Le 7 mars 1789 à Mamers : cahier de doléances du tiers-état de la ville.
Le samedi 7 mars 1789, se tenait l’assemblée des députés des différents « corps de métier » composant l’assemblée du tiers-état de la ville de Mamers ( voir la délibération de la municipalité en date du 27 février 1789 sur ce blog : http://www.nogentrev.fr/archives/2016/05/07/33774845.html ), en présence et sous la présidence des officiers municipaux, pour rédiger le cahier de doléances de la ville et pour nommer leurs six députés qui devaient se rendre à l’assemblée du baillage prévue pour le lundi 9 suivant et y porter ledit cahier ( les députés choisis furent : Joseph Pélison de Gennes, bailli du baillage du Sonnois, Michel-Pierre Maignée, maire de la ville, Joseph Duprey, avocat en parlement, Jean-René Le Balleur, également avocat en parlement, Jacques Hardouin Desnos, négociant, Pierre-Michel Le Camusat, lui aussi avocat en parlement ). Cette réunion avait été initialement prévue pour le mardi 3 mars ( pour les corps de métier constitués et le dimanche 1er pour les Mamertins ne faisant partie d’aucun des « corps » définis le 27 février 1789 ), mais l’avertissement aux dits « corps » n’ayant pas été adressé par huissier, il s’ensuivit que la municipalité due reporter ladite réunion au samedi 7 mars.
« CAHIER DES DOLEANCES et vœux que présente au Roi notre sire les habitants faisant le tiers-état de la ville de Mamers, capitale du Sonnois, pays et comté du Maine[1].
SIRE,
Depuis longtemps, nous gémissons accablés du poids des impôts ; l’indifférence des deux premiers ordres de l’état sur notre sort ajoutait encore à notre misère ; oui, Sire, ils nous voyaient courbés sous le fardeau et ils ne nous tendaient point une main secourable ; quoique enfants d’une même famille, ils en saisissaient tous les avantages et ne nous en laissaient que les charges.
Le sentiment de nos maux était vif mais, Sire, il n’affaiblit point ceux de notre respect et de notre amour pour votre Majesté.
L’espoir nous restait. Quoi ! nous disions-nous à nous-mêmes, un Roi juste et bon tient le sceptre des Français et nous serions encore longtemps malheureux ? Ah ! qu’un génie bienfaisant ouvre à nos justes plaintes le chemin du trône et nous sommes soulagés.
Votre choix, Sire, a justifié notre espoir ; un ministre appelé par ses vertus et le vœu de la Nation aux pieds de votre Majesté, y a fait entendre les cris douloureux du peuple opprimé ; le cœur paternel de votre Majesté s’est attendri et déjà les deux premiers ordres forts de leur crédit et de leurs richesses, n’ajouteront plus à ces avantages la supériorité du nombre dans les assemblées nationales.
Une loi, Sire, que la bonté de votre Majesté sollicitait de la justice assure au Tiers-État une égalité de représentation : cette loi est pour nous un bienfait, mais elle est pour votre Majesté un nouveau titre sur notre reconnaissance et notre amour ; elle en fera passer les sentiments à nos arrière-neveux.
Eh ! Sire, pourraient-ils jouir des avantages du bienfait sans bénir la mémoire d’un bon Roy qui brisa le joug de l’oppression qui tenait leurs pères avilis.
Ce n’est point assez pour le cœur de votre Majesté d’élever le Tiers-État de son royaume à l’égalité du numérique de représentation, vous daignez encore, Sire, nous consulter sur les besoins de l’État et nous permettre de déposer dans votre sein paternel nos demandes et nos sollicitudes.
Oui, Sire, les maux de l’État son grands, ses plaies sont profondes, le remède… Il est, Sire, dans l’amour de vos sujets ; réunissant leurs lumières comme dans un même foyer, votre Majesté en formera pour son peuple de beaux jours que des nuages rassemblés par l’abus ne pourront plus obscurcir.
Pour contribuer à ce grand œuvre nous osons représenter à votre Majesté que notre premier vœu est de voir admettre et arrêter en forme de loi pendant les états généraux une constitution fixe et irrévocable pour son royaume, où vos droits, Sire, soient respectés et plus assurés que jamais, tels que l’hérédité de votre couronne pour votre plus proche héritier mâle, le droit de prendre les rênes du gouvernement à quatorze ans, le pouvoir exclusif, le droit de guerre, de paix et de sanctionner les lois votées par la Nation : de voir également confirmer ceux de la Nation, tels que de consentir l’impôt, d’en fixer la durée, de consolider la dette nationale, de voter les lois qui lui paraissent convenables, de les présenter au souverain pour leur donner force de loi, et les faire exécuter, enfin de ne pouvoir consentir des impôts que dans une assemblée de la Nation librement et universellement convoquée.
Le premier usage de ce pouvoir que nous réclamons des bontés de votre Majesté c’est pour la supplier de faire passer en forme de loi pendant les états généraux leur retour périodique tous les cinq ans ; régler leur forme de convocation, de délibération par tête suivant la représentation actuelle, et leur durée ainsi que l’établissement d’une commission intermédiaire nationale à qui seule seraient confiés les enregistrements qui ne seraient cependant que provisoires jusqu’à la prochaine tenue des états où ils seraient sanctionnés.
Nous sommes trop pénétrés, Sire, du bonheur que vous vous voulez procurer à vos peuples, pour n’avoir pas l’espoir de voir supprimer les assemblées provinciales, abolir les pouvoirs de vos intendants, confier le tout à des états provinciaux librement convoqués que nous vous supplions de rétablir en chaque province distincte, sans égard aux arrondissements des généralités et fixer leur constitution à l’instar de ceux de votre province de Dauphiné en conciliant les intérêts de celles de vos provinces qui peuvent avoir des chartes particulières.
Nulle loi ne devant avoir action sur la liberté, l’honneur, la vie et les propriétés de tous les fidèles sujets de votre Majesté si elle n’a été consentie par des représentants librement élus, nous en sollicitons une, Sire, qui assure à chaque citoyen, sa liberté individuelle.
Le besoin des secours spirituels, nous fera réclamer que les lois du Royaume contre la pluralité des bénéfices soient remises en vigueur, les bénéfices fondés en chaque province accordés à ses sujets naturels par préférence à la charge de la résidence ; la suppression des Abbés commendataires, des prieurés conventuels aujourd’hui bénéfices simples ; celle de tous les ordres religieux devenus inutiles en conservant deux ou trois ordres de chaque sexe pour l’éducation des enfants, sans que ces ordres puissent recevoir l’émission de vœux des Novices avant vingt-cinq ans accomplis : pour les revenus des ordres et bénéfices supprimés être employés à acquitter la dette du clergé, former des établissements dans les villes qui n’en ont point pour l’éducation publique, des ateliers et Bureaux de Charité, enfin doter les hopitaux et les Cures non suffisamment rentés suivant le besoin de chaque canton.
La modicité des revenus de la plupart des Curés des villes et des campagnes nous fait désirer pour subvenir aux besoins de ces vrais pasteurs et principaux ministres de la Religion que les dixmes ecclésiastiques leur soient restituées en entier à la charge de fournir à leurs paroisses tous les secours spirituels et instructions nécessaires, ainsi que de payer les portions congrues de leurs vicaires ; de réunir en une seule toutes les cures qui en sont susceptibles par leur proximité ; de donner à MM. les évêques à chacun leur diocèse la présentation de toutes les cures, à l’exception de celles qui sont en présentation laïque, et de réserver celle de tous les canonicats et autres bénéfices à votre Majesté, qui les accorderait sur la présentation des états provinciaux de chaque province.
L’intention de votre Majesté étant de favoriser les propriétés de ses sujets, nous osons la supplier de permettre le remboursement au denier trente de toutes rentes, cens ou redevances faites aux Mains-Mortes pour les capitaux être employés par la chambre syndicale en remboursement de ceux de la dette du clergé ; de réunir leurs fiefs à votre domaine pour les aliéner aussitôt et remplir une partie du déficit, enfin de ne plus permettre et consentir ces droits énormes exigés par la cour de Rome.
Vos intérêts, Sire, également précieux à toutes les classes de vos sujets vous déciderons sans doute à juger la grande question de l’aliénation des Domaines de la Couronne. Quels avantages n’en résulterait-il pas pour l’état si vous permettiez l’aliénation en grains ou autres redevances de tous vos domaines onéreux à l’exception toutefois de vos forêts dont nous vous supplions d’accorder l’aménagement à vos états provinciaux seulement.
La multiplicité des annoblissements à prix d’argent par charge ou autrement dégradent en quelque façon cet ordre respectable que nous chérissons, nous en fait désirer la suppression, ainsi qu’une recherche exacte sur la vraie noblesse et les titres usurpés par nombre de personnes souvent indignes de ces dignités. Nous vous supplions, Sire, de permettre à la noblesse peu fortunée le commerce en détail sans déroger et de faire des changements à l’ordonnance de 1781 pour l’admission aux emplois militaires en faveur du Tiers-État, qui vous a si souvent fourni de braves officiers et des généraux dont la France n’oubliera jamais les services ; de réprimer aussi les abus des états-majors de vos régiments qui sans égard aux ordonnances que vous avez rendues pour le rachat des congés absolus les proportionnent aux fortunes des pères qui réclament leurs enfants.
Si nos vœux ne paraissent s’étendre qu’à tout ce qui peut tendre à l’avantage du Tiers-État, nous n’en faisons pas moins en faveur de la Noblesse du second ordre tant pour voir réduire le nombre exorbitant des maréchaux de camp et lieutenants-généraux aujourd’huy beaucoup trop nombreux pour nos besoins, que pour réduire le montant de leurs pensions qui seraient employé à augmenter les appointements trop modiques des officiers du second ordre relativement aux dépenses nécessaires pour leur service, nous supplions encore votre Majesté de donner des ordonnances fixes pour le gouvernement et l’entretien des troupes toujours coûteux à l’État et ne pas permettre leur révocabilité à chaque changement de Ministre, cette partie étant un des départements les plus remplis d’abus nous désirons voir remettre sous les yeux des états généraux un état exact de toutes les pensions pour les modifier et les régler d’après les services personnels de chacun.
Le corps de la maréchaussée si utile à la sûreté des citoyens et non proportionné au besoin de chaque pays nous fera réclamer son augmentation et des brigades mises moitié à pied et moitié à cheval. La suppression de la moitié des chevaux fournira un produit qui peut être plus utilement employé en mettant des demis brigades à pied dans chaque gros bourg passager et à la proximité des forêts de votre Majesté ; ces brigades seraient le plus également espacées de manière à pourvoir à la sûreté des citoyens, des bestiaux et moissons de chaque canton.
Le bien-être des pauvres nous fera solliciter de l’humanité de votre Majesté de déroger à l’édit de 1749 pour les hôpitaux et hôtel de ville, leur permettre sans aucune formalité d’acquérir avec leurs épargnes, sans prendre sur les secours dûs par ces premiers aux malheureux et par les seconds à tout ce qui peut tendre à la décoration des villes et bien-être public.
Depuis longtemps la Nation semble désirer une réforme utile dans l’administration de la justice, la multiplicité des formes judiciaires, l’éloignement des tribunaux, le grand nombre de degrés de juridiction qu’un malheureux est nécessité d’essuyer pour réclamer la justice contre ses oppresseurs, les frais immenses et qui sont inévitables dans les affaires les plus justes, le mélange des ressorts qui arrête à chaque instant les ministres inférieurs, en un mot les vices qui se rencontrent dans le code civil et criminel, malgré la sagesse et la prévoyance des souverains dont ils sont émanés exigent de toute nécessité une nouvelle législation dans une partie qui intéresse aussi essentiellement l’honneur, la vie et la fortune des citoyens.
Puisque vous daignez, Sire, permettre à vos sujets de porter aux pieds du trône leurs vœux, surtout ce qui peut contribuer à leur bonheur et leur tranquillité, souffrez que nous fassions entendre aujourd’hui nos justes réclamations sur un objet aussi important.
Il existe une infinité de tribunaux qui ne doivent leur existence qu’aux besoins de l’État et qui dans le fait sont une charge réelle, soit par les gages considérables qui leur sont attribués, soit par les privilèges exorbitants qu’ils donnent aux titulaires de ces offices : leurs fonctions sont des démembrements des justices ordinaires et ils se trouvent multipliés à un point qu’à chaque instant les justiciables sont dans l’incertitude et l’embarras pour ne pas se méprendre sur la compétence ; de là les revendications, les déclinatoires qui sans décider le fond des contestations aggravent le sort du pauvre et ne tendent qu’à ruiner plus complètement ceux qui se trouvent dans la dure nécessité de recourir à la justice.
C’est à vous, Sire, c’est à la Nation assemblée aux états généraux à pénétrer ce dédale ténébreux qui conduit à ce sanctuaire de la justice, pour en découvrir tous les mystères : c’est à la magistrature française à réclamer elle-même auprès d’un souverain dont toutes les expressions ne respirent que l’amour et le redressement des abus, des règles sûres pour faire cesser toutes ces inculpations dont toute la France retentit depuis si longtemps, et la mettre dans une heureuse impossibilité de ternir l’éclat de sa noblesse et de sa dignité. Un des moyens les plus efficaces pour extirper le mal dans sa racine et que nous osons présenter à votre Majesté, c’est de supprimer la vénalité des charges, et de n’accorder, à l’avenir, qu’au mérite et au talent, des fonctions que l’argent ou la faveur dispensent seuls aujourd’hui ; de rembourser la finance des offices actuellement remplis, à mesure que les titulaires viendront à s’éteindre. Bientôt la magistrature reprendra son ancien lustre, surtout en ne confiant ces augustes fonctions qu’à des sujets jugés dignes de les remplir par leur mérite et leur capacité, et après avoir exercé pendant cinq ans au moins la fonction d’avocat.
Car quelle est aujourd’hui la marche graduelle pour parvenir à cette dernière profession. Les aspirants sont obligés de faire dans les écoles de droit un cours d’études des lois romaines, et souvent au sortir des universités on est aussi peu instruit qu’en y entrant.
Nous supplions donc votre Majesté de supprimer ces écoles, de n’admettre à la profession d’avocats que des sujets qui auraient travaillé pendant cinq ans et qui seraient également jugés capables d’en remplir les fonctions : et pour rétablir la magistrature dans ses anciens droits et lui donner ses prérogatives qui en ont été détachées dans les derniers siècles, supprimer tous les tribunaux d’exceptions et réunir aux sièges ordinaires la connaissance de toutes les matières qui leur sont attribuées aujourd’huy en remboursant les titulaires de ces charges dès que l’état de vos finances pourra le permettre, de supprimer enfin les droits de Committimus qui dépouillent les juridictions ordinaires et aggravent le sort de la partie la plus indigente des sujets de votre royaume.
Dans l’état actuel quantité de sièges royaux ne relèvent point nuement[2] des cours supérieures, et sont obligés de porter les appels de toutes les affaires au siège présidial où ils ressortissent, souvent même on franchit le présidial le plus prochain pour porter ces appels dans un autre plus éloigné : Votre Majesté a déjà manifesté à ses peuples le désir ardent qu’elle avait de diminuer les degrés de juridiction et les frais de procédure qu’ils entrainent, c’est d’après ces marques de sa bonté paternelle que nous osons la supplier d’établir des sièges royaux relevant nuement des cour supérieures et d’ordonner que les juges de ces sièges auront le droit de juger en dernier ressort jusqu’à la somme de … : que leur arrondissement soit tel que les justiciables ne se trouvent pas dans la nécessité de quitter leurs foyers pendant plus d’un jour.
Pour rendre ces sièges plus célèbres, et diminuer de plus en plus les frais de procédure nous formons encore des vœux pour la suppression des hautes justices exercées dans les bourgs et villages des campagnes où il ne se trouve aucun juge, procureur fiscaux, ni avocats domiciliés, et qu’elles soient réunies aux sièges royaux ; que celles qui existent dans les villes où ces sièges sont établis soient également réunies aux sièges royaux, et les seigneurs déchargés des frais de procédure criminelle ; que pour procurer à tous vos sujets une plus prompte administration de la justice il soit établi dans chaque province un siège supérieur sous telle dénomination qu’il plaira à votre Majesté de déterminer, avec attribution de juger souverainement jusqu’à la somme de …. Et que pour décider les procès criminels qui y seront portés et éviter les frais de transports des prisonniers, il soit nommé tous les trois mois des commissaires de la cour du Parlement pour y juger en dernier ressort avec les officiers du siège les criminels détenus dans les prisons, qui seront toujours assistés d’un conseil, déchargé du serment auquel la loi les assujettit et que l’instruction soit faite au moins par trois juges présents. Nous désirons qu’à l’avenir il n’y ait aucune distinction dans le genre des supplices prononcés par la loy pour tous les criminels, de quelque rang et qualités qu’ils soient ; qu’il soit pris des précautions pour éteindre s’il est possible le préjugé attaché à la famille des coupables, que les cours souveraines aient la connaissance de toutes les affaires audessus de la somme de …. des questions d’état en sorte que toutes les affaires ne puissent éprouver que deux juridictions ; et que pour exercer ces sublimes fonctions les sujets aient rempli au moins pendant cinq ans des charges de magistrature dans les sièges supérieurs des provinces.
Que le droit d’être jugé sans ministère d’avocats par ses pairs et les anciens jurés de son état soit rétabli, en prenant un homme de loi.
Que votre Majesté toujours attentive au bien et à l’avantage de ses sujets et pour diminuer les frais de procédure sera suppliée de réunir dans son royaume les fonctions de procureur à la profession d’avocat, sans fixation du nombre en chaque siège.
Un autre point important c’est la réforme du code civil et criminel ; plusieurs des rois vos prédécesseurs, Sire, avaient formé ce grand projet et celui de diminuer et rapprocher la diversité des coutumes, d’établir un seul poids et une seule mesure dans tout le royaume ; il était réservé à votre Majesté de les exécuter.
Nous la supplions encore de fixer par un tarif certain les droits des juges, des greffiers et des huissiers, et de forcer ces derniers à subir la taxe des juges de leurs domiciles, de leur supprimer ces privilèges dont ils abusent si souvent pour traduire les affaires qui naissent à l’occasion de leur salaire, dans les sièges dont ils font partie.
Un autre objet sur lequel nous supplions votre Majesté de porter son attention, c’est la création des jurés priseurs qui absorbent une partie de la substance de la veuve et de l’orphelin par les droits exorbitants qu’ils perçoivent. Autrefois leurs fonctions étaient réunies à celles des notaires et des huissiers des lieux où se font les inventaires, ou du moins à une distance peu éloignée, et n’occasionnaient que des frais modiques. Nous osons espérer, Sire, que vous supprimerez ces offices et que vous réunirez à ceux des notaires les greffes des experts et des arbitrages, les offices de receveurs de consignations et des commissaires aux saisies réelles dont les titulaires seraient de droit curateurs aux successions vacantes dans l’étendue de la juridiction où ils seront établis, que votre Majesté voudra bien diminuer le nombre des notaires, surtout dans la province du Maine où ils sont très multipliés.
Enfin, Sire, nous vous supplions d’abroger ces délais pour les absences des premiers juges, qui mettent souvent les justiciables dans la dure nécessité d’attendre pendant plusieurs jours, une justice qu’ils ont droit de réclamer à tout instant.
Vous êtes trop attentif, Sire, à tout ce qui peut faire le bonheur de vos sujets, et leur conserver le fruit de leurs travaux pour ne pas permettre la destruction totale des traces qui nous restent du système féodal, et abolir à jamais ces droits si désastreux aux propriétés en permettant aux sujets le remboursement au denier trente des droits de bannalité de fours et de moulins, de garennes, de colombier, des droits de champart, terrages, petites coutumes ou autres de cette nature, surtout les droits de havage sur les grains. Tous les maux se réunissent particulièrement sur les malheureux cultivateurs. Après avoir employé leur temps à l’ensemencement de leurs terres, ils ont encore la douleur de les voir ravager par des troupes immenses de pigeons, de lapins et de gibier de toute espèce, et les priver du fruit de leurs travaux.[ réécriture de ce passage lors de l’assemblée de baillage tenue le 10 mars 1789 : Si les lapins, les pigeons et le gibier de toute espèce causent un préjudice notable aux malheureux cultivateurs, en ravageant une partie de leur moissons, les moineaux et les corneilles ne leur sont pas moins préjudiciables.
Les vœux des habitants sont unanimes sur ces objets ; ils supplient votre Majesté d’accorder la suppression entière des droits de garenne et de fuye ou colombiers, d’enjoindre aux seigneurs de faire tuer exactement, par leurs gardes, toutes ces troupes de corneilles inutiles, si mieux n’aiment les seigneurs permettre aux habitants de tuer eux-mêmes ces oiseaux ; et pour parvenir plus facilement à la destruction entière des moineaux, ordonner que tout habitant des campagnes et particulièrement les seigneurs dans leurs châteaux, les curés autour de leurs presbytères et églises seront tenus d’avoir des pots pour nicher les moineaux et ensuite les détruire eux et leurs petits, lorsqu’ils seront éclos…], abus qui ne manquera pas d’intéresser la bonté du cœur de votre Majesté, ainsi les droits des commissaires à terrier qui achèvent par leur étendue de ruiner les malheureux vassaux qui peuvent également donner des avœux et autres actes de cette espèce à leurs seigneurs en se servant du ministère des officiers ordinaires. Le commerce, la vraie richesse de votre royaume, doit égallement fixer les regards paternels de votre Majesté. Nous espérons de vos bontés à jamais mémorables l’exécution rigoureuse de vos ordonnances pour la punition des banqueroutiers frauduleux, ce fléau le plus aggravant à la prospérité de votre royaume, ainsi que la suppression de tous les lieux francs où ces particuliers vont chercher l’impunité et consommer, dans le vice, l’aisance et la fortune de la confiance qui doit toujours faire la base du commerce. Vous pouvez, Sire, augmenter les encouragements qu’il exige en permettant le prêt de l’argent exigible à termes avec intérêts suivant le taux que vous aurez fixé et que la rigueur des décisions ecclésiastiques laisse renfermé et inutile dans les coffres. Il est sûrement trop avantageux à la prospérité des arts de supprimer les maîtrises des arts et métiers pour ne pas désirer de les voir abolir hors dans quelques-unes de vos grandes villes où elles seraient jugées nécessaires.
Vos tribunaux, Sire, toujours attachés à vos intérêts et à la liberté de vos sujets réclament depuis trop longtemps contre les lettres de cachet, ces abus d’autorité qui arrachent à leurs foyers des citoyens paisibles, victimes infortunées des grands, pour n’en pas espérer la proscription de la justice de votre Majesté.
Toujours confiants dans les vues paternelles de votre Majesté, convaincus qu’il est de votre gloire et de celle de la Nation de maintenir vos troupes de terre et votre marine dans un état également formidable et redoutable pour les ennemis de l’État, nous désirons en consolidant le déficit, pourvoir à son extinction par un impôt de …. par porte et croisée tant des maisons de ville et de campagne, que de …. sur les voitures bourgeoises tant à deux qu’à quatre roues, et de …. sur les domestiques, ceux consacrés dans la campagne à l’avantage de l’agriculture exceptés, et fixer la durée de cet impôt, ou autre jugé convenable, et éviter par là les ressources des emprunts qui ne sont que des palliatifs dangereux.
Nous faisons également des vœux pour la diminution et la fixation des pensions à distribuer, en arrêtant toutes celles à distribuer à l’avenir jusqu’à ce qu’elles fussent réduites au quart au dessous du taux règlé, ainsi que la réduction à un taux fixe et égal pour chaque grade d’officier général ou autre, également que de celles qui jusqu’à présent ont pu être arrachées par l’importunité et excédant le taux qui sera fixé aux états généraux.
Le grand nombre d’abus qui se sont glissés dans chaque département nous portent à solliciter des vues économiques de votre Majesté ces retranchements possibles et désirables en personnes et places qui se trouvent compris dans chaque département et qui seront jugés inutiles par les états généraux. Nous réclamons avec la même confiance l’égalité de la répartition des impôts sur tous vos sujets dans une juste proportion en raison de leurs facultés individuelles et sans aucune acception de naissance ou de dignité, avec division de la masse de toutes les impositions perçues sans distinction de rôle entre les dépenses de chaque département.
Votre sollicitude paternelle, Sire, nous fait désirer la suppression de tous les impôts de chaque ordre tels que décimes, capitation de nobles, taille, accessoires et vingtièmes avec une refonte de ces impôts dans un impôt territorial ou foncier proportionné au produit de ces impôts également réparti sur les propriétés des trois ordres, même sur les pensions, bienfaits, gages, rentes de toutes espèces et autres revenus de cette nature, de manière que cet impôt puisse encore frayer au paiement de la maréchaussée, aux dépenses nécessaires pour l’administration de chaque province et à la levée des milices qui dorénavant seront libres et de bonne volonté.
La multiplicité des agents employés pour la perception des droits d’aides, de ceux du sel dont le besoin renait tous les jours, du tabac devenu pour ainsi dire un objet de première nécessité, les frais énormes que coûtent ces perceptions, les gages exorbitants et les appointements accordés à ces agents, avec la punition attachée à la fraude de ces derniers impôts qui jettent le trouble et le déshonneur dans une infinité de familles, nous en font désirer la suppression avec leur remplacement par une capitation sur toutes les têtes sans exception, et autres impôts dont la perception serait jugée par les états généraux la moins onéreuse à la Nation.
L’avantage du commerce, la vraie richesse d’un État florissant, nous engage à demander la suppression des douanes et traites de l’intérieur du royaume, excepté de celles des grandes villes telles que Paris etc…. et leur reculement aux villes frontières avec un tarif qui favorise le commerce de France par des droits légers sur les exportations et importations de ses matières premières et plus fort sur les manufactures étrangères, sauf à ajouter à ce tarif l’impôt qui pourrait être jugé nécessaire par les états généraux suivant les besoins du royaume.
Nous unissons nos vœux à ceux de la France entière pour la suppression du droit de Franc-Fief, devenu aujourd’hui, par la manière dont il est perçu, le plus onéreux de tous les droits payés par le Tiers-État et le plus contraire aux mutations ainsi qu’aux droits de propriété des deux premiers ordres.
Sire, votre justice nous faisant proscrire tout ce qui tient à l’esprit extendeur du fisc et contraire au bien-être de vos peuples, nous fait solliciter une réforme dans les droits de petit scel, également une loi qui empêche de fouiller dans les tombeaux pour recourir à des droits aussi imaginaires qu’exorbitants par des recherches sur les clauses usuelles des contrats de mariage, des actes de partage sous signatures privées, d’inventaires ou autres, en convertissant le produit de ces droits par des droits de contrôle perçus en tout votre royaume sans l’exception d’aucune ville et proportionnés aux principes portés auxdits actes à quelques sommes qu’ils puissent monter.
Quant à l’impôt de la corvée, notre vœu est pour le laisser subsister tel qu’il est en le percevant proportionnellement à l’impôt territorial ou foncier, perçu sur toutes les propriétés des trois ordres et comparativement avec le besoin, y compris l’ouvrage d’art, que pourrait en avoir chaque district ou département sans que l’impôt de l’un puisse être employé sur le territoire d’autre district ou département, à moins qu’il ne fut question de construction d’ouvrages communs à toute une province. [ rajout lors de l’assemblée du baillage tenue le 10 mars 1789 : Nous désirons également qu’il soit donné moins d’argent aux grandes routes, qu’il soit suppléé par l’impôt de la corvée à la réparation des chemins vicinaux dans chaque district, dans les endroits les plus défectueux, et les travaux de charité employés plus proportionnellement aux contributions[3]…]
Il vous plaira, Sire, de régler que la première répartition des impôts, soit foncière ou personnelle, se fera provisoirement au marc la livre de ce que paye chaque province sauf à les répartir ensemble proportionnellement lorsque par les états provinciaux les forces respectives de chaque province seront mieux connues, et par ceux-ci entre chaque district ou département, enfin par ces derniers entre chaque municipalité et chaque municipalité entre chaque individu, sauf les réclamations de chaque communauté aux états provinciaux du trop imposé comparativement avec les autres municipalités, prouvé légalement et authentiquement. Rien n’étant plus préjudiciable au commerce et à l’agriculture que les nominations de collecteurs pour la perception des impôts, nous osons donc réclamer auprès de votre Majesté la suppression de cette foule d’employés pour la perception des impôts, et la création dans chaque municipalité d’un collecteur à gage, pour faire la perception de tous ceux qui seront établis avec le versement de leurs recettes et des droits de contrôle en celle du receveur établi en chaque chef-lieu de district ou département, à la charge par celui-ci de verser le montant du tout au trésor royal et en fixant des appointements proportionnés au travail de chacun des collecteurs ou receveurs.
La population étant le soutien et la richesse d’un royaume florissant, et afin de donner plus de bras et plus d’encouragement à l’agriculture, nous vous supplions, Sire, d’ordonner la décharge d’un quart de la contribution à l’impôt territorial auquel se trouveraient assujetties les petites terres au-dessous de 200l de revenu, et d’un sixième pour celles depuis 200l jusqu’à 500l d’après les justes observations faites par les municipalités.
Les dixmes furent rendues obligatoires par un de nos rois pour la nourriture et entretien des pasteurs, le soulagement des pauvres, l’entretien et l’ornement des églises, cependant par un abus très répréhensible, ces mêmes dixmes, exigées si rigoureusement que nos tribunaux retentissent continuellement de nouvelles demandes faites à cet égard, ne sont plus chargées que subsidiairement de l’ornement des églises ; les habitants des paroisses sont obligés à l’entretien des cloches et du clocher, de la nef, des quatre gros murs du presbytère et du presbytère même, si un curé meurt insolvable, abus contre lequel nous réclamons votre justice paternelle.
Les privilèges des maîtres de poste tombant toujours sur ceux qui ne se servent point de leurs relais, nous en font solliciter la suppression sauf à votre Majesté à compenser le prix des courses avec les dépenses.
Les secrets des familles et les intérêts du commerce nous font désirer que le dépôt des postes aux lettres soit dorénavant sacré et inviolable, qu’en cas de surtaxe on puisse se présenter chez le juge du lieu du bureau de direction pour en réclamer la diminution en présence des commis ou facteurs des postes s’il y a lieu et éviter par là le renvoi au bureau général, toujours préjudiciable.[ rajout lors de l’assemblée du baillage tenue le 10 mars 1789 : Nous supplions encore votre Majesté de supprimer toutes les lotteries comme fléau aggravant pour l’humanité ]
Un objet encore, quoique le dernier dans l’expression de nos vœux, demande l’attention vigilante de votre Majesté, c’est, Sire, la distribution des récompenses données au mérite et à la vertu. Elles les encouragent, elles les animent. Oui, Sire, nous osons le dire, la récompense est un des grands ressorts des États, mais qu’il est à craindre que l’homme protégé, sans avoir aucun titre légitime sur la protection, n’usurpe le droit du mérite modeste ? des comités composés des trois ordres et établis pour présenter à votre Majesté les sujets de toutes les classes qui auraient bien mérité de la patrie, préviendraient les erreurs de la surprise.
Mais, Sire, elle ne sera point à craindre si votre Majesté cédant à nos vœux, daigne ordonner que le ministre citoyen directeur général de vos finances, déjà récompensé par votre confiance, ajoute à ses armes les trois couronnes civiques qu’il a si justement méritées.
Tel est, Sire, le résultat des vœux formés par le Tiers-État de la ville de Mamers.
Puisse la Nation assemblée et consultée par son Roy faire du règne de votre Majesté l’époque de la suppression de tous les abus, de la restauration de l’empire français, du renouvellement de sa gloire et assurer le bonheur de votre Majesté en rendant son peuple heureux.
Fait et arrêté à l’hôtel de ville de Mamers où présidait MM. les officiers municipaux en assistance de leur secrétaire greffier, le septième jour de mars mil sept cent quatre-vingt-neuf par les représentants du Tiers-État de la même ville qui tous ont signé à l’exception de MM. Dunoyer et Coupvent, officiers de la maîtrise des Eaux et Forêts de Perseigne, et de MM. Triger et Gouaux-Deveaux aussi officiers au grenier à sel de Mamers, les uns et les autres députés de leurs corps respectifs, et qui se sont retirés sans avoir voulu signer, empêchés par leurs intérêts personnels et quoiqu’ils eussent été présents à la rédaction de ce cahier, dont lecture leur a été donnée.
Regnoust-Duchesnay. Pélisson de Gennes.
Le Camusat . Duprey. Hardouin-Desnos.
Treboil. Le Balleur. Lehaut de Bainville.
Carel. F. Cheverel. J. Grouazé.
Petithomme, père. Boulanger.
Cenevière. Malé. Odillard.
Maignée.
Renard, secrétaire général.
7 mars 1789 ».
[1] Nous retranscrivons ce document à partir de Gabriel Fleury : Gabriel. FLEURY. La ville et le district de Mamers durant la Révolution ( 1789-1804 ). Mamers : imprimerie Fleury, 1909. Tome 1, pages 52 à 63.
[2] Simplement, carrément.
[3] Ici il manque des lignes le document d’origine étant déchiré.