La Société populaire d’Authon-du-Perche ( 1793-1794).
Après de nombreuses mobilisations populaires au cours des premières années de la Révolution, plusieurs Sociétés populaires se mirent en place dans le district de Nogent-le-Rotrou au printemps 1793[1].
Les Sociétés de La Bazoche-Gouët et d'Authon-du-Perche furent créées durant les mois d'avril et de mai 1793 sur l'impulsion de Jacques-Pierre-Michel Chasles, député montagnard du département d'Eure-et-Loir et ancien maire de la ville de Nogent-le-Rotrou pour la période allant du 14 novembre 1791 au 7 septembre 1792. La Convention l'avait envoyé en mission dans les départements de Seine-et-Oise et d'Eure-et-Loir, en compagnie de Guffroy député du Pas-de-Calais, pour y accélérer la levée des 300 000 hommes ordonnée par le décret du 24 février 1793[2]. Son pouvoir lui permettait de prendre toute mesure de sûreté générale. Il se présenta à Nogent le 30 mars 1793 ( voir l’article de ce blog en cliquant ici ).
Nous ne savons pratiquement rien de la Société de La Bazoche-Gouët, elle n'a pas laissé de trace dans les archives. Elle fut cependant en correspondance avec celle d'Authon-du-Perche. Cette dernière décidait, le 31 mai 1793, d'écrire à "la Société Républicaine" de La Bazoche "[...] pour l'inviter à s'affilier à la première [... celle d'Authon...] "[3]. Le 24 juin la Société de La Bazoche répondait favorablement à cette invitation, sans que nous puissions en savoir plus[4].
Par contre la Société d'Authon-du-Perche nous est mieux connue, son registre de délibérations ayant été conservé aux archives départementales[5]. C'est à partir de ce registre, ainsi que des délibérations communales et de celles de l'administration du district de Nogent que nous nous proposons mener notre étude sur celle-ci.
1. Fondation de la Société populaire d'Authon-du-Perche.
Cette Société connut une existence relativement brève, fondée le 3 avril 1793 sa dernière séance se tint le 20 frimaire An III ( 10 décembre 1794 )[6].
Sa formation se fit, comme nous l'avons déjà dit, sur l'initiative du citoyen-conventiel J.P.M. Chasles. Les habitants du canton d'Authon furent invités à s'assembler en l'église du chef-lieu de canton, le 3 avril 1793. Chasles, accompagné d'un représentant de l'administration départementale ( Rousseau ) et d'un représentant de l'administration du district ( Delorme ), convia les citoyens présents à former une " Société des amis de la liberté et de l'égalité" afin de " [...] servir à l'instruction du peuple en l'éclairant sur les loix qu'il se donne par ses représentants [...]". Vingt-deux citoyens[7] se présentèrent immédiatement pour former cette société, dont le curé constitutionnel d'Authon , Jérôme Marais, le procureur de la municipalité d'Authon, Et. Ch. Marin Martin, le secrétaire de la même municipalité, Cl. La flèche, et des officiers municipaux comme Etienne Pitou, et enfin les frères Menou, André ex-administrateur du district et commandant de la garde nationale d'Authon depuis le 4 juin 1792, François-Louis, ex-administrateur du département d'Eure-et-Loir d'août 1791 à novembre 1792.
2. Le fonctionnement de la "Société des amis de la liberté et de l'égalité " d'Authon-du-Perche.
2.1. Le bureau.
La première séance proprement dite eut lieu le 6 mai 1793. Son premier soin fut de désigner un bureau : le président, André Menou, était assisté de trois secrétaires : L. Ch. Bourlier, Et. Pitou, P. Devaut, Fr. L. Menou fut nommé trésorier de la société[8].
Dès le 8 mai suivant, la Société décidait que le président serait élu pour trois mois et qu'il pourrait être rééligible[9].
Durant toute la durée d'existence de la Société le même bureau fut reconduit presque systématiquement ; le 28 brumaire an II ( 18/11/1793 ) le bureau sortant fut reconduit, le 20 pluviôse an II ( 08/02/1794 ) un seul changement affecta le bureau sortant, les troisième secrétaire, P. Devaut, était remplacé par Ch. Martin ; enfin le 20 floréal an II ( 09/05/1794 ) le bureau sortant était reconduit sans vote, les assistants à la séance ne le jugeant pas utile[10].
La petite bourgeoisie révolutionnaire locale dirigea cette société d'un bout à l'autre de sa courte existence, petite bourgeoisie qui s'était engagée activement dans la Révolution depuis son début ; les frères Menou occupèrent des responsabilités relativement importantes tant dans les administration du district de Nogent-le-Rotrou que du département d'Eure-et-Loir, Pitou, marchand d'Etamine, fut notable et officier municipal de la commune d'Authon-du-Perche, quand à Martin, dit " Fortris", il était marchand de bois et occupait la fonction de procureur de cette même commune depuis 1792 et avait fait partie de l'administration du district de septembre 1791 à novembre 1792.
2.2. Séances et local de la Société.
Les séances avaient lieu les lundis, mercredi, vendredi à 18 heures ainsi que les dimanches et jours fériés après les vêpres. Le 10 mai 1793, sur proposition d'un des membres de la Société, les séances des jours de semaine furent repoussées de 18 à 19 heures. Elles se tenaient dans la nef de l'église d'Authon.
Le 19 frimaire an II ( 9 décembre 1793 ), la société décida de tenir une séance tous les décadii en invitant tous les habitants du canton à y assister[11]. Celle-ci débutait à 10 heures par le chant d'un hymne à la Liberté repris par la " musique ". Ces séances décadaires débutèrent effectivement le 20 frimaire ( 10 décembre 1793 ), à partir du 30 nivôse an II ( 19 janvier 1794 ) elles furent reportées à 14 heures.
2.3. Implantation, structure sociale et conditions d'admission.
La société des amis de la Liberté et de l'Egalité d'Authon semble avoir connu un succès certain assez rapidement. Si le 3 avril 1793 il n'y a que 22 volontaires pour la constituer, dès la première séance, le 6 mai, elle compte 56 membres. Le 20 pluviôse an II ( 8 février 1794 ) il y avait au moins 127 membres[12], enfin le 20 fructidor an II ( 6 septembre 1794 ) le nombre de ses membres s'élevait à 231 personnes. Chiffre relativement considérable, la population des plus de 12 ans du canton ne s'élevant qu'à 3462 personnes[13]. La société populaire d'Authon du Perche regroupait donc 6,67% de la population " adulte " du canton à sa période la plus florissante[14]. Il s'agissait bel et bien d'un mouvement de masse, une proportion importante de la population locale adhérait à cette société que nous qualifierons de " sans culotte ". D'autant plus que dans notre estimation nous n'avons pas retranché de la population totale les femmes et les " enfants " âgés de 12 à 18 ans, ces derniers n'étant pas admis comme membres de la Société. Ces données corroborent celles avancées par Albert Soboul qui estime, pour Paris, à 8 ou 9%, en moyenne, le taux de Parisiens adultes qui fréquentaient les sections entre 1792 et 1793, taux parisien qui ne s'abaissait que rarement en dessous de 5% et ne dépassait jamais les 20%[15]. Michel Vovelle estime, quant à lui, à 1/10° des hommes adultes les " militants " sectionnaires marseillais[16].
Dans les Sociétés populaires le groupe dominant ( tout au moins en terme de nombre d’adhérents ) est constitué d'un solide noyau d'artisans et de détaillants, producteurs indépendant de l'échoppe et de la boutique qui influèrent de façon importante sur les conceptions socio-économiques de la sans culotterie. Ces artisans/détaillants constituent 57% des militants parisiens et entre 40 et 50% à Marseille ( chiffre très proche de celui d'Authon ). La participation bourgeoise n'était pas négligeable : 18% à Paris, entre 30 et 40% à Marseille si l'on additionne les professions libérales, le négoce et la bourgeoisie. En mai 1793, la Société des Amis de la Liberté de Versailles comptait, quant à elle, 32% d'artisans/commerçants, 41% de bourgeois auxquels s'ajoutaient 18% de fonctionnaires, 6% de ministres du culte, 2% de militaires et 1% de journaliers. Ici la bourgeoisie dominait très largement, ceci s'expliquant par une structure sociale tout à fait particulière et peut-être aussi à la concurrence entre deux Sociétés populaires. En effet en août 1793, se créa une Société plus radicale, la Société de la Vertu sociale des Sans-culottes de Versailles. Cette dernière était composée de 71,3% d'artisans/commerçants et de 20,9% de bourgeois auxquels il convient d'adjoindre 4,4% de fonctionnaires et 0,8% de militaires[17].
La structure sociale de la Société d’Authon ( voir ls graphiques ci-dessous )[18], fait clairement apparaître une nette prédominance des artisans qui constituaient plus du tiers de ses membres. Mais ils sont légèrement sous représentés par rapport à la structure sociale de la commune, l'écart restant cependant assez faible ; par contre les paysans et les bourgeois sont très nettement sous représentés par rapport à leur poids respectifs dans la commune ; alors que les professions libérales, les négociants et les commerçants sont très largement surreprésentés. Cette sur représentation était accentuée du fait que c'était au sein de ces dernières catégories que se recrutaient les dirigeants de la Société, certains d'entre eux occupant des fonctions de membres de l'administration communale[19].
Nous sommes bien face à un militantisme de l'atelier et de l'échoppe. Nous n'avons pas de renseignement sur la structure par classe d'âge à Authon. Toutes les études le présente cependant comme un militantisme d'hommes mûrs, à Paris les Sans-culottes ont quarante ans d'âge moyen et entre 43 et 44ans à Marseille, ce sont des hommes mariés pour les deux tiers et des pères de famille dans 40 à 60% des cas.
En ce qui concerne les femmes la question de leur admission au sein de la société fit l'objet de plusieurs débats. Le 17 mai 1793, un des membres propose d'admette " [...], toutes les citoyennes femmes et filles dont le civisme et le patriotisme serait reconnu [...] "[20]. La proposition embarrassa quelque peu le reste de l'assemblée qui préféra ajourner sa décision à la séance du 20 mai suivant, sous prétexte que l'assemblée n'était pas assez nombreuse[21]. Le Lundi 20 mai, la proposition fut à nouveau formulée et définitivement ajournée " [...] aucun des membres ne paraissant disposés à discuter de cette question [...]"[22] . Probablement peu satisfait par cet " ajournement ", le même membre de la Société revint à la charge lors de la séance du 24 vendémiaire an II ( 15 octobre 1793 ), cette fois la proposition fut adoptée, sans que l'on puisse connaître ce qui pût faire changer d'opinion les sociétaires qui n'étaient absolument pas disposés à discuter de la question tout juste cinq mois auparavant[23]. Mais il nous est impossible de savoir si les " [...] citoyennes femmes et files [...] " furent nombreuses à profiter de cette décision.
Ce fut à partir de ce même 24 vendémiaire an II ( 15 octobre 1793 ) que la Société décréta que tous les membres et nouveaux adhérents devraient passer au scrutin épuratoire. Cette dernière décision fut prise suite à la proposition du même membre de la Société qui demandait que les femmes fussent admises, la proposition du scrutin épuratoire ayant été adoptée avec un franc succès peut-être en a-t-il profité pour faire accepter cette seconde proposition qui apparemment lui tenait à cœur.
Déjà, dès la séance du 20 septembre 1793, la Société avait exigé que tout nouveau membre fût muni d'un certificat de civisme. Lors de sa séance du 23 brumaire an II ( 13/11/1793 ), elle exigea que tous ses membres fussent munis d'un certificat de civisme[24]. Le président de la Société, André Menou, qui avait fait cette proposition fut " décoré " du Bonnet Rouge. Cette décision fut confirmée le 17 frimaire an II ( 07/12/1793 )[25], à partir de ce jour tous les membres de la Société devaient présenter un certificat de civisme sous peine d'être radié de la liste des membres.
Les séances devaient être quelque peu agitées, les pratiques démocratiques étant toutes neuves, les citoyens n'avaient sans doute pas l'habitude des débats contradictoires. Aussi, le 4 octobre 1793, la Société décidait de nommer six de ses membres afin de faire régner le calme dans l'assistance notamment lors de la lecture des lois et des journaux[26]. Ces six membres étaient renouvelables toutes les semaines.
Autre soucis de la Société, la présence aux délibérations. Le 20 septembre 1793[27], un membre proposa de rayer de la liste des adhérents tout citoyen cumulant quatre absences consécutives, un autre membre proposa que cela ne fut fait qu'après douze absences " sans en avoir prévenu la Société ". Ces mesures n'eurent sans doute que peu d'effet puisque le 30 messidor an II ( 18/07/1794 ), le président de la Société se plaignait de l'absentéisme aux séances ce qui empêchait la Société de délibérer[28].
3. Les activités de la Société populaire.
3.1. L’instruction.
L’un des buts principaux de la Société était de « […] servir à l’instruction du peuple en l’éclairant sur les loix qu’il se donne par ses représentants […] »[29], comme l’affirmait J. P. M. Chasles lors de la réunion du 3 avril 1793 dans l’église d’Authon, réunion par laquelle il invitait les citoyens du canton à fonder cette Société.
Aussi dès ses premières séances, le Société d’Authon prévit – elle des réunions publiques destinées à l’ensemble de la population du canton les dimanches et jours de fêtes à l’issue des vêpres. Le 19 frimaire an II ( 9 décembre 1793 ), elle décidait d’inviter tous les habitants du canton à assister aux séances des décadii qui débutaient à 10 heures par le chant de l’hymne à la liberté suivi de la lecture d’articles de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, de textes de lois et de bulletins. Les révolutionnaires cherchaient à diffuser les Lumières de l’Encyclopédie parmi les masses populaires. « L’abbé Grégoire rêve de créer des bibliothèques dans les campagnes, pour combattre par de bonnes lectures des siècles d’obscurantisme […] »[30]. En héritiers des lumières, ils étaient confiants dans les pouvoirs de l’éducation et dans sa capacité à forger un « homme nouveau ». La rupture qu’instaura la Révolution leur assigna une mission pédagogique qui devait façonner un peuple entier, pas uniquement les générations à venir mais aussi les adultes corrompus par les préjugés et superstitions. Cet effort pédagogique devait être celui de l’ensemble des patriotes. Le député montagnard Bourquier affirmait le 24 germinal an II ( 13 avril 1794 ) : « Les véritables écoles de vertu, des mœurs et des lois républicaine sont dans les société populaires, dans les assemblées de section, dans les fêtes décadaires, dans les fêtes nationales et locales, les banquets civiques et les théâtre. C’est là que la jeunesse acquerra, pour ainsi dire sans travail, la connaissance de ses droits et de ses devoirs, qu’elle puisera des sentiments propres à élever son âme à la hauteur de ses vertus républicaines […] »[31]. La lecture était nécessaire à la pratique démocratique, une lecture publique faite à voix haute et écoutée collectivement. « La lecture collective à voix haute brouille la frontière entre l’écrit et l’oral. Elle ne fait souvent que reprendre les traditionnelles lectures de veillées. »[32] D’autant que les révolutionnaires reprirent la forme de l’Almanach, forme déjà largement diffusée et présente avant la Révolution, pour diffuser leurs idées : L’Almanach des honnêtes gens de Sylvain Maréchal et L’Almanach du père Gérard de Collot d’Herbois mainte fois réimprimé en furent les deux exemples les plus connus. Ce rôle pédagogique de la Société était clairement affirmé le 22 nivôse an II ( 11 janvier 1794 ) dans une adresse de la municipalité à ses concitoyens :
« Citoyens
Pour aimer et suivre les loix émanées de la Convention Nationale, il ne faut que les bien connoître, la lecture que quelque uns en font lors de l’affiche, est insuffisante, la lecture dans un lieu public et la manifestation des réflections, que chaque loi est susceptible de faire naître, sont infiniment plus instructives. Ces motifs, Citoyens, nous on déterminés a vous inviter d’assister chaque jour de décade à la lecture qui s’en fait, à 10 heures du matin, dans le lieu des séances de la Société populaire, et ne nous permettent de douter de l’intérêts que vous avez tous de connoître les chefs d’œuvres de nos sages légisalteurs ne vous y fassent porter en foule. Nous nous flattons, et aimons à croire que nous ne serons pas trompés dans notre espoir. »[33] D’ailleurs, même si ce fut avec de fortes disparités locales et sociales, l’appétit de lire crut considérablement en dix ans, l’apprentissage de la citoyenneté, les efforts de propagandes révolutionnaires favorisèrent cette « alphabétisation »[34].
Ces lectures publiques des lois étaient complétées par la lecture de la presse et de la correspondance au début de chaque séance de la Société. Parmi les correspondants les plus réguliers figurait le conventionnel Chasles, ex-maire de Nogent – le – Rotrou. La Société fit une lecture publique de ses lettres les 16 et 28 juin 1793[35]. Les autres correspondants étaient le plus souvent d’autres Sociétés populaires, notamment celle de La Bazoche – Gouët et de Nogent – le – Rotrou. Dans sa séance du 1er septembre 1793, la Société d’Authon décida d’entretenir une correspondance avec celle de St Maixant de Nantes[36], sans que l’on puisse connaître les motivations de cet échange épistolaire avec une Société Populaire provinciale aussi éloignée.
Dès le début, la Société fut abonnée au journal Le Républicain[37] ou Journal des hommes libres de tous les pays, l’abonnement expirant le 19 juillet 1793, il fut reconduit lors de la séance du 22 du même mois chaque membre versant une somme de 15 sous pour financer ce réabonnement[38]. A partir du 26 frimaire an II ( 16 décembre 1793 ), la Société reçut le Journal du Salut Public du conventionnel Castaing[39]. Enfin à partir du 5 nivôse an II ( 26 décembre 1793 ), on lisait régulièrement lors des séances de la Société les journaux Le Batave et Le père Duchesne[40].
Dans sa séance du 30 ventôse an II ( 20 mars 1794 ) le trésorier de la Société, Fr. L. Menou, présenta un abrégé du Code de la nature[41], il fut décidé qu’il en serait fait une lecture une fois par mois. Ce dernier ouvrage, publié en 1755, fut longtemps attribué à Denis Diderot. Il ne parut pour la première fois sous le nom de son véritable auteur, Morelly, qu’en 1841, auteur qui reste encore largement méconnu. On peut le considérer comme un des précurseurs de Babeuf, les principales idées développées par ce dernier se retrouvant déjà dans la doctrine développée par Morelly. Beaucoup de « socialistes utopiques » de la première moitié du XIXe siècle admirent volontiers l’influence de cet ouvrage sur la formation de leurs propres conceptions politiques, il influença notamment Cabet. Pour Morelly, il existe un certain ordre conforme aux caractéristiques naturelles de l’homme, ce indépendamment du lieu et de l’époque. Cet ordre constituant l’ordre raisonnable ou naturel. Mais l’homme s’écartant de celui – ci a construit un ordre social qui n’est ni naturel, ni raisonnable. Pour se libérer de l’ordre social, la « lumière de la raison » doit disperser les « ténèbres de l’ignorance ». Pour Morelly, l’homme naturel ne connait pas la propriété privée : « Le monde est une table suffisamment garnie pour tous les convives dont tous les mets appartiennent, tantôt à tous, parce que tous ont faim, tantôt à quelques-uns seulement, parce que les autres sont rassasiés ; ainsi personne n’en est absolument le maître ni n’a droit à prétendre l’être. »[42]
Dans ses séances des 13, 18 et 30 germinal an II ( 2, 7 et 19 avril 1794 ), la Société donna lecture du rapport de St Just sur les fractions de l’étranger[43].
3.2. Positions politiques.
La Société d’Authon fit preuve d’un soutien total et sans équivoque au Gouvernement Révolutionnaire au cours de l’an II.
Le 6 mai 1793, soit lors de sa première séance, un membre prit la parole et fit le discours suivant :
« Citoyens, la liberté que les français avoïent perdue depuis quatorze siècles, a été comme vous le savez reconquise depuis quatre ans sur le plus affreux despotisme par les efforts réitérés de nos frères des grandes villes de la république et particulièrement de Paris, par les Braves Sans – Culottes des faux – bourgs St Antoine et St Larceau […] »[44].
Il poursuivait par une condamnation de la royauté :
« […] Citoyens, et nous le voyons tous les jours dans quel abîme de maux notre dernier tyran nous a précipité ; vous avez connu ses dissipations énormes de nos finances qui ont ruiné la France entière ; vous avez connu cet empire absolu dont il usait pour priver qui bon lui sembloit de sa liberté et de la vie ; vous avez connu ses faux serments, vous avez connu les massacres qu’il a fait de son peuple ? […] ha ! Citoyens, plus de tyrans plus de rois ! notre convention a puni le dernier de ses forfaits exercés contre nous et nos frères. Félicitons – la par une adresse qui lui exprime notre reconnaissance d’avoir par cet acte de justice et de vigueur sauvé la patriê. Ce doit – être je pense, Citoyens, le 1er et le meilleur acte que vous puissiez faire après le Serment que je vais vous proposer, […] Je propose donc à la Société de jurer individuellement de maintenir la liberté, l’égalité, les droits de l’homme, la sûreté, et la propriété des personnes, la république une et indivisible telle que la Convention la décrétée, de nous tenir tous unis et de plutôt mourir que de jamais souffrir dans la république le rétablissement de rois, de dictateurs, gouverneurs, consuls, triumvir et autres autorités tendantes à détruire la république et son unité […] »[45].
La proposition fut adoptée à l’unanimité des présents, soit 56 personnes et toutes prononcèrent le serment proposé. Celui – ci ainsi qu’une adresse devant être envoyés à la Convention, dans cette dernière la Société félicitait la Convention d’avoir exécuté le roi et elle exprimait le désir que cette dernière donnât une bonne Constitution aux Français.
Même attitude très révolutionnaire lors de la séance du 5 août 1793, au cours de laquelle la Société décida d’envoyer à la Convention une nouvelle adresse pour la féliciter « […] sur les journées des 31 mait et suivantes […] »[46], le Président fut chargé de rédiger cette adresse. Au cours de la journée du 31 mai 1793, les sans – culottes parisiens ( sections et commune de Paris en tête ) exigèrent de la Convention : l’exclusion des chefs Girondins, l’arrestation des suspects et l’épuration des administrations, la création d’une armée révolutionnaire, l’attribution du droit de vote aux seuls sans – culottes, le fixation du prix du pain à 3 sous la livre au moyen d’une taxe sur les riches, la distribution de secours publics aux vieillards, infirmes et défenseurs de la Patrie. Cette première journée insurrectionnelle échoua. Le mouvement reprit le 2 juin, les insurgés disposèrent 80 000 gardes nationaux autour de la Convention. Une députation fut reçue à la barre de la Convention pour demander l’arrestation immédiate des chefs de la Gironde. Après une discussion confuse, des députés tentèrent de forcer le barrage. Les gardes nationaux firent mine d’armer leurs canons, les députés regagnèrent la salle des séances et décrétèrent d’arrestation 29 députés girondins. L’opposition politique entre Girondins et Montagnards qui durait depuis l’automne 1792 pris fin par cette défaite de la Gironde… défaite provoire cependant !
Le 13 germinal an II ( 2 avril 1794), lecture publique fut donnée du rapport de St Just sur les « factions de l’étranger », cette lecture fut réitérée les 18 et 30 germinal ( 7 et 19 avril 1794 )[47]. En cette fin d’hiver la crise des subsistances s’aggravait à Paris, les queues recommençaient à s’allonger aux portes des bouchers. On s’y rassemblait dès trois heures du matin. Les salariés commençaient à revendiquer des augmentations de salaires dans le bâtiment, de nombreux troubles éclataient dans les ateliers d’armes. Hébert et ses amis politiques entendaient exploiter le mécontentement social montant. Le 14 ventôse an II ( 4 mars 1794 ), le club des Cordelier se proclamait en insurrection. Les sections parisiennes demeurèrent méfiantes et la Commune parisienne franchement hostile, l’appel tomba dans le vide. Les Cordeliers firent amende honorable mais, le mécontentement populaire concernant les subsistances fit craindre au Gouvernement Révolutionnaire une nouvelle collision entre organisations sectionnaires et le club des Cordelier alors qu’était imminente le début d’une campagne militaire dont pouvait dépendre le salut de la République. Les Comités ( de Salut Public et de Sûreté Générale ) décidèrent d’en finir et approuvèrent, le 22 ventôse an II ( 12 mars 1794 ) les conclusions du rapport d’accusation, préparé par St Just, contre les factions accusées de faire le jeu de l’ennemi et de compter dans ses rangs des étrangers suspects. St Just présenta son rapport à la Convention le 23 ventôse an II ( 13 mars 1794 ). Dans la nuit les principaux dirigeants du club des Cordeliers ( Hébert, Ronsin, Vincent, Momoro ) furent arrêtés et traduits devant le Tribunal Révolutionnaire, aux Cordeliers furent adjoints des Patriotes avancés ( Mazuel, Descombes ), des militants populaires ( Ancard, Ducroquet ), des étrangers ( A. Cloots, le banquier Kock, Proli, Desfieux, Pereira, Dubuisson ). Ils furent guillotinés le 4 germinal an II ( 24 mars 1794 ).
Non seulement ce rapport ne souleva aucun commentaire bien que la Société fasse une lecture régulière du Père Duchesne d’Hébert, mais suite à cette lecture une adresse fut envoyée, le 20 germinal an II ( 9 avril 1794 ), à la Convention pour la féliciter d’avoir découvert la « conjuration de l’armée contre la liberté » et pour la punition de ses auteurs[48]. La Société décida même d’inviter la municipalité à se joindre à elle, nous ne savons pas ce qu’il en fût
Ces décisions ne suscitèrent pas d’opposition ni, d’ailleurs de véritable débat. Au cours de ce printemps 1794, il semble bien que la « Révolution se glace » pour reprendre les propres termes de St Just. De plus en plus fréquemment durant les mois de floréal et de prairial de l’an II ( fin avril – fin juin 1794 ) on peut lire une phrase qui revient comme un leitmotiv : « […] sur cette proposition la société ayant gardé le silence, elle […] ». Etait – ce le signe d’une approbation sans réserve à la politique menée par le Gouvernement Révolutionnaire, ou plutôt d’autocensure par crainte de « l’épuration » ? Ou bien, cela traduisait – il, plus simplement, le fait que les militants Sans – Culottes locaux se sentaient dépassés par la rapidité des évolutions politiques ? Le fait est que cette période fut marquée par un absentéisme de plus en plus marqué aux séances de la Société, surtout à partir de fructidor an II ( fin août – fin septembre 1794 ) après le renversement de Robespierre, pour aboutir le 10 frimaire an III ( 30 novembre 1794 ) à seulement deux présents.
3.3. Conceptions politiques et mentalités des Sans –Culottes authonniers.
Pour les Sans – Culottes, le véritable Patriote n’avait pas à cacher ses opinions, ni d’ailleurs ses actes. On n’agissait caché que si on nourrissait de troubles projets. Les assemblées générales se devaient donc de délibérer en séances publiques, sous le regard des « tribunes », et les élections se faisaient à voix haute ou à main levée. Dans la Société d’Authon les votes, lorsqu’il y en avait, se faisaient à « l’applaudimètre », le 24 brumaire an II ( 14 novembre 1793 ) il fut adopté qu’à partir de ce jour les décision se feraient par « acclamation et applaudissement »[49]. Ce mode de scrutin correspondait mieux à la recherche ardente de l’unanimité nécessaire à la manifestation de la volonté du peuple uni dans son élan révolutionnaire. Le vote par acclamation traduisait la manifestation de l’unité révolutionnaire, c’était aussi un moyen d’isoler les modérés et de museler les opposants. Cependant le 20 pluviôse an II ( 8 février 1794 ) le renouvellement du bureau s’effectua à bulletins secrets. Il est probables que les modalités de votes fûssent différentes selon le type de décision à prendre.
L’unité du peuple devait également se manifester par l’unité entre organisations populaires, unité dont l’efficacité de leurs actions dépendait. La correspondance entre Sociétés, la communication de leurs arrêtés et délibérations, leur permettait de réaliser cette unité d’action. La Société d’Authon entretint une correspondance régulière avec celle de La Bazoche – Gouët, celle de St Maixant de Nantes et probablement, mais nous n’en pas de traces, avec celle de Nogent – le –Rotrou.
Pour les Sans – Culottes, l’union impliquait la fraternité, les deux mots étant très souvent associés en 1792 et en l’an II. La fraternité constituait un des fondements de leur nouvelle dignité. Elle ne représentait pas seulement une manière de se congratuler les jours de fêtes, comme purent la percevoir une majorité de Constituants, mais elle était indispensable à l’exercice de la liberté et de plus susceptible de rendre réelle l’égalité – une égalité qui ne fût plus que juridique mais une égalité sociale inscrite dans la proclamation d’une liberté universelle des hommes[50]. La pratique de la correspondance fut complétée par celle de la fraternisation qui unissait ceux se réclamant de la Révolution, la fraternisation se chargeait d’un contenu affectif très fort, elle donnait aux Sans – Culottes, grâce à l’étroite union suscitée, un sentiment de sécurité propice au maintien et au renforcement du militantisme[51]. C’était également une arme de guerre efficace contre les modérés. Cette pratique était connue dans le Perche puisque le 19 juillet 1793, les membres de la Société Patriotique de Nogent – le – Rotrou déposèrent à la municipalité un drapeau tricolore portant les symboles de la fraternité, de l’Union, de la liberté et de l’égalité. Drapeau accepté par le conseil municipal de Nogent « […] au milieu des acclamations universelles du peuple qui se trouvait à la séance et [ le conseil municipal ] déclare que dès ce moment il entendait se concerter avec ladite Société pour le succès d’une révolution commencée sous d’aussi heureux présages, […] »[52]. Les Sans – Culottes authonniers la pratiquèrent également, la Société d’Authon décida d’inviter la municipalité à se joindre à elle pour envoyer une adresse de félicitation à la Convention pour la découverte et le démantèlement de la « conjuration de l’armées ».
Au cours de cet épisode révolutionnaire, on assista à l’éclosion de signes, de gestes, d’emblèmes, dans le but soit d’affirmer la rupture avec un passé abhorré, soit de proclamer un nouvel idéal, la construction d’une société nouvelle[53]. On retrouve le même désir de fraternité, voire d’égalité, dans la pratique du tutoiement. Dès la fin de 1790, le terme de Citoyen s’était substitué à celui de Monsieur. En 1793, les Sans – Culottes bannirent l’utilisation du « vous » comme reste de « féodalité » et imposèrent le « tu », seul digne des « hommes libres ». Dans la correspondance des Sociétés populaires, les Sans – Culottes signaient fréquemment : « Salut et fraternité, ton égal en droits »[54]. Ainsi à partir du 28 brumaire an II ( 18 novembre 1793 ), les membres de la Société d’Authon durent se tutoyer[55].
Le militant Sans – Culotte se devait également de paraître doté de certains signes distinctifs parmi lesquels le bonnet rouge. Celui – ci symbolisait la liberté en tant que coiffure des esclaves affranchis sous l’antiquité. En cela il était révélateur de l’influence de l’antiquité sur le symbolisme révolutionnaire. Influence que l’on retrouva également dans la mode des prénoms ou des pseudonymes romains, surtout au moment de la déchristianisation durant l’an II : Brutus, Gracchus, Mucius Saveola ; mais aussi dans l’adoption du faisceau parmi les symboles nationaux ( référence au faisceau des licteurs, image du pouvoir de commandement dans la Rome antique ). Cette influence peut s’expliquer par l’importance de la culture classique dans l’enseignement dispensé au XVIIIe siècle tant par les jésuites que par les oratoriens[56]. Le 12 frimaire an II ( 2 décembre 1793 ), la Société authonniere imposait le port du bonnet rouge pour tout membre désirant faire « des motions », à cet effet il en fut placé un en permanence sur la tribune[57].
Les jacobins restèrent assez réticents vis – à – vis ces pratiques. Le 19 mars 1792, Robespierre, «allié » pour l’occasion à Pétion ( un des chefs de file du futur « parti » girondin ) s’opposait à l’adoption obligatoire du bonnet rouge par les orateurs et les membres du bureau du club des Jacobins, déclarant que ce serait affaiblir la symbolique de l’emblème national, la cocarde tricolore. Il s’opposa également, le 31 octobre 1793, à la généralisation du « tu » à la Convention, défendant la liberté du langage au nom de la convenance.
Le nom même de Sans – Culotte traduisait bien l’importance de la symbolique attribuée aux vêtements dans la vie politique. Les hommes de l’an II portaient des pantalons amples, parfois rayés, qui les distinguaient des « culottes dorées ». Par ce vêtement, les Sans – Culotte revendiquaient leur rejet de l’ancien ordre des choses. Le 11 prairial an II ( 30 mai 1794 ), un membre de la Société Patriotique de Nogent – le – Rotrou se plaignait du comportement et du costume des juges, notamment ceux du tribunal du district : « […] ils portent un chapeau à la Henri IV des panaches et Mantaux […] ».Pour lui, cela ne pouvait qu’annoncer des « despotes ». D’ailleurs ces juges exigeaient qu’on se décoiffât pour comparaître devant eux « […] ce qui ne ce pratique jamais à la Convention […] »[58]. La Société de Nogent envoya l’adresses suivante à la Convention pour l’inviter à changer le costume des juges des tribunaux :
« […] ce costume est d’autant plus indigne de magistrats républicains qu’il est celui dont sont revetus les tirans de l’Espagne , cet [… ? …] de l’ignorance des préjugés et du fanatisme le plus rampant.
Peut – il se faire, que la Convention nationale, n’ait pas encore anéanti, des marques de distinctions, qui font revivre des idées de la royauté, et peuvent remplacer, pour un instant celles de l’égalité et de la liberté dans les esprits foibles et encore chancelans, dans les principes républicains.
Demande en outre la suppression du nom de juge pour le remplacer par celui d’arbitre. »[59]
Les Sans – Culottes faisaient de leur mode de vie, assez modeste, un modèle social au nom duquel il condamnait moralement ceux qui ne le partageait pas. Pour eux, les vertus privées étaient la condition des vertus publiques, les unes et les autres se confondant dans le patriotisme. Ils étaient volontiers moralisateurs, tout au long de l’an II les hommes « sans mœurs » furent tenus pour suspects. Le « brave » Sans – Culotte se devait de faire preuve de dignité. Ainsi, le 2 frimaire an II ( 22 novembre 1793 ), la Société d’Authon arrêtait que ses membres qui se présenteraient ivres aux séances seraient rappelés à l’ordre[60], le fait ne devait pas être si rare pour susciter un arrêté. Il est vrai que les débits de boisson tenaient une place importante dans la vie des couches populaires. D’ailleurs les Sans – Culottes accordaient une grande importance au vin et à sa qualité. Pour Hébert et son père Duchesne boire de l’eau était la pire des choses : « Nous boirons de l’eau comme des canes, ce qui selon moi est le supplice qui ne doit être réservé qu’aux modérés, aux aristocrates, aux royalistes et aux philippotins »[61], écrivait – il en pluviôse an II ( janvier – février 1794 ). Mais sa consommation devait se faire sans excès selon une morale sociale exaltant la « médiocrité »[62] comme base de toutes les vertus, privées et publiques.
De la modération, nos Sans – Culottes authonniers semblaient bien en faire preuve en matière de religion. Nous n’avons pas trouvé trace de volonté manifeste de déchristianisation ostensible. On se contenta de suivre la tendance nationale dominante. Par contre, ils restèrent attachés au découpage de l’année en semaine de sept jours. Si l’introduction du nouveau calendrier ne suscita aucun débat, la tentative d’imposer le décadi comme seul jour férié se heurta à une vive opposition au sein de la Société populaire. Le 3 nivôse an II ( 23 décembre 1793 ), le citoyen Rousselet, président du Comité de Surveillance d’Authon proposa que le décadi tout le monde cessât le travail afin de le fêter comme il se devait. Cette motion entraîna un « tumulte » dans la salle, des « mal – intentionnés » crièrent « à bas la motion ». Un membre affirma qu’il travaillerait le décadi si bon lui semblait. Un membre du Comité de Surveillance réclama l’arrestation des responsable du tumulte ce qui ne fit que faire redoubler les protestations. A tel point que le président fut obligé de lever la séance[63]. Un peu partout, les Sans – Culottes se montrèrent plutôt hostiles à l’instauration du seul décadi comme jour férié de la décade. Ils n’admettaient pas de ne chômer qu’un jour sur dix contre un jour sur sept avec l’ancien calendrier. En effet, le nombre de jours chômés, hors fêtes exceptionnelles, tombait ainsi de 55 à 41.
3.4. La surveillance.
Par le rejet du vote à bulletin secret et la publicité des séances, tant des Sociétés Populaires que des corps administratifs, les Sans – Culottes affirmaient leur volonté de voir la vie politique se dérouler au grand jour, dans la transparence. Les citoyens étaient appelés à contrôler la vie politique à travers les actes, les paroles, voire les attitudes et intentions supposées des membres des administrations mais aussi de l’ensemble du corps social tant était fort, chez les Sans – Culottes, le désir d’unanimité. La dénonciation devenait une application de ce principe de publicité poussé à son extrémité.
La surveillance s’exerçait d’abord au sein même de la Société populaire. Le 24 vendémiaire an II ( 15 octobre 1793 ), un membre de la Société d’Authon proposa que tout nouveau membre passât au scrutin épuratoire[64]. Cette proposition adoptée sans opposition venait renforcer une mesure prise quelques semaines plus tôt : le 20 septembre 1793, il avait été décidé que les nouveaux membres devaient être munis d’un certificat de civisme délivré par le Comité de Surveillance[65], décisions qui fut étendue à l’ensemble des membres de la Société le 24 brumaire an II ( 13 novembre 1793 ) sur la proposition d’André Menou, président, qui à cette occasion fut «[…] décoré du Bonnet Rouge […] »[66]. Cette mesure fut rappelée le 17 frimaire an II ( 7 décembre 1793 ), tout membre ne pouvant présenter un certificat civisme devant être radié des listes[67].
Le 26 vendémiaire an II ( 17 octobre 1793 ), le Citoyen Gasselin, juge de paix du canton d’Authon et officier municipal, n’était pas admis comme membre de la Société, son cas ne fut même pas mis au scrutin épuratoire. Il était convaincu, sur rapport du Comité de Surveillance, d’avoir calomnié le représentant du peuple Chasles. Etant à diner chez le curé des Etilleux, il aurait déclaré : « […] que Chasles étoit un scélérat ainsi que ceux qui étoient en correspondance avec luy ; […] »[68]. Le 29 du même mois ( 20 octobre 1793 ), Gasselin demandait la parole, le président la lui accorda tout en lui faisant remarquer qu’il était en droit de la lui refuser n’étant pas admis au sein de la Société populaire. Gasselin reconnut les faits qui lui étaient reprochés mais avança que « […] le citoyen Chasles n’étant pas reconnu [… à l’époque …] avoir le patriotisme qu’il avoit manifesté depuis […] »[69]. Sur ce, il réitéra sa demande d’admission, le président s’y opposa tant qu’il n’aurait pas l’assentiment des citoyens Chasles, Rousseau ( administrateur du département ) et Delorme ( administrateur du district ). Gasselin s’apprêtant à reprendre la parole, l’assistance l’en empêcha, « […] il s’élève un tumulte […] »[70]. Le président fit alors expulsé Gasselin et d’autres personnes présentes et non – membres de la Société. Un débat contradictoire s’en suivit au cours duquel plusieurs orateurs se succédèrent à la tribune, les uns pour défendre Gasselin, les autres le dénonçant. André Menou, le président, voulut lever la séance qui commençait à devenir houleuse, l’assistance s’y opposa et on passa à la lecture des papiers publics ainsi qu’à la réception de cinq nouveaux membres par scrutin épuratoire. Gasselin passa à nouveau au scrutin épuratoire le 23 brumaire an II ( 13 novembre 1793 ), mais le résultat de ce scrutin ne nous est pas connu. Le même jour un autre candidat fut rejeté car il n’était pas muni d’un certificat de civisme[71]. Finalement, le juge de paix du canton fut admis comme membre de la Société, sans que l’on sache exactement quand ( était – ce lors de la séance du 23 brumaire ? ), car le 29 ventôse an II ( 19 mars 1794 ) il fut élu commissaire de la Société pour se rendre au district afin d’assister à la confection du maximum[72].
La surveillance s’exerçait aussi et surtout sur les autorités locales. Les Sans – Culottes soutenaient les principes de contrôle et de révocabilité des élus par le peuple souverain. Car, pour eux, c’était au peuple seul que revenait la souveraineté, les élus n’étant pas les représentants du peuple mais simplement ses commettants. La souveraineté était, par principe, imprescriptible, inaliénable et non-délégable. Dans L’Ami du peuple, daté du 21 août 1793, Leclerc écrivait :
« Rappelle – toi surtout qu’un peuple représenté n’est pas libre et ne prodigue pas cet épithète de représentant […] ; la volonté ne peut se représenter […] ; tes magistrats quelconques ne sont que les mandataires. »[73]
Dès sa séance du 17 mai 1793, la Société d’Authon invitait le Comité de Sûreté Générale[74] de cette commune à vérifier si la municipalité se donnait bien les moyens dont elle était capable pour se pourvoir en munitions de guerre, comme elle s’y était engagée verbalement[75]. Le 22 vendémiaire an II ( 13 octobre 1793 ), deux membres du corps municipal de la commune de Charbonnière, René Lejendre et Sébastien Morice, vinrent dénoncer les autres membres de leur municipalité qui refusaient d’exécuter l’établissement d’un Comité de surveillance au niveau municipal[76]. La Société décida de dénoncer ces élus aux corps administratifs, mais le 24 du même mois, Morice vint se rétracter, sans que l’on sache pourquoi, aussi la Société suspendit – elle ses démarches contre le élus de Charbonnière.
La surveillance s’exerçait également à l’encontre de simples citoyens, comme le nommé Denis Petit ( paroisse de Chartres ? ) qu’un membre de la Société dénonçait le 12 frimaire an II ( 2 décembre 1793 ). Celui – ci lui ayant demandé pourquoi il ne portait pas la cocarde, Petit lui aurait répondu : « […] qu’il la portoit au cul […] »[77]. La Société transmit cette dénonciation au Comité de Surveillance sans que l’on puisse déterminer s’il s’agissait de celui d’Authon ou celui de la « paroisse » du coupable .
Les Sans – Culottes étaient particulièrement vigilants à l’encontre de certaines catégories de la population, notamment les prêtres. Le 30 brumaire an II ( 20 novembre 1793 ), un membre s’étonnait que le Comité de Surveillance tolérât, à Authon, des individus ayant abandonnés leurs postes à Laval à l’approche des rebelles ( les vendéens ), disant que « […] en telle circonstance, il [… le dénonciateur …] n’abandonnerait pas son poste, dut –il y mourir, que ceux qui abandonnaient leur poste étaient traitres à leur patrie ; […] »[78]. La dénonciation visait le citoyen Dordolot, ex – prêtre constitutionnel d’Authon et aussi ex – maire de la commune du 15 février 1790 au 13 novembre 1791. Le dénonciateur ajoutait qu’il n’y avait pas lieu de se fier à la parole de Dordolot qui, lors du serment civique, avait juré de ne pas abandonner la paroisse d’Authon, ce qui ne l’avait pas empêché de préférer le poste qu’on lui avait proposé à Laval y trouvant quelques bénéfices supplémentaires. La Société invita le Comité de Surveillance d’Authon à renvoyer Dordolot à son poste.
Ainsi la surveillance occupait une part non – négligeable des séances de la Société. La dénonciation était encouragée par la loi et ce bien avant la période de l’an II, le décret du 16 septembre 1791 la rendait obligatoire pour quiconque aurait été témoin d’un attentat. Les Sans – Culottes la justifièrent, loin d’être un « crime moral », elle était devenue une vertu civique. Elle avait pour but, selon eux, de préserver les droits de l’homme de toute atteinte. Ainsi justifiée elle perdait, aux yeux des Sans – Culottes, tout caractère odieux.
3.5. L’armement.
Les Sans – Culottes réclamèrent avec force et persistance des armes, le peuple souverain ne pouvant qu’être armé. Contre ceux qui se refusaient à l’unité, l’usage de la puissance des armes apparaissait comme l’ultime recours pour les Sans – Culottes. L’usage de la violence constituait l’un des traits caractéristiques du comportement politique, non seulement des Sans – Culotte mais de l’ensemble du mouvement populaire. Cependant elle était rarement gratuite, son exercice était pensé comme l’arme dernière à laquelle la résistance de « l’aristocratie » obligeait les Sans – Culottes à recourir.
Dès les premiers jours de l’existence de la Société d’Authon, celle – ci adoptait à l’unanimité qu’il serait fait une pétition à la municipalité pour l’inviter à se pouvoir d’une quantité de poudre et de balles suffisante en cas de besoins. Le membre qui fit la proposition précisait que « […] il n’y a point de munition en cet endroit […] : il y a deux pièces de canon et une certaine quantité de fusils ; les habitants de ce département sont en réquisition permanente ; il est donc urgent d’approvisionner la ville de munitions de guerre […] »[79].
On apprend à la séance suivante que la municipalité avait promis verbalement de se donner les moyens dont elle était capable pour se pourvoir en munitions de guerre. La Société engagea alors le Comité de sûreté général d’Authon ( le Comité de surveillance ) à vérifier si la municipalité tenait ses engagements et l’invita à faire un rapport sous huit jours[80].
Le 28 brumaire an II ( 18 novembre 1793 ), la Société invita la municipalité à fournir des piques à tous les « […] habitants de la commune dans le cas d’en avoir. »[81] Il s’agissait de l’arme symbolique du Sans – Culotte, elle représentait la souveraineté populaire s’exerçant par l’insurrection. C’était aussi l’arme des luttes contre les ennemis intérieurs de la Nation.
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Si les Sans – Culottes authonnais semblaient faire preuve d’un certain « suivisme » en ce qui concerne les grandes orientations politiques nationales, leurs pratiques politiques n’en dessinaient pas moins une conception de la démocratie conforme à ce que nous connaissons par ailleurs : vote par acclamation, contrôle des élus, et exercice de la contrainte à l’encontre de ceux, les « aristocrates », qui se séparaient du peuple souverain par leur refus de la Révolution – contrainte qui prenait la forme de la surveillance et de l’exercice, plus symbolique que réel dans les campagnes percheronnes, de la violence du peuple en arme. Si la Société populaire d’Authon ne connut pas de débat concernant les problèmes économiques et sociaux, c’était que sans doute pour la plupart de nos Sans –Culottes ceux –ci étaient moins pressant depuis l’adoption par la Convention des lois sur le Maximum : le Maximum départemental sur les prix des grains et farines le 4 mai 1793, Maximum national sur les grains et farine le 11 septembre 1793. Car aux cours des années précédentes de 1789 à 1792, les Authonnais se montrèrent extrêmement sensibles aux problèmes des subsistances et furent souvent, avec les Nogentais, à la pointe du combat pour la taxation du prix des grains et des farines[82]. Cette absence des problèmes économiques et sociaux tenait sans doute également dans les buts que les membres fondateurs de la Société lui avaient assignés, nul doute que dans leur esprit une des fonctions primordiales de cette Société fût de jouer un rôle de pédagogue républicain.
4. La fin du mouvement Sans – Culotte authonnais.
La fin du printemps et l’été 1794 fut marqué par une forte démobilisation des Sans – Culottes, démobilisation qui se traduisit par un absentéisme marqué. Le 30 messidor an II ( 18 juillet 1794 ), le président signalait que la Société ne pouvait délibérer « […] en ce que la majeure partie des membres ne se rendoient points aux séances ; qu’en conséquence il invitoit la société à prendre un party à cet égard pour redonner l’activité convenable à ce corps […] »[83]. Cet absentéisme se confirmait le lendemain de la chute de Robespierre, ce jour – là, le président déclarait « […] qu’il étoit douloureux pour lui d’estre obligé de reprocher aux membres de la Société Ses collégues une insouciance ou négligence impardonnable à eux de ne point se trouver aux séances de la Société ; que depuis plus de deux mois elle se trouvoit paralisée par cette cause ; […] »[84]. Cette dernière remarque nous donne une indication approximative du moment à partir duquel se développa la désaffection « militante » dans la Société authonnaise, soit à peu près vers la fin du mois de prairial an II. Période qui, au niveau national, correspond à une rupture dans les rapports entre le Mouvement populaire et Gouvernement révolutionnaire après l’éliminations des factions : les « indulgents » en germinal ( fin mars 1794 ) mais surtout les « exagérés » en ventôse ( début mars 1794 ) avec lesquels la Société d’Authon était peut – être en contact, ne serait que par son abonnement au Père Duschesne d’Hébert. A voir condamnés le « Père Duchesne » et les dirigeants du club des Cordeliers, les Sans – Culottes doutèrent du Gouvernement révolutionnaire. La répression qui suivit ces procès et condamnations rompit l’alliance objective qui s’était mise en place entre le Gouvernement, et notamment les Robespierristes, et les Sans – Culottes en l’an II. La lassitude était d’autant plus forte que les victoires militaires à l’intérieur et à l’extérieur ( Fleurus le 8 messidor an II, 26 juin 1794 ) ne rendaient plus aussi nécessaire les mesures de terreur officialisées par la loi du 22 prairial an II ( 10 juin 1794 ). On constata alors une désaffection des Sans – Culottes à l’égard du régime, Saint Just put alors noter que « la révolution est glacée ». Les raisons en étaient politiques : répression larvée contre les militants accusés d’être des « enragés » ou des « hébertistes » ; tout autant que sociales : relâchement de la politique de réquisition ( au moins à Paris ) et surtout publication du nouveau maximum des salaires le 5 thermidor an II ( 23 juillet 1794 ) qui imposait une diminution des salaires.
A Authon, l’évolution des rapports entre « militants » et gouvernement semblait de même nature. André Menou eut beau proposer quelques mesures pour enrayer la désaffection de la présence aux séances de la Société[85], ses efforts furent vains[86]. Après une première période de désaffection durant l’été 1794, les défections se firent de plus en plus nombreuses après la chute des robespierristes, durant les mois d’octobre – novembre 1794, sans doute sous l’effet d’une profonde désillusion face à la nouvelle politique économique de la Convention thermidorienne ( abolition du maximum le 24 décembre 1794 ) et à la reprise de l’inflation. Finalement le 10 frimaire an III ( 30 novembre 1794 ), dernière séance dont le compte-rendu fut noté sur le registre des délibération de la Société authonnaise, il n'y avait plus que deux présents[87]. La Société populaire avait vécu. Lorsque les campagnes nogentaises connurent une nouvelle flambée de mobilisations frumentaires au printemps 1795, Authon resta relativement calme par rapports aux premières années de la Révolution.
Il ne restait plus aux nouveaux dirigeants de la France qu’à désarmer les Sans – Culottes. Le 10 germinal an III ( 30 mars 1795 ), Bernier, représentant en mission dans le département d’Eure – et – Loir, ordonnait le désarmement des membres des anciens Comités révolutionnaires. La municipalité d’Authon, arrêta le 27 germinal ( 16 avril 1795 ), qu’il n’y avait pas lieu de les désarmer ne trouvant rien à leur reprocher[88]. Le district suspendit cette décision jusqu’à ce que la municipalité d’Authon fut renouvelée, ce qui fut fait le 11 messidor an III ( 29 juin 1795 ).
Annexe : Morelly, Le code de la nature.
Cet ouvrage publié en 1755 fut longtemps attribué à Diderot, il ne parut sous le nom de son véritable auteur qu’en 1841.
La théorie sociale de Morelly est fondée sur le droit naturel. Principe fondamental de sa théorie : les lois de la nature humaine ne change presque jamais, « la nature est une, constante, invariable ». Pour être heureuse et morale la société humaine doit vivre selon le Code de la nature.
Chez lui l’idée de nature s’unit à celle de Dieu. Il est le principe premier qui agit uniquement à travers les lois de la nature établies par Lui. Si l’homme comprend les lois de nature grâce à sa raison, il comprend donc le plan de Dieu ( les idées développées par Fourier au siècle suivant seront très proches de cette conception ).
L’homme naturel ne connaît pas la propriété privée. Mais il devait inévitablement devenir un être social, les lois devaient tendre vers un seul but : la résurrection de l’ordre naturel détruit et de la société primitive également détruite. Dans une telle société qui conserverait le principe inébranlable de la communauté des biens, il n’y aurait pas de place pour les troubles habituels des autres sociétés.
Mais les « législateurs », au lieu de se conformer au Code de la nature, ont consolidé pour toujours la rupture entre la société et la nature en instituant la propriété privée source et cause de tous les maux sociaux. En s’éloignant ainsi de la nature, l’homme devient « vicieux », en réalité il n’y a qu’un seul vice pour Morelly : la cupidité.
Contrairement à Rousseau ou Mably, Morelly est optimiste. Mably ne croit pas, quant à lui, à la possibilité d’un retour de l’homme à l’état naturel. Il pensait que la création de la propriété privée et l’intérêt personnel avaient corrompu la nature de l’homme et que les arguments de la raison étaient sans force devant les passions humaines. Pour Morelly, les progrès de la raison et ceux de l’instruction permettraient de revenir à l’ordre naturel. Il s’avère être un partisan de la théorie du progrès : au début, les peuples sentent seulement la nécessité d’une société mais ils ne savent pas qu’elle est la meilleure. Pour passer de cet état inconscient à celui de la conscience, l’humanité doit traverser une série d’épreuves. Ainsi au fur et à mesure des expériences, l’humanité prend conscience de la nécessité d’une société « communiste »[89] future.
Les principes de l’Etat conformes aux commandements de la nature se résume, chez lui, en trois lois sacrées :
- Abolition de la propriété privée ( la propriété des objets d’utilisation immédiate et des objets indispensables au travail est maintenue ).
- Garantie au citoyen du droit de vivre et du droit au travail : chaque citoyen doit recevoir de la société sa subsistance et son occupation.
- Obligation pour le citoyen de prendre part au travail de la société.
Son « communisme » a un caractère centralisateur marqué, il propose une organisation économique compliquée avec une division du travail poussée et une hiérarchisation forte liée à l’âge.
Le travail agricole incombe à tous les citoyens de 20 à 25 ans, après 25 ans les citoyens quittent ce groupe, ceux qui y restent volontairement deviennent, à partir de 26 ans, les maîtres et les chefs des travaux agricoles.
L’industrie est organisée autrement. Chaque profession comprend une corporation ou atelier. Chaque enfant entre en apprentissage dans un corps de métier à dix ans ( jusqu’à 5 ans il est à la charge de sa famille et de 5 à 10 ans il reçoit une éducation commune dans la maison des enfants ). Il y reste jusqu’à 15 ou 16 ans. De 16 à 20 ans, il n’est qu’un simple ouvrier. Après 25 ans, il peut reprendre sa profession, auquel cas il devient maître – artisans au bout d’un an. S’il choisit une autre profession, il ne sera maître qu’à 30 ans. Cette liberté de choix de la profession est limitée car la société fixe le nombre de travailleurs nécessaires à chaque corporation. Les maître – artisans deviennent à tour de rôle et pour un an, maître de la corporation.
A 40 ans, les citoyens sont libérés de tout travail soumis à la réglementation corporative. Ils peuvent choisir une activité conforme à leurs goûts, mais ils doivent accomplir un travail quelconque utile à la société.
Tous les produits du travail sont enregistrés et distribués parmi les citoyens, le commerce et l’échange entre citoyens sont interdits, c’est l’Etat qui donne ce qui est indispensable. La distribution est faite par les citoyens les plus âgés sous la surveillance de l’Etat. Cette distribution doit correspondre aux besoins des citoyens.
Dans son Etat, il accepte le mariage mais le soumet à une règlementation assez sévère ayant pour but d’affermir la famille individuelle qui joue un rôle essentiel.
Les droits politiques appartiennent aux pères de famille. Ils n’élisent pas les serviteurs de l’Etat, c’est eux – mêmes qui occupent ces fonctions à tour de rôle. Chaque famille fournit à tour de rôle un chef de tribu, chaque chef de tribu rempli les fonctions devient chef de cité pour un an.
[1] Guyau, Gérard. 1789- début 1793. Le mouvement populaire dans le district de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir). Mémoire de maîtrise dactylographié, sous la direction de Mr J. Nicolas, soutenu à Paris VII, 1984.
[2] A la fin de l'hiver 1792 se formait la 1ere coalition. Les Etats monarchiques d'Europe se sentaient menacée par les conquêtes françaises et par la propagande révolutionnaire. Le 1er février, la Convention déclara la guerre à l'Angleterre et à la Hollande, puis le 7 mars à l'Espagne. L'Angleterre prit l'initiative de former la coalition en se liant successivement à tous les belligérants en guerre contre la France ( traités signés de mars à septembre 1793 ) Les armées de la République perdaient l'avantage du nombre, et elles ne tardèrent pas à essuyer leurs premiers revers avec les défaites de Dumouriez à Neerwinden le 18 mars et à Louvain le 21, entraînant la perte de la Belgique. La levée des 300 000 hommes avait pour but d'apporter une solution à la crise des effectifs. Le principe des engagements volontaires était maintenu mais s'il s'avérait insuffisant " les citoyens seront tenus de le compléter sans désemparer, et pour cet effet ils adopteront le mode qu'ils trouveront le plus convenable, à la pluralité des voix" ( art.11). Cette levée ne fournit, en fait, que la moitié des hommes escomptés.
[3] Archives départementales d'Eure-et-Loir ; L 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 31 mai 1793.
[4] Archives départementales d'Eure-et-Loir ; L 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 24 juin 1793.
[5] Il y est conservé sous la côte L 1368 ( ancienne côte : L 336 )..
[6] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte.
[7] André Menou, Fr. L. Menou, J. Michau, Ch. Martin Fortris, Samuel Fleury, L. Laigneau, Cl. Laflèche, Brisset, L. Leliart, P. Devaut, Herpin, L. Pauthonnier, Ant. Pauthonnier, P. Gasselin, Jqs Georget, L. Ch. Bourlier, Gabriel Noblet, Billard ( musicien ), P. Bourlier, Et. Pitou, Ant. Courtois et Jérôme Marais.
[8] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 6 mai 1793.
[9] Idem, séance du 8 mai 1793.
[10] Id., séances des 28 brumaire an II ( 18/11/1793 ), 20 pluviôse an II ( 08/02/ 1794 ), 20 floréal an II ( 09/05/1794 ). Le 20 pluviôse an II, A. Menou était réélu avec 34 voix sur 127, L. Ch. Bourlier avec 45 voix sur 127, Et. Pitou avec 42 voix sur 127, Ch. Martin avec 38 voix et Fr. L. Menou avec 31 voix toujours sur 127.
[11] AD 28, L.336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 19 frimaire an II.
[12] Idem, séance du 20 pluviôse an II ( 8 février 1794 ).Lors de cette séance le bureau fut renouvelé, il y avait 127 votants.
[13] AD 28, L. 402 à 404 anciennes côte, L 326 et 327 nouvelles côtes..
[14] Quel regroupement politique peut se vanter d'un tel " score " de nos jours ?
[15] SOBOUL, Albert. Les sans-culottes. Paris : Le Seuil, 1968.
[16] VOVELLE, Michel. " Du citoyen au militant : l'homo novus révolutionnaire." In La mentalité révolutionnaire. Paris : Messidor/ Editions sociales, 1985. P. 111.
[17] JURYS, Igor. Les Sociétés populaires à Versailles en l'an II. Mémoire de maîtrise dactylographiée : Paris VII, 1984.
[18] BOUTIER, J., BOUTRY, P., BONIN, S. Atlas de la Révolution française, tome 6 : les sociétés politiques. Paris : E.H.E.S.S.
[19] Voir ci-dessus le paragraphe 2.1.
[20] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 17 mai 1793.
[21] Manœuvre politique ou réel problème d'assiduité aux séances, et ce dès le début de l'existence de la Société ( 11 jours après sa première séance ) ?
[22] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte séance du 20 mai 1793.
[23] Idem, séance du 24 vendémiaire an II.
[24] Id., séance du 23 brumaire an II. Ce certificat était délivré par le Comité de surveillance du canton d'Authon-du-Perche.
[25] Id., séance du 17 frimaire an II.
[26] Id., séance du 4 octobre 1793.
[27] Id., séance du 20 septembre 1793.
[28] Id., séance du 30 messidor an II ( 18 juillet 1794 ).
[29] Id. , séance du 7 avril 1793.
[30] Claire GASPARD. « Qui lit quoi ? ». In Michel VOVELLE ( direction ).L’Etat de la France pendant la Révolution ( 1789 – 1799 ). Paris : La découverte, 1988. Pages 143 – 146.
[31] Cité par Dominique Julia. « l’école : un gigantesque effort pédagogique » . In Michel VOVELLE ( direction ).L’Etat de la France pendant la Révolution ( 1789 – 1799 ). Paris : La découverte, 1988. Pages 203 - 208.
[32] Claire GASPARD. « Qui lit quoi ? ». In Michel VOVELLE ( direction ).L’Etat de la France pendant la Révolution ( 1789 – 1799 ). Paris : La découverte, 1988. Page 143.
[33] AD 28, L. 181ancienne côte, nouvelle côte provisoire E Dépôt 018 NC art.19, délibérations de la municipalité d’Authon-du-Perche, séance du 22 nivôse an II.
[34] Claire GASPARD. « Qui lit quoi ? ». In Michel VOVELLE ( direction ).L’Etat de la France pendant la Révolution ( 1789 – 1799 ). Paris : La découverte, 1988. Page 145.
[35] Ceci confirme le rôle primordial que joua Chasles dans la vie politiquen locale jusqu’en 1794.
[36] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 1er septembre 1793. Nous n’en savons pas plus. De quel St Maixant/Maixent s’agit –il ?
[37] Le journal Le Républicain fut créé le 2 novembre1792 et fut publié jusqu'au 27 fructidor an VIII ( 14 septembre 1800 ). Le Républicain avait pour second titre «Journal des hommes libres de tous les pays». Son principal rédacteur fut Charles François Marie Duval, conventionnel montagnard qui se tint en dehors de toute faction, mais d'autres journalistes collaborèrent avec lui. Ce journal changea souvent de nom, tour à tour, il se nomma Le Journal des hommes libres, Le persévérant, Le Journal des Francs, La Tribune nationale, La Lumière.
[38] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 22 juillet 1793.
[39] Idem, séance du 26 frimaire an II. Il est fort probable qu’il s’agissait d’un envoi gratuit de la part du Comité de Salut Public.
[40] A partir de l’été 1793, le Comité de Salut Public, le ministère de l’intérieur et surtout celui de la guerre abonnèrent massivement les Sociétés populaires ou les armées au Batave, au Père Duchesne, à la Feuille du Salut public, au Journal de la Montagne, à Rougyff et au Journal des Hommes libres.
[41] Voir annexe ci-dessous.
[42] MORELLY. Le code de la nature. Paris : Editions sociales, 1970. Coll. « Les classiques du peuple ». Page 44.
[43] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séances des 13, 18 et 30 germinal an II..
[44] Id., séance du 6 mai 1793. Il convient bien entendu de liré : les Braves Sans – Culottes des faux – bourgs St Antoine et St Marceau..
[45] Id., séance du 6 mai 1793.
[46] Id., séance du 5 août 1793.
[47] Id., séance du 13 germinal an II.
[48] Id., séance du 20 germinal an II.
[49] Id., séance du 24 brumaire an II.
[50] Marcel, DAVID. « « La fraternité ». IN Michel, VOVELLE. L’Etat de la France pendant la révolution ( 1789 – 1799 ). Paris : La découverte, 1988. Pages 454 – 458.
[51] Idem. Page 457.
[52] DAUPELEY. Sommaire des délibérations de la commune de Nogent-le-Rotrou pendant la révolution. Nogent-le-Rotrou, 1906..
[53] Elisabeth, LIRIS. « Le symbolisme révolutionnaire ». IN Michel, VOVELLE. L’Etat de la France pendant la Révolution ( 1789 – 1799 ). Paris : La découverte, 1988. Pages 167 – 170.
[54] Serge, BIANCI. La Révolution culturelle de l’An II. Elites et peuple – 1789 – 1799. Paris : Aubier/Montaigne, 1982. Page 144.
[55] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 28 brumaire an II.
[56] Elisabeth, LIRIS. « Le symbolisme révolutionnaire ». IN Michel, VOVELLE. L’Etat de la France pendant la Révolution ( 1789 – 1799 ). Paris : La découverte, 1988. Pages 167 – 170.
[57] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 12 frimaire an II.
[58] AN, D III, 81, 3.
[59] Idem.
[60] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 2 frimaire an II.
[61] Cité in A. SOBOUL. Op. cit. Page 225.
Ici le qualificatif de Philippotins fait référence au conventionnel de la Sarthe Philippeaux proche de Danton et Desmoulins dans ce qui fut qualifiée de « faction des indulgents ».
[62] Le terme doit être pris dans le sens de moyen, modéré.
[63] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 3 nivôse an II.
[64] Idem, séance du 24 vendémiaire an II.
[65] Id., séance du 20 septembre 1793.
Les Comités de surveillance révolutionnaire étaient des institutions révolutionnaires créées par décret de la Convention nationale le 21 mars 1793 dans l'ensemble des communes ou sections de commune. Composés de douze membres, ils étaient chargés d'établir la liste des étrangers présents sur leur territoire. La loi du 17 septembre étendit ensuite leurs compétences: ils pouvaient également établir la liste des suspects et les arrêter. Ils furent supprimés sous la Convention thermidorienne.
[66] AD 28, L.336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 24 brumaire an II
[67] Idem, séance du 17 frimaire an II.
[68] Id., séance du 26 vendémiaire an II.
Cette déclaration a au moins le mérite de confirmer les liens épistolaires entre Chasles et des citoyens authonnais.
[69] Id., séance du 29 vendémiaire an II.
[70] Id., séance du 29 brumaire an II.
[71] Id., séance du 23 brumaire an II.
[72] Id., séance du 29 ventôse an II.
[73] In A., SOBOUL. Les Sans – Culottes. Paris : Le Seuil, 1968. Page 111.
[74] Il s’agissait en fait du comité de surveillance.
[75] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 17 mai 1793.
[76] Idem, séance du 22 vendémiaire an II.
[77] Id., séance du 12 frimaire an II.
[78] Id., séance du 30 brumaire an II.
[79] Id., séance du 15 mai 1793 à 19 h.
Il est probable que les membres de la Société populaire pensaient en priorité aux dangers représentés par les rebelles de la Vendée militaire.
[80] Id., séance du 17 mai 1793.
[81] Id., séance du 28 brumaire an II.
[82] Guyau, Gérard. 1789- début 1793. Le mouvement populaire dans le district de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir). Mémoire de maîtrise dactylographié, sous la direction de Mr J. Nicolas, soutenu à Paris VII, 1984.
[83] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 30 messidor an II.
[84] Idem, séance du 10 thermidor an II.
[85] Id., séance du 10 thermidor an II ( 28 juillet 1794 ).
Le président proposait :
« […] 1) qu’il ne soit délibérer que dans les séances de décadii.
2) l’appel nominal sera fait ces décadii.
Les absents seront rayés au bout de 2 absences non justifiées aux séances des décadii.
3)Jusqu’à présent les membres et non-membres assitaient indistinctement aux séances.
A présent la Société se réunira à huis – clos […] »
Ces propositions furent adoptées à l’unanimité après quelques débats.
[86] Le 20 thermidor an II ( 7 août 1794 ) il y avait 116 absents, seulement 20 le 30 thermidor ( 17 août 1794 ), mais à nouveau 121 ( sur 231 membres ) le 20 fructidor ( 6 septembre 1794 ), puis 77 les 10 vendémiaires an III ( 1e octobre 1794 ) et le 20 du même mois ( 11 octobre 1794 ). Ces 77 absents furent rayés des listes.
[87] AD 28, L. 336 ancienne côte, L 1368 nouvelle côte, séance du 10 frimaire an III (30 novembre 1794 ).
[88] AD 28, L. 156 ancienne côte, L 1180, délibérations du directoire du district de Nogent-le-Rotrou, séance du directoire du district du 6 prairial an III ( 25 mai 1795 ).
[89] Les guillemets s’imposent, l’auteur ne n’utilisant pas ce terme.