, tracer le tableau des malheurs dont ils sont affligés, et distinguer les maux qui leur sont communs avec la province, et ceux qui leur sont particuliers.

Maux communs à Bonnétable et à la province.

1° Il a été démontré, et il est généralement reconnu, que les impôts de la Généralité ne sont pas répartis avec l'égalité proportionnelle dans les trois provinces ; que celle du Maine est la plus chargée, toutes proportions observées entre les facultés de chacune.

2" Les tiers état supporte seul les impôts les plus considérables, taille, capitation et second brevet.

Jusqu'à ce jour il travaille seul aux grandes routes. C'est lui qui les a faites telles qu'elles sont ; c'est encore lui qui les entretient aujourd'hui ; et pour qui sont-elles faites ?

Si les Aydes et les Gabelles semblent pezer également sur tous les ordres, avec un peu de réflexion on se convaincra aisément que la balance n'est pas conservée. Beaucoup de nobles et les grands privilégiés ont des droits de franc-salé. Les nobles, ceux du clergé et les riches du tiers état payent à la vérité quelques droits sur le bon vin qu'ils boivent ; mais le malheureux qui tombe malade et qui a besoin d'un peu de vin, va le chercher à l'auberge et paye ainsi des droits de détail dont les riches sont exempts.

3° Le commerce d'étamines qui, jusqu'à présent, avait été florissant dans cette province, est totalement tombé. Ce commerce faisait vivre les familles de Bonnétable et son anéantissement cause leur ruine.

4° Le tiers état se trouve seul sujet à des droits de banalité qui avilissent la Nation.

Maux particuliers à la paroisse de Bonnétable.

Notre paroisse s'étend considérablement sur la campagne, et c'est en conséquence de son étendue que nous sommes chargés d'impositions considérables. Mais ce qui aggrave le fardeau, c'est que la ville renferme des privilégiés qui font valoir de grosses terres, pour raison de quoi ils ne payent pas de taille. Cependant la charge se repartit sur les autres particuliers. Et qui profite de celte surcharge ? Les seigneurs qui voyagent en poste et qui probablement payent moins aux maîtres de poste en raison des privilèges accordés à ces derniers au détriment de leurs concitoyens[1].

Bonnétable étoit vivifié par une grande route qui le traverse et qui tout-à-coup s’est trouvée très-fréquentée. Aujourd'hui cet avantage diminue sensiblement, et les mêmes impôts nous sont restés. La cause de ce revers que nous essuyons, vient d'une seconde routte ouverte par la Ferlé- Bernard et Nogent-le-Rotrou. Il serait facille d'y remédier en nous accordant un embranchement qui lie les deux routes de La Ferté à Bonnétable. L'intérêt général et le particulier se trouvent d'accord sur ce point, car : 1o Les voyageurs préfèreroient sans doutte d'aller du Mans à La Ferté par Bonnétable; ils abrègeroienl leur traversée et verroient une ville de plus sur leur routte ; 2° la prospérité de Bonnétable pourroit revivre ; 3° les seigneurs et les grands propriétaires du canton y trouvent aussi tellement leur avantage que plusieurs ont déjà fait des offres assez considérables d'argent pour leur contribution à cet embranchement.

En considération desquelles doléances, Iesdits habitans ont exprimé ici leurs vœux pour le bien général de la commune prospérité de la province, vœux qu'ils chargent leurs députés de présenter aux états généraux du Royaume.

1° Désirent Iesdits habilans le retour périodique des états généraux tous les cinq ans ;

2° Des états provinciaux au sein des états généraux, mais que les membres en soient élus librement comme pour les états généraux ;

3° L'abolition des lettres de cachet et de veniat[2] de la part des officiers des cours souveraines, de manière que personne ne puissent être emprisonné, détenu ni mandé que suivant les lois du Royaume ;

4 La liberté de la presse pour tous objets qui ne sont point contraires au bien public ;

5° Le consentement préalable des états généraux pour la levée et durée des impôts, de quelque nature que ce soit ;

6° Les ministres responsables à l'avenir de toutes les sommes levées sur le peuple :

7° La suppression entière de la Gabelle ;

8° La suppression du droit de franc-fief; les terres étant toutes de même nature dans leur origine et devant rester dans leur ordre primitif ;

9" La réduction du droit de controlle à une fixation plus naturelle et mieux proportionnée aux objets ;

l0° La suppression des droits de banalité, corvées et chasses sur les terres d'autrui ;

11° Une réforme dans l'administration de la justice ;

12° La liberté aux citoyens de se choisir eux-mêmes des officiers municipaux au nombre de sept ;

13° La conversion des justices seigneuriales en justices royales tellement arrangées qu'il n'y en ait que de cinq lieues en cinq lieues, et que chaque ville ou paroisse entière relevât de la même juridiction ;

14° L'abolition de toutes espèces de privilèges dans les trois ordres, ou au moins les faire consister dans une valeur numéraire fixée irrévocablement ;

15° La suppression des corvées pour les grands chemins, en chargeant de leur entretien les seigneurs, commerçants et tous ceux seulement qui profilent de leur avantage ;

I6° S'il n'est pas possible de supprimer la taille, que du moins elle soit assujettie à des règles sûres; qu'elle soit proportionnelle aux propriétés immobilières et non point personnelle ni arbitraire ; qu'elle soit supportée par les trois ordres, sans distinction, et qu'elle soit imposée en chaque paroisse de la situation des propriétés par des officiers que chaque communauté aura la liberté de se choisir ;

17° Une répartition plus exacte des impôts entre les généralités, les provinces et les communautés de chaque généralité ;

18° L'encouragement du commerce et de l'agriculture par des prix ;

19° L'encouragement des arts et métiers par même moyen ;

20° L'érection à Bonnétable d'un marché aux toilles et bureau de leur marque; ce qui seroit très-avantageux dans ce moment où la fabrique d'Amiens se trouve anéantie ;

21° La liberté de se libérer des rentes envers les fabriques, communautés et mains-mortes en payant le principal au denier trente :

22° La réforme de l'ordonnance pour la Maréchaussée, et des moyens de rendre ce corps plus utille qu'il n'est aujourd'hui ;

23° La suppression de l’établissement vexatoire des jurés-priseurs vendeurs de meubles ;

24° Que la dette de la couronne ne soit reconnue pour nationnale qu'aux conditions que, pour la payer, on ne pourra lever d'impôts qui excédent l’intérêt de la dite dette, affin que ce soit des bonnifications et amélioralions qui l'éteignent par degrés ;

23° Qu'aux étals généraux , les voix soient comptées par têtes et non par ordre ;

26° Que, pour abolir la mandicité, il soit avisé au moyen d'établir dans chaque communauté un bureau qui pourroit être soutenu par un rôle de répartition autorisé sur tous les immeubles des paroisses, sans distinction de l'ordre des propriétaires.

Fait et arrêté en l'ancien auditoire dudit Bonnétable, servant aux assemblées de la ville, le trois mars mille sept cent quatre-vingt-neuf, par nous, députés à cet effet du général des habitans.

Signé : Fouchard de la Foucaudiére, maire, défenses sauves; Steney, sous toutes protestations de droit ; J. Pillard, Le Portier, sous les mêmes protestations ; Garnier, Edme Villain, Boivin, sous toutes protestations de droit ; Gallois, Paul Besnard, Lamer, Haget, père ; J. Cuinier, Dautheray, Jacques Lardemé, Halbout, Livet, François-Thomas Cousin, Charles Goujon, Michel Paumier, Bordier, premier échevin, Petitbon, conseiller, et Bernon, greffier. »



[1]       Les remontrances visant les maîtres de poste étaient fréquentes dans les cahiers du Maine, tout au moins dans sa partie est.

[2]       Ordre donné par un juge supérieur à un juge inférieur de venir se présenter en personne, pour rendre compte de sa conduite.

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