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La Révolution Française à Nogent le Rotrou

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La Révolution Française à Nogent le Rotrou
  • Nogent-le-Rotrou et son district durant la Révolution française avec des incursions dans les zones voisines ( Sarthe, Orne, Loir-et-Cher voire Loiret ). L'angle d'attaque des études privilégie les mouvements sociaux et les archives locales et départemental
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24 mars 2017

La révolution Française et la guerre et la paix ( 1 ).

La guerre durant Révolution française !        

Le programme est pour le moins vaste :

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Vaste d’abord par son ampleur chronologique. En effet de  1792 à 1802 ( et au-delà sous l’empire jusqu’en 1815 ) la France sera en guerre permanente contre une bonne partie de l’Europe monarchique. La Révolution française fait basculer l'Europe dans une période de guerre continue qui bouscule les anciennes alliances laissant la place à deux coalitions successives qui se forment contre la France : la première de 1792 à 1797 ; la seconde de  1798 à 1802. Nous ne traiterons pas ici de cette dernière.

Ensuite parce que durant la période la guerre a des conséquences importantes sur la société et la vie politique : la mobilisation  qui sera totale va provoquer des bouleversements matériels, sociaux mais aussi culturels et idéologiques.

Enfin parce que la Révolution va « révolutionner » l’armée elle-même ( tout au moins avant 1795 ) ainsi que les façons de faire la guerre.

C’est pourquoi, ici nous n’aborderons le sujet que sous deux aspects :

- Quel type de guerre (défensive, révolutionnaire ou d’annexion pure et simple ) ?

- Comment la guerre radicalise le cours des choses aboutissant au renversement de la monarchie peu de temps après son déclenchement et à la mise en place, de façon progressive à partir de 1793, d’un régime d’exception que l’on prendra l’habitude de qualifier, après l’an II et jusqu’à nos jours, de « terreur ». Nous ne ferons qu’effleurer les effets de la Révolution française sur l’organisation militaire. Pour les curieuxnous les  renvoyons aux travaux de Jean-Paul Bertaud ( notamment son La Révolution armée. Les soldats-citoyens et la Révolution française. Paris : Robert Laffont, 1979 ). Pour les aspects plus strictement militaro-stratégiques : W. Serman, J.-P. Bertaud. Nouvelle histoire militaire de la France. Paris : Fayard, 1998 ; ainsi que, pour les rapports entre armée et sciences, P. Bret.  L’État, l’Armée, la Science. L’invention de la recherche publique en France, 1763-1830. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2002.

Par conséquent, nous bornerons notre travail aux premières années de la Révolution en ne nous éloignant finalement que peu de la période conventionnelle ( soit une période couvrant les années 1790-1795 ), selon une progression chronologique. Les périodes subséquentes ne seront que survolées et l’empire totalement ignoré tant le sujet serait immense.

1. La Constituante.

1.1. En fait la Constituante souhaite avant tout éviter la guerre et se montre prudente en matière de politique étrangère.

Sa Déclaration du 22 mai 1790 affirme haut et fort que l'Assemblée nationale n'enverrait « […] jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. »,déclaration qui peut être considérée comme une Déclaration des droits des peuples, ou des gens comme on disait plus couramment au XVIII° siècle ( voir en annexe 1 ).

Certes les Constituants en reconnaissant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes avaient suscité quelques inquiétudes, l'effervescence gagnant en Belgique, Irlande, Suisse, Savoie, Comté de Nice et Italie, sans que les monarchies se décident à intervenir malgré les sollicitations multiples suggérées par les émigrés ou la cour elle-même.

1.2. Les Monarchies restent indifférentes.

Les monarchies de l'Europe n’étaient certes pas totalement indifférentes à ce qui se passait en France, en effet il y avait de quoi  être inquiété par une remise en cause du principe monarchique. Mais elles hésitaient et considéraient que d'autres problèmes étaient plus urgents à traiter :

  • La Grande-Bretagne, si elle se préoccupe de la contagion jacobine sur un mouvement radical interne assez puissant, voit également non sans déplaisir la France affaiblie par ses luttes internes. Le souvenir de l’ingérence française dans la guerre d'indépendance américaine aux côtés des insurgents aidant sans aucun doute à persister dans cette attitude. D'autre part, elle tient par-dessus tout à éviter une guerre qui viendrait rompre l'équilibre européen sur lequel repose finalement sa puissance.
  • Guère épais 1 image 1Le roi de Bohême et d'Autriche, également Empereur du Saint Empire romain germanique et accessoirement frère de Marie-Antoinette, Léopold II, est plus préoccupé par le dépeçage de la  Pologne que par la France. Sa disparition assez précoce en 1792, permet l’accession à la tête du Saint Empire germanique d’un monarque beaucoup sensible à la « question française », François II.

  • Il en va de même du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II.
  • Catherine II, tsarine de Russie verrait des avantages certains à ce que la Prusse et l'Autriche-Hongrie s'intéressent plus au sort de la monarchie française, cela les éloigneraient de la Pologne sa « chasse gardée », mais elle est occupée par une guerre avec la Suède en 1790 et avec la Turquie en 1791.
  • Enfin, Charles IV d'Espagne penche plus pour le pacifisme que pour une entrée en guerre.

1.3. Après juin 1791, l’Autriche et la Prusse gesticulent.

Finalement ce n'est qu'après la fuite ratée de la famille royale en juin 1791[1] que les cours européennes se montrent de plus en plus ouvertement hostiles à la France révolutionnaire. Cette fuite et surtout le retour forcé à Paris du boulanger, de la boulangère et de toute sa petite boutique, entraîne des déclarations hostiles visant à isoler et châtier la France ; elle a également eu pour conséquences accessoires la cessation des expériences limitées et bien timides de « despotisme éclairé » ici ou là.

Le 27 août 1791 par la déclaration de Pillnitz , en Saxe( annexe 2 ),l'empereur Léopold II et le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II, attiraient l'attention des monarques européens sur les événements qui se déroulaient en France et les invitaient «  au cas où ils seraient prêts » à agir d'urgence. En fait, à l'origine cette conférence devait traiter de la question polonaise. S'y rendirent le marquis de Bouillé[2], organisateur entre autres de la fuite ratée de la famille royale et depuis émigré à Coblence, l'ex-ministre Calonne de toutes les intrigues contre la Révolution, et le comte d'Artois ; ce dernier arracha aux monarques, en dernière minute, la déclaration.

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La déclaration de Pillnitz, huile sur toile de J. H. Schmidt (1791).

Déclaration de pure forme mais qui inquiéta en France. Depuis la Grande Peur de l'été 1789 et encore plus depuis la fuite du roi la crainte d'une invasion était omniprésente dans les esprits. D'autant que la presse royaliste, non censurée, incitait les officiers nobles à déserter pour rejoindre les émigrés. Dès le lendemain de la fuite du Roi, l’Assemblée avait décrété la levée de 100 000 volontaires recrutés au sein des gardes nationaux et payés 15 sols par jours ( soit beaucoup plus que les troupes de ligne ). Aussi durant l'été 1791, des bataillons de volontaires sont levés ( 2 bataillons dans l'Orne sont formés le 20 septembre 1791 ; 1 dans la Sarthe le 2 septembre ; 1 dans l'Eure-et-Loir le 1° novembre 1791 ). Dans le même temps, l’assemblée déléguait plusieurs de ses membres, dotés de pouvoirs très étendus, pour  recevoir dans les départements les serments des troupes de ligne, visiter les forteresses, les arsenaux et magasins militaires.

1.4. Que faire des peuples demandant leur rattachement à la France ?

Très vite se posa la question du sort des peuples demandant à être rattachés à la France :

Ainsi en juin 1790, les Avignonnais et habitants du Comtat Venaissin réclamaient leur rattachement à la France, demande qui suscita des débats assez vifs, ce qui prouve que la réponse à la question posée ci-dessus n’allait pas de soi pour tous les députés. Finalement, le 14 septembre 1791, la Constituante prenait, sur la proposition du député Armand-Gaston Camus, un décret portant « incorporation à l'Empire français » des « deux États réunis d'Avignon et du Comtat Venaissin ». Décret sanctionné le jour même par le roi.

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Avignon : monument pour le centenaire du rattachement à la France.

 

ANNEXES :

1. Décret du 22 mai 1790, concernant le droit de faire la paix et la guerre.

Article premier. — Le droit de la paix et de la guerre appartient à la nation. — La guerre ne pourra être décidée que par un décret du Corps législatif, qui sera rendu sur la proposition formelle et nécessaire du Roi, et ensuite sanctionné par Sa Majesté.

Art. 2. — Le soin de veiller à la sûreté extérieure du royaume, de maintenir ses droits et ses possessions, est délégué au Roi par la Constitution de l'État ; ainsi, lui seul peut entretenir des relations politiques au dehors, conduire les négociations, en choisir les agents, faire les préparatifs de guerre proportionnés à ceux des États voisins, distribuer les forces de terre et de mer, ainsi qu'il le jugera convenable, et en régler la direction en cas de guerre.
Art. 3. — Dans le cas d'hostilités imminentes ou commencées, d'un allié à soutenir, d'un droit à conserver par la force des armes, le pouvoir exécutif sera tenu d'en donner, sans aucun délai, la notification au Corps législatif, d'en faire connaître les causes et les motifs ; et si le Corps législatif est en vacance, il se rassemblera sur-le-champ.

Art. 4. — Sur cette notification, si le Corps législatif juge que les hostilités commencées soient une agression coupable de la part des ministres ou de quelque autre agent du pouvoir exécutif, l'auteur de cette agression sera poursuivi comme criminel de lèse-nation ; l'Assemblée nationale déclarant à cet effet que la nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et qu'elle n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.

Art. 5. — Sur la même notification, si le Corps législatif décide que la guerre ne doit pas être faite, le pouvoir exécutif sera tenu de prendre sur-le-champ des mesures pour faire cesser ou prévenir toutes hostilités, les ministres demeurant responsables des délais.

Art. 6. — Toute déclaration de guerre sera faite en ces termes : De la part du Roi des Français, au nom de la nation.

Art. 7. — Pendant tout le cours de la guerre, le Corps législatif pourra requérir le pouvoir exécutif de négocier la paix, et le pouvoir exécutif sera tenu de déférer à cette réquisition.

Art. 8. — À l'instant où la guerre cessera, le Corps législatif fixera le délai dans lequel les troupes levées au-dessus du pied de paix seront congédiées, et l'armée réduite à son état permanent. La solde desdites troupes ne sera continuée que jusqu'à la même époque, après laquelle, si les troupes excédant le pied de paix restaient rassemblées, le ministre sera responsable et poursuivi comme criminel de lèse-nation.

Art. 9. — Il appartient au Roi d'arrêter et signer avec les puissances étrangères tous les traités de paix, d'alliance et de commerce, et autres conventions qu'il jugera nécessaires au bien de l'État ; mais lesdits traités et conventions n'auront d'effet qu'autant qu'ils auront été ratifiés par le Corps législatif.

 

2. Déclaration de Pillnitz, 27 août 1791.

« Sa Majesté l'empereur et Sa Majesté le roi de Prusse, ayant entendu les désirs et les représentations de Monsieur et de M. le comte d'Artois, déclarent conjointement qu'elles regardent la situation où se trouve actuellement Sa Majesté le roi de France comme un objet d'un intérêt commun à tous les souverains de l'Europe. Elles espèrent que cet intérêt ne peut manquer d'être reconnu par les puissances dont le secours est réclamé, et qu'en conséquence elles ne refuseront pas, conjointement avec leursdites Majestés, les moyens les plus efficaces relativement à leurs forces, pour mettre le roi de France en état d'affermir, dans la plus parfaite liberté, les bases d'un gouvernement monarchique également convenable aux droits des souverains et au bien-être des Français. Alors, et dans ce cas, leursdites Majestés sont décidées à agir promptement et d'un commun accord, avec les forces nécessaires pour obtenir le but proposé et commun. En attendant, elles donneront à leurs troupes les ordres convenables pour qu'elles soient à portée de se mettre en activité. »


[1] Sur ce sujet voir le beau livre de Timothy, TACKETT. Le roi s'enfuit. Varennes et l'origine de la Terreur. Paris : La Découverte, 2004.

[2] Accessoirement cousin de La Fayette et responsable de la répression de la mutinerie de Nancy en août 1790.

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