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La Révolution Française à Nogent le Rotrou

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La Révolution Française à Nogent le Rotrou
  • Nogent-le-Rotrou et son district durant la Révolution française avec des incursions dans les zones voisines ( Sarthe, Orne, Loir-et-Cher voire Loiret ). L'angle d'attaque des études privilégie les mouvements sociaux et les archives locales et départemental
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Le Pére Gérard

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17 novembre 2023

Les 17 et 25 novembre 1793 à Nogent-le-Rotrou : conflit entre administrations.

Novembre 1793Le dimanche 17 novembre 1793, la municipalité de Nogent-le-Rotrou recevait des commissaires de l’administration du département venus lui présenter un arrêté de cette administration les chargeant de régler les différends régnant entre les diverses autorités constituées de la ville de Nogent ( sans aucun doute la municipalité et le district ) notamment en ce qui concernait les problèmes d’approvisionnement en subsistances  :

« aujourd’huY vingt Sept Brumaire Second de la republique Française une et indivisible

En l’assemblée permanente du Conseil General de la Commune de nogent le rotrou tenüe publiquement

Sont comparus citoyens Barré, rousseau Et hoyau administrateurs du directoire du departement d Eure et loiR deputés par ledit dep.t lesquels ont répresenté Et deposé Sur le bureau les pieces dont Suit la transcription.

administration du dep.t d’Eure et loit.

Séance publique Extraordinnaire du vingt quatre Brumaire de l’an deuxieme de la republique Francaise une et inDivisible.

Un administrateur du dep.t a observé que les autorités Constituées Séantes a nogent le rotrou n’etoient pas unies : que ce defaut d’intelligence Entravoit nécessairement la marche de leurs operations qui devoit toujours etre prudente rapide Et Sure : que ce defaut d’intelliGence etoit nuisible a l’interest de la Chose publique Surtout dans les circonstances difficiles et orageuses qui nous Environnent.

que les operations confiées a ces autorités constituées ne  S’effectuoient pas avec la celerité nécessaire, ni avec le degré de celerité de perfection Et de regularité qui devoit les caractheriseR ; que cela provenoit de ce que dans l’une il avoit trop peu d’activité peut etre et un peu de tiédeur : et que dans l’autre une mauvaise orGanisation de travaux ; Et peut etre une Combinaison d’opinions Susceptible d’etre rectifiée.

que ces administrations Surtout eprouvoient des difficultés continuelle dans l’approvisionnment de la Commune de nogent dont la population Considerable Et pauvre meritoit tout l’interest de l’administration du departement.

que la difficulté de cet approvionnement provenoit  non Seulement de l’exposé ci-dessus : mais de l’Egoisme Et de l’avarice de la pluspart des laboureurs du district de nogent qui n’obeissoient  point aux requisitions de ces autorités constituées

que ce defaut d approvisionnement obligeroit l’administration du dep. d’y veiller Continuellememnt, ce qui la detourneroit de l’approvisionnement de paris qui lui est confié Et de celui de l’armée de l’ouest que Se Fait en partie dans un de Ses districts

En consequence cet administrateur a demandé que le directoire du dep.t Envoyat des commissaires pris dans Son Sein pour visiter toutes les autorités constituées de la ville de nog.t Et meme celle du district, S’ils le jugent a propos, aFin d’examiner l’ordre de leur travail leurs Bureaux et les operations qui leurs Sont Confiées, réctifier ce qui Sera a rectifier ; prescrire un ordre nouveau S il est utile, leur montrer la necessité de l’Harmonie et de la Fraternité, les unir par les liens indissolubles de ces deux vertus republicaines : de veiller a l’approvisionnement de nogent et du district Et d’empecher  que cette Commune interessante par Sa population et Ses opinions  en masse ne resentes les horreurs de la disette.

Le directoire du dep.t après avoir eté entendu le procureur General Syndic aDhere a la proposition d’un Ses membres appuyée Et reconnüe necessaire par le procureur  Sindic du district de nogent Et par le citoyen Sergon membre du comité de Subsistance de laditte Commune  de nogent ici présent : En consequence arrete que trois membres commisaires pris dans Son Sein Se transporteront Sans delai a nogent le rotrou, se rendront auprés des differentes autorités constituées de cette commune Et du district meme S’ils le croient utile ; leur demanderont compte de toutes les operations qui leur Sont Confiées, Examineront si l’ordre regne dans chacune de ces  administrations, Si les travaux Sont Bien Suivis, Si les emplois des Bureaux Sont entre les mains de citoyens instruits Et patriotes.

Arrete en outre que les commissaires retabliront la Bonne intelliGence entre les autorités Constituées Si elles est troublée Et pour Y reussir Employeront toutes les mesures necessaires.

Les commissaires Se concerteront avec les administrateurs Et le Comité de Subsistance pour assurer l’approvisionnement de la commune de nogent et du district : ils inviteront les laboureurs et possesseurs de grains des differens Cantons d’obeir aux requisitions qui leur Seront Faites par les differentes autorités Constituées qui ont le droit d’en decerner : ils Seviront Contre ceux qui Se Sont constamment refusé a obéir a ces requisitions Les commissaires visiteront Egalement le comité de Surveillance Se concerteront avec lui Sur les arrestations Faites Et a Faire, Et Se Feront rendre compte de Ses operations : ils Se rendront aussi a la  Société populaire, Fraterniseront avec elle Et Y propageront les principes du patriotisme dont ils Sont animés

Le directoire arrete enfin que pour le Succes de la mission Confiée aux commissaires, il leur confere le droit de rediger et repandre des adresses, de prendre des arretés, de decerner  des mandats d’amener Et d’arret, de prononcer des mise En arrestation Et destitutions : lesquelles mises en etat d’arrestation Et destitutions ne pourront etre que provisoires et dresseront procés verbal de l’ensemble de leurs operations.

procedant a la nomination des Commissaires les citoyens Barré, rousseau Et hoyau administrateurs ont obtenu l’unanimité des Suffrages Et ont accepté la mission qui leurs a été confiée :

Fait en directoire les jours et an Susdits

Signés george v. p. Et Barré Secretaire general

 

Chevrel  Beuzelin   J Gautier   J Sortais

L ferré   Regnoust   PI Chereault

J. C Joubert   A Jallon      VaSseur

f. G. verdier   grenade       Maire

Tarenne   Beaugas lainé    Beaudoüin     hubert

Beaugas le jeune    Rigot

       Tisson »[1]

 

Nous sommes ici face à l'expression de tensions politiques très fortes dans la ville de Nogent-le-Rotrou qui le plus souvent ne s'exprimaient que de façon feutrée mais qui de temps à autres débouchaient sur des "explosions " intenses. Ces tensions remontaient à loin déjà en 1793 et avaient déjà pu s'affirmer en 1790 et 1791 ( voir les articles de ce blog : pour l’année 1790 : http://www.nogentrev.fr/archives/2015/12/17/33081962.html et pour l’année 1791 : http://www.nogentrev.fr/archives/2015/12/17/33081962.html) et surtout cette dernière année à propos des conflits religieux autour de l'administration de l'Hôtel Dieu ( sur ce thèmes voir les articles de ce blog dans l'onglet " La révolution au village/un district en révolution/ en 1791" ). Elles furent sans doute encore fortes durant l'année 1792, la municipalité était alors dirigée par le futur conventionnel Chasles, mais le registre des délibérations municipales pour cette année-là est manquant ( voir sur ce blog l'explication probable de ce manque : http://www.nogentrev.fr/archives/2016/03/02/33455698.html ).

 

Les conflits entre les diverses autorités constitées furent plus marqués en 1793 et sans conteste liés aux luttes parisiennes entre Montagnards et Girondins dont les Nogentais étaient parfaitement informés, la ville ayant donné deux Conventionnels issus de la société des Amis de la Constitution locale ( jacobins ) dont l'un siégeait dans les rangs de la Montagne ( l'ancien maire de la ville Jacques-Pierre-Michel Chasles ) et l'autre s'étant rapproché de la faction girondine ( Giroust ).

Nous venons de voir (  seconde délibération de la séance du 7 novembre 1793 ) qu'un long conflit avait opposé la municipalité au district, la première refusant de délivrer un certificat de civisme au citoyen Proust receveur du district. Cette dernière administration avait soutenu son employé et même refusé d'entériner la destitution de ce dernier arrêtée par les représentants en mission Chasles et Guffroy en appelant au département et même à la Convention.Nous rappelons à cette occasion, que déjà un mois plus tôt, le 15 octobre 1793, le procureur de la commune de Nogent, Pierre Lequette, avait violemment remis en cause l’élection toute récente de certains membres de la Société populaire au sein du comité de surveillance de la ville. Dénonciation vaine puisque alors la municipalité n’avait pas suivi son procureur dans ses conclusions ce qui était extrêmement rare.

Le contenu de l’arrêté départemental laissait supposer que l’initiative en revenait au procureur syndic du district et à un membre du comité de surveillance relayés au sein de l'administration départementale par un membre qui selon toutes vraisemblaces ne pouvait être que  Pierre Joseph Dugué l'aîné demeurant rue Saint Laurent à Nogent-le-Rotrou. Le 12 juin précédent, ce dernier s'était vu refusé un certificat de civisme par la municipalité nogentaire ( comme d'ailleur une grande partie du tribunal du district de Nogent dont le président était le propre frère de l'administrateur du département ). Voir la délibération sur ce blog : http://www.nogentrev.fr/archives/2016/06/12/33646839.html. Quelques semaines plus tard, le 6 octobre 1793, la municipalité de Nogent revenait sur ce refus déclanchant en même temps de très vives protestations de l'un de ces membre le citoyen Beaudouin futur procureur syndic du district :

« Aujourd’huY Six octobre mil Sept cent quatre vingt Treize L’an 2.e de la République une et Indivisible

 

 

En l’assemblée permanente du Conseil général de la Commune de Nogent le rotrou Tenûe Publquement.

 

 

Un membre a eXposé Est Comparu le C.en Dugué l’ainé adminiStrateur du département d’eure [ sic ] demeurant en cette Ville Lequel a eXposé qu’il avoit appris qu’une delibératioN prise par le conSeil Général portoit qu’il lui avoit été reFusé un certificat de CiviSme ; que ce refus le Surprenoit d’autant plus qu’il n’avoit point demandé qu’un note de CiviSme sur Son paSseport, qu’il [ mot rayé illisible ] n’étoit dans la ClaSse de CeuX qui des fonctionnairers publics As qui étoient aSsujettis par les loiX à Se Pourvoir d’un certificat de Civisme ; que d’ailleurs il croyoit que le conSeil avoit été d’autant plustrompé induit en erreur sur sa [ mot rayé non déchiffré ] conduite qu’il avoit Concouru avec lui Pendant environ deuX mois à l’appriviSionnement de cette ville, et que pendant le cours des opérations Y relatives il avoit donné des preuves non equivoques de Son attachement à la RevolutioN.

 

 

Le ConSeil Général prenant en considération les observations ci-dessus, considérant que le C.en dugué à concouru avec activité et un Zéle Infatîgable à l’approviSionnement de cette cité, que ce dévouement le prote a arrêter + que le C. Dugué est d’un civiSme reconnu dont acte.

 

 

+ oui le procureur de la Commune en Ses conclusions

 

 

Six mots rayés nuls

 

 

Rajout après la seconde délibération sur le feuillet 103 :

 

 

a l’instant le C.en Baudouin officier municipal a déclaré que relativement à la delibération qui concerne le C.en Dugué il persiste dans l’arrêté du douze Juin dernier, et a Signé

 

 

Baudoüin 

 

 

[ Baudouin n’ayant pas signé la précédente délibération devait être absent lors du début de la séance d’où cette intervention ] » ( source ; A. M. de Nogent-le-Rotrou,  1 D 2, feuillet 103 recto ).

 

Ce même 6 octobre 1793,  la municipalité de Nogent dans sa dernière délibération revenait sur l'attribution d'un certificat de civisme au citoyen Dugué l'aîné à la demande  de Beaudouin qui menaçait de se pourvoir devant les corps administratifs supérieurs. La municplaité reportait alors sa décision au 8 octobre or le registre ne comporte pas de délibérations pour ce jour.

 

« Ce Jourd’huY six octobre mil Sept cent quatre vingt TreiZe L’an 2.e de la République une et IndiviSible.

 

 

En l’assemblée Permanente du ConSeil Général de la Commune de noGent Le rotrou Tenüe publiquement.

 

 

Le cit. BaudouiN officier municipal a demande au conSeil général si sa protestatioN Faisoit partie relativement a la delibératioN qui accorde un certificat de Civisme au Cit. Dugué faisoit partie de cette délibératioN, et ledit C. BaudouiN persiste a déclarer qu’il entend que la délivrance de l’eXtrait de la delibératioN soit Jointe à la protestatioN, Sans quoi Il regarde ledit Certificat Comme nul et en demande l’adnnihilatioN et copie du Tout pour Se pourvoir devant les Corps adminiStratiFs Supérieur, dont acte ./.

 

 

Baudoüin

 

 

Le conseil général, ajourne la questioN a mardY prochain dont acte ./.

 

VaSseur G Salmon

 

 

G Petibon Maire Beaugars le gros

 

 

L Ferré A Jallon

 

 

f. G. Verdier Grenade hubert J Jallon Laine

 

 

J Sortais Regnoust Beuzelin

 

 

Fauveau Pi Chereault L Lalouette

 

 

Ferré Bacle J. C. Joubert Rigot »

 

Le 14 novembre 1793 ( 24 brumaire an II ), date à laquelle fut pris l’arrêté départemental, le procureur syndic du district de Nogent était   le citoyen Berroys, parfumeur à Nogent. Peu de jour après, il était destitué par le représentant en mission Thirion[2] et remplacé par un pilier de la Société populaire et de la municipalité, l’apothicaire J. J. Beaudouin :

Arrêté du 5 frimaire an II ( 25 novembre 1793 ) par lequel le représentant en mission Thirion épure les autorités constituées de Nogent-le-Rotrou !

« Après avoir assisté à la discussion qui a eu lieu à la société populaire de Nogent – le – Rotrou sur la conduite de la politique des différents fonctionnaires publics de ce district.

Considérant que plusieurs d’entre eux ont absolument perdu la confiance publique, soit par leur modérantisme et leur correspondance suivie avec des membres de la Convention du côté droit qui depuis ont été mis hors la loy, soit par leur peu de délicatesse dans l’administration et notamment dans la vente du mobilier des émigrés ;

Considérant en outre qu’il importe de faire cesser au plus tôt la mésintelligence qui règne entre les divers fonctionnaires, en raison de leur diversités d’opinions, et de leur conduite politique avant et après le deux juin dernier ; voulant favoriser ceux qui constamment ont marché de concert avec le peuple et la Société Populaire, et de mettre fin à la lutte qu’ils ont été trop longtemps obligés de soutenir contre des principes opposés […] »[3].

Furent destitués de leurs poste au sein du district, outre Berroys, Brière, bourgeois de Nogent – le – Rotrou que  Thirion considéra comme démissionnaire et R. Freulon, habitant La Bazoche – Gouët  qui lui aussi était considéré comme démissionnaire.

Le district était alors aux mains de membres de la Société populaire dont  une bonne partie y siégeaient déjà comme élus ( Procureur – syndic : J. J. Beaudoin, apothicaire à Nogent – le – Rotrou, nommé par Thirion ; Directoire : Boucher – des – Marais, ancien membre du comité de surveillance, nommé par Thirion et destitué par le représentant du peuple en mission, Bernier, le 18 floréal an III ( 7 mai 1795 ) puis mis en état d’arrestation ;  David, maire de Margon maintenu à son poste par Thirion ;  Delorme maintenu à son poste par Thirion, remplacé par Benoît Menou, habitant d’Authon, provisoirement le 21 floréal an II (10 mai 1794 ), puis définitivement le 7 brumaire an III (28 octobre 1794 ), Menou fut destitué par Bernier le 18 floréal an III. ; Alleaume maintenu à son poste ).

Thirion ne procéda à aucune épuration au sein de  la municipalité de Nogent.



[1]       A. M. Nogent – le – Rotrou 1 D 2, feuillets 126 verso et 127 recto-verso.

[2]       Député du département de La Moselle qui siégea dans les rangs de la Montagne, fortement opposé à Robespierre il participa à sa chute le 9 Thermidor. Mais comme le Conventionnel Chasles, ancien Maire de Nogent-le-Rotrou, il resta fidèle à ses convictions montagnardes sous la convention thermidorienne, et comme lui fut décrété d’arrestation après les journées insurrectionnelles du printemps 1795.

[3]  A. N., A. F. II, 101, 747.

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