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La Révolution Française à Nogent le Rotrou

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La Révolution Française à Nogent le Rotrou
  • Nogent-le-Rotrou et son district durant la Révolution française avec des incursions dans les zones voisines ( Sarthe, Orne, Loir-et-Cher voire Loiret ). L'angle d'attaque des études privilégie les mouvements sociaux et les archives locales et départemental
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20 février 2016

Jacques Pierre Michel Chasles ( 19 ) : maire de Nogent-le-Rotrou, conventionel, Montagnard, prêtre défroqué...

Mascarade déchristianisatrice

Chasles : un prêtre défroqué et déchristianisateur.

Chasles sembla s’inscrire très tôt dans ce que l’on a nommé le mouvement de déchristianisation. Ce mouvement qui débuta dès le début de l’hiver 1793, ne fut pas un mouvement initié par le gouvernement révolutionnaire qui au contraire  le désavoua très tôt. Ce ne fut pas non plus un mouvement totalement spontané mais plutôt une série d’actions dues à une impulsion initiale, dès vendémiaire an II ( septembre-octobre 1793 ) , lancées par des milieux militants fortement politisés. De brumaire à frimaire ( fin octobre- mi-décembre 1793 ) un ensemble d’ actes se multiplièrent et se propagèrent en six mois sur l’ensemble du territoire : fermetures d’églises remplacées par des temples de la Raison,  descente des cloches et livraison de l’argenterie, abdication et mariage des prêtres, mascarades antireligieuses. Ainsi le 15 frimaire an II ( 5 décembre 1793 ), les officiers municipaux de la commune de Champrond-en-Gâtine faisaient part à la Convention qu'on venait de célébrer une fête en cette commune au cours de laquelle les symbole de la féodalité et du fanatisme avaient  été brûlés :

 «  Champrond-en-Gâtine, district de Nogent-le-Rotrou,

département d'Eure-et-Loir, 2 frimaire,

2e année républicaine.

Citoyens représentants,

          Nous nous hâtons de vous faire part d'une cérémonie qui a été, pour notre commune, un vrai jour d'allégresse et l'acheminement à la destruction totale du fanatisme qui a trop longtemps régné sur notre horizon.

L'époque pour le brûlement de nos titres féodaux avait été fixé au dernier décadi. Le jour arrivé, chacun s'est empressé de concourir à l'élèvement d'un grand bûcher au milieu duquel était l'arbre planté en l'honneur de la constitution royaliste.

Non contents de réduire en cendres l'infernale féodalité, nous avons voulu essayer si une multitude de petits saints ( de bois, comme de raison ) ne pourraient pas jouer un rôle dans ce feu de joie. Nous les avons fait descendre de leurs niches. Sans miséricorde, ils ont été placés sur le lieu le plus éminent du bûcher, ainsi qu'ils devaient être d'après le rang honorable qu'ils avaient occupé dans le monde chrétien. Enfin un feu bien attisé a dévoré l'exécrable féodalité et l'odieux fanatisme, ces deux monstres qui semblaient n'avoir pris naissance que pour le tourment des humains.

Cette cérémonie avait attiré un grand concours de monde ; les chants d'allégresse patriotique ont retenti dans les airs. On a crié mille fois : Vive la République, vive la Montagne, au diable les saints. Ensuite on s'est retiré au lieu des séances de la Société populaire[1], où il a été rendu grâces à la Montagne des bons et sages principes qui découlent d'elle. Mais il ne suffisait pas de s'être réjoui autour du bûcher, un repas qui attendait les sans-culottes a terminé cette agréable journée et la gaîeté, la cordialité et cette liberté qui semblent particulièrement leur apanage nous ont fait passer le plus doux des moments.

Et nous aussi, citoyens représentants, nous disons : rester à votre poste, continuez à chérir les sans-culottes, point de quartier pour les conspirateurs. Quant à nous, nous respectons et exécutons vos décrets.»[2]

Un mois auparavant, le 23 brumaire an II (13 novembre 1793 ) alors qu’il était à l’armée du Nord en tant que représentant en mission, Chasles envoyait un courrier à la convention pour dire qu’il n’était plus prêtre depuis longtemps et qu’il ne l’avait jamais été ni de cœur ni d’esprit :

 « Châles, l’un des représentants du peuple auprès de l’armée du nord, à la Convention nationale.

Lille, 23 brumaire, an II de la République.

Citoyens mes collègues,

Je ne sais si, en offrant mon sang à la patrie dans les champs de Wervick, j’ai suffisamment expié le malheur d’avoir été prêtre. Je ne l’étais plus depuis longtemps, ou, pour mieux dire, je ne l’ai jamais été ni de cœur ni d’esprit. J’en fais la déclaration authentique et solennelle, et je jure, sur l’autel de la raison et de la liberté, de ne jamais ambitionné d’autres titres que celui d’homme et de citoyen.

Défendre les droits du peuple, maintenir par tous les moyens qui sont en mon pouvoir la Constitution que vous avez décrétée, rechercher et combattre tous les partisans du royalisme, du fédéralisme, tous les ennemis de la sainte égalité, telle sera, jusqu’à mon dernier soupir,  mon unique profession.

CHALES. »[3]

Cette « déprêtisation » fut définitive, nous verrons que quelques années plus tard il se maria. Chasles ne se limita pas à un acte somme toute individuel, il semble qu’il se fit un propagateur actif de la déchristianisation qui à ce moment n’en était qu’à ces tout débuts, d’autant qu’il rencontra à Lille des déchristianisateurs enthousiastes dont le plus actif fut Dufresse. Le  29 brumaire an II ( 19 novembre 1793 ), la convention recevait un autre de ses courriers par lequel Chasles annonçait fièrement qu’il n’y avait plus à Armentière de prêtres et d’église, profitant  d’une délégation que cette commune envoya à la Convention:

« Plus de prêtres, plus d’église dans la commune d’Armentières, district de Lille, écrit Chales, représentant du peuple. Des députés de cette commune vont instruire la Convention des victoires remportées sur le fanatisme, et lui en offrir les dépouilles. Il n’y reste pas le moindre vestige du culte catholique ; la raison seule et la philosophie y règnent dans tous les cœurs. »[4]

Les députés d’Armentières sont admis ; l’orateur est un prêtre lui-même, qui depuis longtemps, dit – il, a brûlé ses titres ecclésiastiques : il retrace en peu de mots, mais d’une manière forte et énergique, tous les maux qu’ont faits au genre humain le fanatisme et la superstition, et se félicite d’en avoir enfin ses concitoyens délivrés pour toujours.

Les députés déposent enduite l’argenterie qu’ils sont chargés d’offrir à la patrie.

Mention honorable insertion au « bulletin »[5].

Chasles fit la publicité de cet arrêté ( qu’il avait contresigné avec son collègue Isoré ) dans un éphémère journal-mural qu’il fit paraître à Lille durant l’automne 1793, et conseillait aux Lillois d’imiter leurs frères de la commune d’Armentières.

Dans une lettre à la Société populaire de Lille, un mois plus tard, il conseillait de rester vigilant : « Toutes nos Eglises sont donc Enfin fermées ! ne chantons pas encore victoire, redoublons de vigilance. Les pretres et leurs devotes sont là, qui chercheront à nous faire quelques niches. »[6]



[1] C’est la seule mention que nous ayons trouvé à ce jour ( 20 février 2016 ) de l’existence d’une Société populaire à Champrond-en-Gâtine.

[2] Archices Parlementaires,  LXXX, 661.

[3] Archives Parlementaires, LXXIX – 354.

[4] Dans F. – A. AULARD. Recueil des actes du Comité de salut public. Tome 8,page 494,cette lettre est annoncée « sans lieu ni date ( vers le 17 novembre 1793 ). »

[5] Archives Parlementaires, LXXIX – 501.

[6] AD 59, L. 10241. Sur son action à Lille voir sur ce blog l’article consacré à sa mission à l’Armée du Nord :

http://www.nogentrev.fr/archives/2016/02/17/33386756.html

 

 

 

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