Le 6 octobre 1791 à Nogent-le-Rotrou : les sœurs patriotes.
Le jeudi 6 octobre 1791, la municipalité commençait par recevoir une délégation de six citoyens de la ville venus l’avertir que des troubles risquaient d’éclater en ville suite à la décision de la Supérieure parisienne des sœurs de la charité d’ordonner les départ des trois « sœurs patriotes » et leur remplacement par trois nouvelles sœurs. Immédiatement la municipalité prenait un arrêté, longuement argumenté, par lequel elle ordonnait aux « sœurs patriotes » de rester à leur poste et elle renvoyait les sœurs nouvellement arrivées pour les remplacer : 91_10_06
« Aujourd’huy Six octobre mil Sept cent quatre Vingt onze du matin danS l’aSsemblée du conSeil municipal de la Ville de NoGent Le Rotrou. Sont comparus M. M. Lefebvre, Beaurain, Baugars Fils, Gillot, Derouet [ sic, en fait : Drouet ]+[ en marge : + couroinon Fils, ] Citoyens de cette Ville, Lesquels ont declaré qu’ils venoient D’apprendre que la nouvelle du départ des trois Sœurs Patriotes eXcitoit un murmure g.al général dans la ville et dans l’interieur des Salles [ en marge : de l’hôtel dieu ] et quil étoit à craindre que Si ce départ s’effectuoit il pourrait survenir des troubles, le peuple pourroit se portât a deS insurrections toujours très Funestes, qu’ayant deS propriétés en cette ville, ilS prient M. M. les oFFiciers mp.aux de prendre telles mesures que leur prudence leur SuGGerera pour obvier aux violences & diSSenssions qui x [ en marge : + en sont toujours la Suite ] nous menacent ; observant que ces trois patriotes ont toujours merité l’estime univerSelle de Tous les habitants de cette ville, et qu’elles Sont L’objet de leur considération particulière à un point qu’ils paroiSsent se disposer à s’opposer au départ desdites Sœurs, qu’en un mot la tranquilité publique est en danger, lecture a eux Faite de leur déclaration, ont dit qu’elle contenoit Vérité, et ont signé. cinq mots rayés nuls.
Beaurain Lefebvre Gillot
Drouet Beaugars fils
Et à l’instant même M. Baudouin L’un des officiers municipauX a déposé sur le bureau deuX lettres à lui remiseS hier sur les huit heures du Soir de la part des trois Sœurs patriotes de l’hotel dieu de cette ville par les quelles leur Superieure de Paris leur enjoint de partir par la plus prochaine diligence :
Lecture faite de ces lettres, et après mure discuSsion, La munipalité Considerant que ces lettres Surprises à la bonne foi de la Superieure de Paris, sont une Suite du complot formé dépuis deux mois d’eXpulser de l’hôtel dieu de NoGent les trois Sœurs patriotes qui JouiSSent de la confiance et de l’estime g.ale, que les troubles Suscités dépuis cette époque dans l’intérieur dudit Hôtel dieu entretiennent parmi les citoyens une esprit d’inquiétude et de FermentatioN qui auroit eclaté Sans la prudence et la viGilance habituelle de la municipalité :
que la présence desdites sœurs dans la ville de Nogent et la continuation de leur Service auprès des malades sont dans la circonStance critique ou Se trouve la mp.té essentiellement nécéSsaire au maintien de la Tranquilité et du bon ordre ;
que leur depart seroit le SiGnal d’un mouvement facheux, que la municipalité doit prevenir avec d’autant plus de raiSon, qu’elle connoit les dispositions g.ales des citoyens tant à l’egard des trois Sœurs patriotes qu’on veut chaSser qu’à l’egard de celles qu’on veut mettre à leur place.
que c’est sans le moindre motif même sans le plus leger preteXte qu’on a obtenu de la Superieure de Paris l’ordre de Faire partir ces trois sœurs, Sans délai ; puisquil est vrai qu’il n’eXiste contre elles ni reproches ni plaintes, ni griefs, et que c’est d’après leur conduite irreprocHable, d’après leurs longS Services, et Sur les Renseignements les plus eXacts que la mp.té s’intéréSse a leur conservation ; qu’il [sic] qu’il est possible que par de FauX eXposés et par des imputations calomnieuses, on ait prevenu contre ceS trois Filles les adm.eurs de département deS mesures riGoureuses dont l’eXécutioN quant a présent compromettroit le Service des malades et la tranquilité publique.
qu’auX termes des décréts constitutifS DeS mp.té, les municipalités ont un droit de Surveillance Sur les HôpitauX p.cs &, que c’est en vertu de ce droit que depuis deuX mois celle de NoGent s’oppoSe de tout Son pouvoir au deplacement capricieuX et tyrannique des trois Sœurs dont Il S’agit :
que conformément à l’esprit de la ConstitutioN La mp.té doit aSsistance et protection aux citoyens persécutés pour leur patriotisme, et ne pouvant douter que ce ne Soit à raiSon de leur patriotisme que ces trois Sœurs Sont l’objet de l’animosité & de la perSecutioN :
que, Si d’une part ces Sœurs doivent obéiSSance à leur Superieure, de l’autre elles doivent Seconder les voix d’ordre, de police, et de paix, de la mp.té, qu’elles Sont citoyennes autant & plus que reliGieuSes : que la loi ne reconnoit et ne protège plus les ordres emanéS de Superiorité monachale ( à moins que le privilège des lettre de chacet [ sic : cachet ? ] n’ait été Spécialement reServé pour l’inStitut de la charité ) ; que le Service des malades & la tranquillité d’une ville ne peuvent être troublés par la fantaiSie, la préventioN ou l’incivisme d’une ReliGieuSe placée à trente lieües de NoGent, et par conSéquence Dans l’impuissance de connoître au vraY la Situation actuelle de l’hôtel Dieu de cette ville.
considerant enfin que la mp.té est competente en tout ce qui concerne la police, et JuGeant le cas dont Il S’agit du Ressort de la police qui lui est confiée ;
Oui sur ce, et requerant le procureur de la commune, d’après les motifs ci-dessus enoncés, et Vu la déclaration des citoyens sus nommés, la municipalité arrête proviSoirement :
1.° Que les lettres deposées par M. Baudouin Resteront au Sécrétariat pour y recourir au béSoin.
2.° qu’eXpedition des préSentes sera delivrée à l’une des trois Sœurs pour leur Servir a toutes trois d’autoriSation proviSoire à l’effet de ne point Sortir de l’hôtel dieu de NoGent, ni de ne point Interrompre Jusqu’à nouvel ordre leur Service accoutumé auprès des malades, sans en avoir préalablement instruit la mp.té.
3.° qu’a l’instant même le B.eau d’adminiStration d’hôtel dieu Sera par le procureur de la commune invité & requis de S’aSsembler à l’eXtraordinaire, pour par ledit procureur de la commune accompagné De deuX officiers mp.aux et du Sécrétaire Greffier, lui lui [ sic ] etre Donné communicatioN de la préSente, et enSuite invitation lui etre Fait d’enjoindre auX trois Sœurs nouvellement arrivées de quitter Sous le plus bref délai l’hôtel dieu de NoGent, les dites trois Sœurs n’Y ayant point de place ni de fonction à remplir, et ne pouvant qu’auGmenter l’appara l’embarras et occaSionner un surcroit de dépenSes.
4.° qu’il Sera écrit à la Superieure de Paris par le Sécrétaire greFFier pour lui annoncer que c’est par ordre eXprès de la mp.té que les Sœurs Helene, AnGelique & Marie sont restées à noGent, et pour l’engager a ne plus Se prêter auX Suggestions des mal intentionnés.
5.° que copie conforme du préSent Sera addreSsée a M. Le p.eur g.al Syndic du dep.t non par la voie ord.re de M. le p.eur Syndic, mais directement, et ce par des motifs que la mp.té se reServe de deduire cY aprés.
6.° que la municipalité chargée du maintien de l’ordre et de la tranquillité, et de la police dans noGent ne Se departira Jamais des principes de Surveillance et de fermeté, dont elle n’a ceSsé de donner des preuves.
7.° qu’elle perSiste dans toutes Ses precedentes diSpoSitions conSignées dans Son reGistre ; relatives auX Sœurs de l’hôtel dieu.
8.° enfin qu’elle réitére, autant que de beSoin, son temoiGnage qu’elle a rendu auX vertus et au patriotiSme des trois Sœurs Helene AnGelique & Marie, et le vif interêt qu’elle prend à leur conServation en l’hôtel dieu de nogent.
et aussitôt Sont [ sic ] été nommés M. M. Baudouin & Marguerith commiSsaires auX fins Susnommées ; et ont les officiers municipaux Signé avec le Secrétaire dont acte.
Proust baugars J. Marguerith Baudoüin Gallet Fils
P.re Lequette
p.r de la C. »[1]
Copie de cette seconde délibération dans les archives de l’hôtel-dieu conservées aux A. M. de Nogent le Rotrou :
Aujourd’hui siX Octobre mil Sept cent quatre Vingt onze dans l’aSsemblée du conSeil municipal de la ville de noGent Le rotrou sont comparus MM. Gueroult et de S.t Pol administrateurs de l’hôtel dieu et commiSsaires nommés par le bureau dudit Hôtel dieu, Lesquels ont dit que commiSSaires du bureau d’adminiStration du bureau de Ceste ville ils rapportoient et deposoient sur le bureau l’eXpeditioN de la Deliberation priSe ce Jourd’hui au même bureau, a la Suite de la quelle est copie de la petition particuliere que le S. Châles pp.al du collége de cette ville est venû Faire, et l’arrêté du même Bureau en conSeq.ce dont ils ont requis acte, qui conformément auX conns du pr.eur de la Commune leur a été accordé, et ont Signé avec nous & notre Secrétaire. S.t Pol
Guéroult des chabottières Baudoüin J. marguerith
P.r Lequette Baugars Fauveau
p.r de la C. S.e »[2]
[1] Archives municipales de Nogent-le-Rotrou 1D1 feuillets 164 à 167.
[2] Archives de l’Hôtel-Dieu conservées aux archives municipales de Nogent-le-Rotrou inventorié c 360.