Février-mars 1789 : « guerre de clochers » entre Mamers et Beaumont-le-Vicomte.
Dans le cadre de la préparation des États-Généraux éclata, en février 1789, un conflit tout à fait exemplaire de l’imbrication inextricable des structures judiciaires et plus largement administratives de ce qui deviendra sous peu « l’ancien régime », sorte de « combat des chefs » entre le bailli de Mamers et le lieutenant général de la de sénéchaussée de Beaumont–le-Vicomte (aujourd'hui Beaumont sur Sarthe) à propos de quelques paroisses mixtes, c’est-à-dire relevant en partie de l’une ou de l’autre juridiction.
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- En effet certaines paroisses limitrophes ne relevaient totalement ni de Mamers ni de Beaumont. Certaines relevaient pour partie de la Sénéchaussée du Maine, ou du sièges de Fresnay ou de Sainte Suzanne. L’affaire semblait inextricable, d’autant que depuis la réforme administrative de 1787, les deux districts de Mamers et de Beaumont avaient systématiquement été réunis lors des élections et avaient nommés conjointement, pour siéger à l’assemblée provinciale, un membre du clergé, un pour la noblesse et deux pour le tiers-état.
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- Il s’en suivit un échange épistolaire entre Pélisson de Gennes, bailli de Mamers, et Michel-Claude Ronsart, lieutenant général de la sénéchaussée de Beaumont. En février 1789, Pélisson de Gennes porta l’affaire devant le garde des sceaux, Barentin :
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« Monseigneur,
J’ai reçu la lettre du huit de ce mois dont vous m’avez honoré, et le paquet qui y était joint, contenant deux exemplaires de l’instruction, neuf de la lettre de convocation, six placards du règlement et trois exemplaires de chaque modèle. J’ai fait provisoirement afficher partie des placards en attendant l’envoi de M. le Sénéchal du Maine. Aussitôt sa réception je ferai tout pour accélérer et seconder les intentions du roi et obéir aux ordres de votre grandeur, je ferai tout pour empêcher la division des trois ordres ; j’y avais déjà établi le calme et l’union lors des réclamations du Tiers-État de ce baillage et pendant la fermentation de la Bretagne, province voisine de la nôtre. Je vous prie, Monseigneur de me faire passer votre décision sur les trois difficultés ci-après énoncées, qu’on élève en ce moment :
1° Si le nombre des députés fournis par la ville, suivant le tableau annexé au règlement, est susceptible de la réduction au quart, ainsi que celui des paroisses. Je crois à l’affirmative d’après l’article 34 du règlement.
2° A laquelle des assemblées secondaires les paroisses mixtes entre deux et trois baillages ayant la connaissance de cas royaux doivent préférablement envoyer leurs députés, ayant dans notre ressort plusieurs bailliages de cette classe. Je crois que ce doit être le clocher ou la distribution des registres qui se fait en chaque baillage, qui doit opérer la décision.
3° Savoir si, où je serais député de la ville à l’assemblée secondaire, je puis également présider cette assemblée et la présidant y être député de nouveau à l’assemblée principale. Je crois également que oui ; le règlement ne nous privant pas d’avoir voix délibérative, où nous serions nommé député aux assemblées préparatoires.
Je vous supplie, Monseigneur, de me donner votre décision sur ces trois objets afin de faire cesser les plaintes ou plutôt les difficultés imaginaires de certaines gens qui prétendaient que notre baillage devait avoir une députation directe à raison de sa contribution et sa population[1].
J’aurais l’honneur de me conformer avec la plus grande exactitude à tout ce qui m’est prescrit par l’instruction et la lettre de votre grandeur, et de l’instruire aussitôt de tout ce qui pourra y avoir trait.
Je suis avec le plus profond respect,
Monseigneur
votre très humble et très obéissant serviteur.
Pélisson de Gennes.
Bailly du Sonnois, et lieutenant-général
au baillage de Mamers. »[2]
Dans sa réponse, le garde des sceaux répondait clairement aux première et troisième questions du courrier de Pélisson par contre ne trancha pas sur le cas des paroisses relevant de plusieurs baillages et laissa le choix aux paroisses concernées de choisir le siège dont elles voulaient relever pour les élections préparatoires aux états-généraux ( voir en annexe 1 ).
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- A la fin du mois de février 1789, Pélisson dépêcha une lettre par exprès porteur, au lieutenant-général de Beaumont, Michel-Claude Ronsart, dans laquelle il exposait de manière plutôt sèche ses droits[3], et prenait la décision de rattacher certaines paroisses mixtes en avançant le fait que c’était à Mamers qu’étaient déposés les registres servant à inscrire les baptêmes et sépulcres ou parce que l’église dépendait de Mamers, arguments que l’on retrouve dans le courrier au garde des sceaux ci-dessus ( voir en annexe 2 ).
- Bien entendu, ce dernier répondit dès le 24 février à ce qu’il qualifiait de « réclamation » du bailli de Mamers en réaffirmant les droits de la sénéchaussée de Beaumont précisant qu’il avait déjà procédé aux assignation à comparaître à Beaumont, signifiant au passage en fin de lettre que ce genre de petite querelle était un peu insignifiante au moment où, disait-il, les ressorts de juridictions allaient sans doute être modifiés par les états-généraux ( voir en annexe 2 ci-dessous ). En terminant sa lettre, Ronsard conseillait à Pélisson de s’adresser au garde des sceaux l’informant qu’il en ferait de même. Dès le lendemain, il écrivit au garde des sceaux, courrier qu’il renouvela le 28 n’ayant pas reçu de réponses. Celles-ci lui parvinrent après la tenue des assemblées secondaires puisque les deux réponses étaient datées du 8 mars et que les assemblées secondaires, tant à Beaumont qu’à Mamers, se tinrent le 9 du même mois ( voir en annexe 3 ).
- Pélisson se garda bien de solliciter à nouveau le garde des sceaux puisqu’il l’avait déjà fait et connaissait par avance sa réponse : laisser le choix aux premiers concernés, lesdites paroisse. Ce que Pélisson n’envisagea à aucun moment de faire, ni même d’ailleurs le lieutenant-général de Beaumont. De plus il passa outre les dénégations de Ronsard et procéda aux assignations de la façon qu’il avait prévu de le faire et, le 26 février 1789, il publiait une ordonnance par laquelle il demandait aux paroisses d’envoyer à Mamers, le 9 mars prochain, leurs députés pour participer à l’assemblée de baillage secondaire. Ce qui provoqua quelques embarras dans les paroisses ayant reçu une double assignation comme celle de Thoigné qui en fit part au lieutenant-général de la sénéchaussée de Beaumont ( voir en annexe 2 ). Finalement, sans le savoir, les paroisses en litige se conformèrent aux consignes du garde des sceaux et choisirent d’assister à l’une ou à l’autre des assemblées secondaires, parmi celles-ci la plus grande partie participa à l’assemblée de Mamers[4], seule celle de Louzes assista à celle de Beaumont-le-Vicomte.
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[1] Ce paragraphe nous paraît pour le moins problématique. On peut le prendre comme une attaque « sournoise » contre la municipalité qui avait effectué une telle démarche dès la fin décembre 1788, mais à peu près au moment où Pélisson écrivait au grade des sceaux , les membres du « district » de Mamers, dont Pélisson de Gennes, s’adressaient à Necker aux fins que le Saosnois obtînt une députation directe en appuyant cette doléance d’arguments mettant en avant ses contributions à l’impôts ( voir l’article de ce blog : Février 1789 : le district de Mamers s’agite en cliquant ici ). Les rapports entre Pélisson et la municipalité de Mamers étaient sans doute un peu tendus à ce moment, ainsi le 26 décembre 1788, la municipalité l’avait nommé pour procéder à la confection du rôle de la taille pour l’année 1789, avec cinq autres commissaires, commission que Pélisson avait refusée ( voir l’article l'article sur ce blog ).
[2] Texte retranscrit à partir de Gabriel FLEURY. La ville et le district de Mamers durant la Révolution ( 1789-1804). Mamers : imprimerie Fleury, 1909. Tome 1, pages 34 à 36. Selon ce dernier l’original se trouve aux A. N. Ba 49 ainsi que B III, 79, p. 535.
[3] A. N., Ba 49, B III 79, p.163.
[4] Les communes contestées qui participèrent à l’assemblée de Mamers furent celles de Blèves, Grandchamps, Roullée, Saint-Rémy-du-Plain et Thoigné.