Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Révolution Française à Nogent le Rotrou

2 auteur portrait

La Révolution Française à Nogent le Rotrou
  • Nogent-le-Rotrou et son district durant la Révolution française avec des incursions dans les zones voisines ( Sarthe, Orne, Loir-et-Cher voire Loiret ). L'angle d'attaque des études privilégie les mouvements sociaux et les archives locales et départemental
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog

Le Pére Gérard

Le blog généraliste du
Voir le blog généraliste du "Père Gérard" : le Percheron Kibul.
Archives
21 février 2016

Jacques Pierre Michel Chasles ( 16 ) : maire de Nogent-le-Rotrou, conventionel, Montagnard, prêtre défroqué...

Chasles : Interventions diverses à la Convention et aux Jacobins.

Chasles intervint,  tant à la tribune de la Convention qu'à celle des Jacobins de Paris, sur l’organisation des postes, sur la division du territoire, sur la contribution mobilière.

L’organisation des postes.

9 la posteChasles aborda à plusieurs reprises la question de l’organisation de la poste sur le territoire national. Cet intérêt était-il lié à sa fréquentation  d’Hilaire Vasseur, le maître des postes de Nogent-le-Rotrou et maire de cette ville après l’élection de Chasles à la Convention, ou plus probablement à son souci constant de faire circuler la presse pour contribuer à l’éducation des citoyens. Mais sans aucun doute, ce soucis était lié aussi à ses dénonciations contre les Girondins pour avoir empêché ses courriers d’arriver en Eure-et-Loir.

Le 26 avril 1793, Le Breton, au nom du comité des finances présenta, à la Convention,  un projet de décret pour la réunion des trois services de la poste aux lettres, des messageries et de la poste aux chevaux. Chasles et Drouet s’y opposèrent dénonçant une tentative de désorganisation des services de poste. « Châles attaque ce projet et s’étonne qu’au moment où la République a besoin d’un accord général, on veuille jeter les administrations, qui entretiennent cet accord, dans une telle confusion, qu’avant la fin du mois de mai, il n’existerait plus de communication entre les diverses parties de l’empire. Nos ennemis, dit – il, ne manqueraient pas de saisir cet intervalle pour égarer des départements et les détacher de la cause commune. Je demande que ce projet, qui porte tous les caractères de la contre – révolution, soit ajourné ; je demande que les administrateurs des postes et des messageries continuent leur service avec régularité et exactitude, jusqu’à ce que la convention les autorise à le cesser. »[1] Ramel – Nogaret défendit le projet. La Convention prononça l’ajournement pur et simple et renvoya la discussion de ce projet de décret à une séance ultérieure.

Le 17 juillet 1793, Chasles revint à la charge sur ce thème et présenta un projet de décret sur la nouvelle administration des postes et messageries. Ce projet était contraire à celui des comités réunis d’agriculture, de commerce et des finances[2]. Un court débat s’ensuivit, Mallarmé demanda l’impression du projet de décret présenté par Chasles et l’ajournement de la discussion au lendemain. La Convention le suivit[3]. Le lendemain, l’assemblée ne se pencha pas sur le problème de l’organisation mais sur les événements fédéralistes dans le département de l’Eure.

La division constitutionnelle du territoire.

Durant les mois d’avril et de mai 1793, la Convention discutait de la constitution en commençant par la division constitutionnelle du territoire. Dans le cadre de cette discussion les administrations de districts furent mises sur la sellette, on leur reprochait leur  « excessive multitude ».[4] Le 24 avril, Lanjuinais au nom du Comité chargé d’étudier les différentes propositions quant à l’organisation administrative du territoire résumait à trois points le plan de ce comité :

« Conserver la division actuelle des départements, sauf la rectification des limites ;

   Supprimer les districts ;

   Municipaliser les cantons. »[5]

Il justifiait sa seconde proposition de la façon suivante : « […] ; on a vu tant d’administrateurs et de juges presque sans fonction,  et néanmoins salariés par le peuple et faisant sentir le poids de leur  inutile autorité, […] » et proposait, non pas de les supprimer purement et simplement mais d’en limiter le nombre à trois par départements. Ce qui était en cause, au moment de la crise fédéraliste, était le risque de voir l’autorité de l’Etat entravée par les autorités locales ou plutôt que l’autorité des administrations départementales fusse contrecarrée par celles des districts. Ce qui de fait se réalisa au cours des tentatives de « révoltes » fédéralistes, les Girondins fédéralistes tentant de s’appuyer sur les administrations départementales auxquelles souvent s’opposèrent les districts.

Dans le cadre de ce débat, le 15 mai 1793,  Chasles intervint, dans la partie consacrée à la réponse à la question suivante : « Conservera – t – on la division des départements en districts ? »

Chasles prit la parole pour répondre à Lehardy ( Morbihan, proche des girondins ) qui posait la question de savoir si il y aurait des administrations de département.

«  Châles prétend que la division territoriale devrait être la dernière question ; qu’il faut avant s’occuper de savoir si l’on conservera les divisions  districales, ou départementales ou communales ; qu’enfin il faut fixer la nature des administrations avant de s’occuper de cette question «  s’il y en aurait de départementaires ».

Finalement La Convention nationale décréta qu’il serait établit dans chaque département une administration centrale.

Sur la contribution mobilière.

Lors de la séance de la Convention du 29 juillet 1793, Ramel-Nogaret[6], au nom du comité des finances, fit un rapport sur les contributions foncières et mobilières pour l’année 1793, rapport dans lequel il proposait de ne rien changer dans ce domaine par rapport à la constitution de 1791. Dans le débat qui s’en suivit, Chasles intervint pour demander l’ajournement de la contribution mobilière :

« Je demande l’ajournement sur la contribution mobilière. Sur 40 communes de campagnes, il n’en est pas deux où elle ait pu être acquittée, faute de pouvoir la connaître. L’Assemblée constituante n’a adopté un système pareil pour cette contribution, qu’afin d’employer des savants, qui, par leur savoir, jetassent la terreur dans la bourse des pauvres. Or, je demande l’ajournement de la contribution mobilière, et c’est au nom du salut public que je la demande. »[7]

La Convention décréta la création d’une commission de 7 membres  afin de faire un rapport sous 8 jours sur les contributions de 1793.

Intervention en contradiction avec sa toute première prise de parole au club des Jacobins, près de neuf mois plus tôt en novembre 1792, dans laquelle il s’opposait à un projet de suppression de l’impôt mobilier. Mais entre-temps la situation politique avait changé, en novembre 1792, sa prise de position fut sans aucun doute motivée par une volonté de s’opposer au parti girondin ce qui ressortait nettement de la teneur de son discours. Le 16 novembre 1792, Un membre du Comité des finances de la Convention  venait  faire part à la Société d’un projet de décret proposé par Cambon visant à supprimer l’impôt mobilier et celui des patentes et « […] de laisser à chaque secte religieuse le soin de payer les ministres de son culte. », cette dernière proposition aboutissait de fait à remettre en cause la Constitution civile du clergé. Basire ( député de la Côte-d’Or ) s’opposa au décret, d’abord en ce qui concernait les « sectes religieuses » il craignait de réveiller les tensions religieuses en France au moment où la Convention s’apprêtait à juger le roi et où elle était en guerre. Pour la suppression de l’impôt mobilier et de la patente, il y voyait une manœuvre pour exonérer l’industrie de sa part de contribution, ajoutant : « […] Je crois que ce projet de décret est une nouvelle manœuvre des Brissotins. Défiez-vous de ce projet de décret ; quant à moi, je déclare que je le combattrai jusqu’à l’extinction de chaleur naturelle.  ( Applaudi. ) » Dubois-Crancé tentait de détourner la discussion sur le procès du roi, mais sur une motion d’ordre de Basire, la Société revint à la discussion sur le projet de décret du Comité de finances. Chasles prit alors la parole : « [ Il ] regarde le projet de décret comme un piège qui nous est tendu par l’aristocratie. « Dans cette grande ville, dit-il, toutes les fortunes sont composées de rentes ou de biens en portefeuille, et, si l’on supprime l’impôt mobilier, on soustraira les riches capitalistes de Paris aux impositions publiques. J’arrive de mon département, où l’intérêt de la patrie m’appelait, et l’on y pense que la Convention  est influencée par Paris. Du moment que vous aurez détruit l’impôt mobilier,  les départements diront que Paris  dicte des lois à la Convention. Je prie donc mes collègues d’avoir le courage de parler sur cet objet à la Convention avec autant d’énergie que dans cette Société.

Je vais vous faire part d’une observation que j’ai faite dans les départements que j’ai parcourus : Roland y est regardé comme un dieu ; il n’est pas un seul Feuillant, il n’est pas un seul propriétaire qui ne porte son affection pour Roland jusqu’à l’idolâtrie. Roland correspond avec les prêtres,  il est l’ami des prêtres. Qu’arrivera-t-il, si le projet de Cambon est adopté ? Les prêtres viendront se jeter dans les bras de Roland, et alors il sera maître de l’opinion. Je prie donc la Société de s’opposer, avec toutes les forces de la raison,  à l’admission de ce projet de décret, qui n’a pu être présenté que par l’incivisme.

Voici encore un fait très important : on a répandu dans les départements que le décret sur l’abolition de la royauté n’est point obligatoire parce qu’un grand nombre de députés n’étaient point encore à leur poste. Lorsqu’il fut rendu, l’archiviste même, dont l’opinion vous est connue, dans l’ordre de l’inscription des députés a eu soin de mettre : un tel, arrivé tel jour. Alors les Brissotins pourront prétendre que la majorité des membres n’était pas arrivée lorsque la royauté a été abolie. Je crois que, lorsqu’on rendra un décret sur le procès du roi, il sera bon d’abolir solennellement la royauté, afin de dissiper l’erreur dans laquelle plusieurs départements paraissent se trouver. »

Finalement Merlin[8] demandait que la Société tînt une séance extraordinaire le lendemain consacrée à discuter le projet de décret de Cambon, ce qui fut adopté. Mais la discussion continua sur la nécessité ou non, pour la Nation, de salarier les prêtres catholiques. Chabot ( député du Loir-et-Cher ) s’y opposait fermement comme contraire à la déclaration des droits[9].

La discussion, sur le projet de décret de Cambon, fut relancée au sein du club des Jacobins le surlendemain, 18 novembre 1792 , après  avoir occupée la plus grande partie de la séance du 17 au cours de laquelle nombre d’intervenants reprirent la même argumentation que celle développée par Chasles le 16, Chabot continuant à soutenir le projet en ce qui concernait la suppression des salaires des prêtres assermentés. A nouveau Basire s’opposa au projet de décret. Manuel[10], pour détruire l’argumentation des opposants au projet de décret de Cambon, lit alors une adresse, de la Société des Amis de la liberté et de l’égalité de la commune de La Souterraine dans la Creuse, tendant à prouver que les prêtres, comme le roi,  ne sont plus autant respectés dans les départements. Chasles prenait la parole contre le non rémunération des prêtres par l’Etat, avec des arguments assez dialectiques, lui qui un an plus tard se montra un déchristianisateur précoce lors de sa mission à l’armée du Nord:

« Il n’est aucun membre de cette Société qui ne convienne des principes développés par le citoyen Manuel. Tous conviendront que les prêtres doivent en principe être payés par ceux qui les emploient, qu’il n’est pas juste que des protestants salarient des prêtres catholiques,  que la conscience ne peut être imposée par aucune loi ; voilà des principes dont tout le monde convient aisément. Ainsi, si je combats l’opinion de Manuel, que l’on ne s’imagine pas que je sois le partisan des prêtres ; mais je ne puis admettre dans ce moment l’application des principes dont je reconnais la vérité. Si le peuple était éclairé, il n’y aurait aucun inconvénient d’adopter le projet Cambon ; mais le peuple a une confiance aveugle dans les prêtres, le peuple les croit encore nécessaires à son bonheur ; et vouloir les lui enlever, c’est exciter le réveil du fanatisme. Craignons que ce monstre, déjà teint de notre sang, ne veuille encore s’en abreuver. Craignons de rendre les prêtres ennemis de la République naissante ; alors ils pourraient enlever aux législateurs la confiance dont ils sont investis et s’opposer avec succès à l’établissement de la République. Ainsi donc, en convenant des principes avancés par Manuel, je m’oppose à leur application actuelle, parce que je la crois dangereuse et impolitique.( Applaudissements. ) »[11]



[1] Archives Parlementaires, LXIII – 376.

[2] Ce projet de décret n’est pas retranscrit dans les Archives Parlementaires.

[3] Archives Parlementaires, LXVI – 98-99.

[4] JENN, Françoise.  La création des départements. 1989, p. 139.

[5] Archives Parlementaires, LXIII – 193-197. Signalons que la constitution de l’an III supprima les districts et municipalisa les cantons.

[6] Député modéré du département de l’Aude.

[7] Archives Parlementaires, LXVIX – 648.

[8] Nous ne savons pas s’il s’agit de Merlin de Douai, député du Nord, ou de Merlin de Thionville, député de la Moselle.

[9] AULARD, F.-A. Recueil de documents pour l’histoire du club des Jacobins de Paris. Tome 4, page 476 à 479.

[10] Député de la Seine, proche de Pétion et donc des girondins.

[11] AULARD, F.-A. Recueil de documents pour l’histoire du club des Jacobins de Paris. Tome 4, page 490 à 494.

 

Commentaires