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La Révolution Française à Nogent le Rotrou

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La Révolution Française à Nogent le Rotrou
  • Nogent-le-Rotrou et son district durant la Révolution française avec des incursions dans les zones voisines ( Sarthe, Orne, Loir-et-Cher voire Loiret ). L'angle d'attaque des études privilégie les mouvements sociaux et les archives locales et départemental
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9 mars 2023

Nogent-le-Républicain le 9 mars 1795 subsistances, "manifestation de patriotisme" !

An 3 An 4

Après un an durant lequel nous ne disposons pas de délibérations municipales de la ville de Nogent, le troisième registre conservé aux archives municipales de la ville commence le 19 ventôse an III (soit le lundi 9 mars 1795).

Sur les causes de ce « trou » de mémoire archivistique je vous renvoie à la conclusion de l’article de ce blog consacré à la dernière délibération de 1794, celle du 12 mars :

http://www.nogentrev.fr/archives/2019/03/12/37847444.html

Entre-temps il y eut quelques modifications dans la composition du personnel politique de la commune, là aussi je vous renvoie à un article de ce blog :

 http://www.nogentrev.fr/archives/2016/03/03/33458981.html

Je retranscris ci-dessous le premier feuillet de ce registre ( côte 1 D 3 ).

 «  Registre Servant a Inscrire les actes déliberatoires Et Procés Verbaux du conseil général de la Commune de Nogent le Republicain a[ fin de mot absent à cause d’un déchirure, probablement anciennement ] le Rotrou dèpartement d’Eure Et loir commencé le dix Neuf ventoSe an trois de la République Francaise contenant 188 [ nombre rajouté ] Feuillets Cottés Et Paraphés par Nous Gilles Petibon Premier oFFicier municipal Et Faisant Pour la vacance du maire A NoGent le Republicain ledit Jour dix neuf ventoSe an troisieme de la République Francaise une Et indivisible Et Démocratique

      G Salmon          J Gautier                                     G Petibon

Pi Chereault              Fouquet               BeuZelin              J Jallon

                                             Baugars lainé                          J Sortais »[1]

95-03-09 Intro

 

Délibération de la municipalité de Nogent-le-Rotrou du 19 ventôse de l’an III, jour du cerfeuil dans le calendrier républicain (lundi 9 mars 1795) : ce jour-là la municipalité de Nogent-le-Républicain[2] tenait trois délibérations dont les deux premières, les plus longues, étaient consacrées à l’approvisionnement de la ville en subsistances (en l’occurrence en grains), la dernière pourrait être classer dans les affaires religieuses ou les manifestations de « patriotisme ».

La toute première concernait le recoupement entre les zones de ravitaillement de Nogent et celui de Paris. En effet le représentant du peuple[3] Bernier[4] avait autorisé la ville de Nogent à se fournir en grains dans les districts de Châteaudun et Châteauneuf. Mais l’arrivée d’un nouveau représentant du peuple à Chartres, le citoyen Fleury[5], changeait la donne : ce dernier avait décrété de ne plus laisser sortir aucun grain de Chartres[6]. Or le commissaire de Nogent chargé d’approvisionner en grains la ville faisait transiter les grains achetés dans le district de Châteaudun par Chartres justement. Dans la crainte de voir ses achats saisis pour approvisionner Paris il les avait suspendus. La municipalité de Nogent décidait d’envoyer auprès du représentant Fleury deux commissaires afin d’obtenir l’autorisation de faire transiter les achats par Chartres.

«Aujourd’hui dix neuf ventose an trois de la RePublique Françoise une Et indivisible

                          En l’aSsemblée Permanente du Conseil Genéral de la Commune de NoGent le Rèpublicain cid.v [ci devant] leRotrou tenüe Publiquement :

                  Est entré le citoyen Goislard Fils Commissaire Nommé Pour achaPt des Grain Nécéssaires a l’aPProvisionnement de cette commune lequel a dit quil Se présentoit En ce moment Pour rendre Compte des resultats de Sa Commission Et instruire Ses commettans des envralance [mot non déchiffré, peut-être « entraves » mais ce n’est manifestement pas ce qu’écrit le greffier] nouvelles Survennües dans Ses oPérations : quil ne Pouvoit Pas celer au Conseil Genéral que le Permis accordé Par le Bernier RePrésentant du peuple delegué. dans ce département, de nous aPProvisionner dans les districts de chateaudun Et chateu neuf, Par un nouvel arreté du comité de Salut Public, devenoit Presqu’inFructueux : que le citoyen Fleury. représentant du Peuple Spécialement chargé de l’aPProvisionnement de Paris etoit Présentement a chartres : quil étoit Exprésemment Enjoint de ne laisser acheter Et Sortir aucuns Grains des districts de chartres, Dreux, Janville Et etampes qu’au Préalable Paris ne Fut dans l’abondance : qu’etant nécésité de Faire conduire les Grains quil Pourroit acheter dans l’etendue du district de chateaudun, Par chartres Pour Faciliter les transport, En craignant de ne les voir arréter, il avoit estimé Prudent de Suspendre Ses achaPts : quil avoit Sur le champt Fait Pars de Ses craintes au citoyen Fleury Et Solliciter de Sa Justice la liberté de l’importation de Ses achaPts Par le commune de chartres : que Sa réclamation avoit été Par lui reconnüe legitime mais consentie Conditionnellement Et Pour la quantité Seulement de Sept a huit cent quintaux : que Fort de cette aSsurance Et avant de Continuer Ses oPérations il avoit estime de Son devoir de referer du tout a Ses Concitoyens Et avoit Son Exprimé [lecture peu assurée du mot « son »] dans la circonstance actuelle :

Le conseil général rendant justice au Zele  actif de Son commissaire Et Louant la Prudence de la Présente Sa démarche Considerant donc que dans le moment de crise ou Se trouve réduite cette commune Par le vuide allarmant de Subsistances, il devient de l’urgence la Plus accelerative de recourir auprés du citoyen Fleury répresentant du peuple Et Solliciter de Son humanité la liberté de l’importation Par chartres des grains achetés dans l’etendüe du district de chateaudun, l’aGent National entendu, arrete que les citoyens goislard Fils Et Bessirard-Rigny Se rendront dans le Jour a chartres auprès du citoyen Fleury, lui Exposeront la triste Situation de cette commune toujours en lutte avec les horreurs de la Famine, Epuiseront auprés de Son Patriotisme tous les moyens propres a le convaincre de l instantaneité [sic] de venir a notre Secours En accordant la libre importation par la Commune de chartres, des grains quils Pourront acheter dans le district de chateaudun Et ProPortionnellement a l immensité de Nos Besoins : Et pour tenir lieu de raison Et de concession de Pouvoirs SuFFisant aux dits commissaires le conseil general arréte qu’expédition du Present déliberé leur Sera remis : dont acte. […]»[7]

95-03-09 délib 1 1

95-03-09 délib 1 2

95-03-09 délib 1 3

95-03-09 délib 1 4

 

Dans la seconde délibération, la municipalité de Nogent enregistrait une reconnaissance de dette du citoyen Fergon trésorier ou président[8] du comité de subsistances de la ville. Il s’agissait d’un prêt de 50 000#[9] attribué par le Comité de Salut public à la ville pour ses achats de grains. La ville les avait confiées à son Comité de subsistances le 10 ventôse précédent (soit le 28 février 1795).

« […]Ensuite l’agent National a remis Sur le Bureau la reconnoiSsance du citoyen Fergon Président du comité de Subsistances de cette commune des cinquante mille livres accordées Par le comité de Salut Public a titre de Prêt pour achaps de Grains necessaire a l’aPProvisionnement de Nogent, laquelle Somme a lui remise comme trésorier dudit Comité Par le conseil genéral le dix du courant, Et a requis la transcription dicelle reconnoisance Sur le Present ReGistre, Ensemble l attache dicelle en marGe Et a coté du Present Rapport Conformement aux dispoSitions en l’arreté en datte du Neuf dudit mois de VentoSe :

Le conseil Général obtemperant au Requisitoire de Son agent, arrete la transcription Et consignation tout au long Sur le Présent Registre de la reconnaisance des dittes cinquante mille livres ainsi que l’attache d’icelle en marGe du Présent.

Suit la Forme Et termes du dit rècepissé

Je soussigné trésorier du comité de Subsistances de cette commune Reconnois avoir recù des citoyens oFFiciers municipaux Et membres du Conseil Général de la Commune de Nogent le Républicain, la Somme de Cinquante mille livres En aSsignats : laquelle Somme avancée Et mise a titre de Prêt a la dispoSition des dits oFFiciers municipaux Et membre du Conseil Général Par le comité de Salut Public vertu de Son arreté en datte du dix huit Pluviose dernier Pour etre EmploYée en achaPts de Grains Pour l’aPProvisionnement  de cette Commune : dont quittance Et reconnoissance : a NoGent le Republicain  cid le Rotrou le dix huit ventoSe an 3.e de la Rèp. Fran. Une et indivisible :  Signé Fergon très. Du comité. […]»[10]

95-03-09 délib 2 1

95-03-09 délib 2 2

95-03-09 délib 2 3

95-03-09 délib 2 4

Au cours de la dernière délibération de ce jour la citoyenne Jeanne Dalvimasse, ex-religieuse des Ursulines de la ville de Nogent, abandonnait au titre de contribution « patriotique » la pension annuelle que la République lui versait ce que le conseil général applaudissait. En fait on peut se demander si cet acte de générosité n’était pas ironique, en effet la pension s’élevait à 7 livres par an soit, compte tenu de la dévaluation de l’assignat[11], une somme se montant à environ 1 livre et demie. Si la citoyenne Dalvimasse était sincère nous dirons alors que le sacrifice consenti était sans aucun doute supportable. On peut aussi penser que les applaudissements du Conseil général pouvaient également interprétés au second degré.

95-03-09 délib 3 1

«[…] En cet Endroit Est comparùe la citoyenne marie Jeanne  D alvimasse [lecture du patronyme peu assurée, peut-être « Dalvinnasse »] ex religieuse de la cidevant Communauté des ursulines Susditte commune et y domiciliée, laquelle a dit qu’amie de Sa Patrie Et voulant a Raison de Ses moyens En Fortune Entrer En Partages de

N.°2  G. P

Contributions partique [lire « patriotique » sans doute] en Faisant présentement la remise Entiere & generale de la Pension de Sept livres que la République lui paye annuellement en Sa qualité Susditte de ReliGieuse : avec declarant Expresse qua Partir de ce jour elle y Renonce, En Fait l’abandon Et n’eusent  Plus en maniere quelconque y pretendre : de la quelle declaration Et Cession elle a demande acte Et Expedition double D icelui pour l’une lui etre remise Et l’autre adresseé a qui il appartiendra Et a Signé marie jeanne Dalvimasse

Le conseil général aPPlaudissant au deseinteressement  patriotique de la Comparante l’agent National entendù, lui a accordé de la Présente Sa declaration Et demande Et En consequence Suivant Son desir arrete qu’expedition double de prèsent Sera Expediéé Pour l’une lui etre Remise Et l’autre adressée a qui il appartiendra : dont acte

BeuZelin                     G Petibon           J Jallon ainé

              BeauGar Le Jeune            A Yallon      J Gautier

Boisan Lainé           Beaugar Lainé        Grenade

 L Ferré J C Joubert      caget    roGer leComte       G Salmon

Pi Chereault   RoGer le Comte  La Louette   Fouquet

Ferré Bacle        Tison    P.re Lequette         J Sortais

                            Sre.    ag.e nle de la C.    j gautier 

[Signatures en double de Roger Le Comte et J. Gautier]»[12]

95-03-09 délib 3 2

95-03-09 délib 3 3

République 3

 


[1] Archives municipales de Nogent-le-Rotrou, registre 1 D3.

[2] Après des mois de fluctuations dans les transcriptions hésitantes (parfois Nogent-le-Républicain le plus souvent Nogent-le-Rotrou) des délibérations municipales en 1794, tout au moins jusqu’au début du mois de mars 1794, il semblerait que le changement de nom de la ville fut entré dans les mœurs en 1795…tout au moins dans les mœurs des administrations.

[3] Contrairement à des idées préconçues les instances mises en place au cours des années 1793 et 1794 perdureront assez longtemps après le 9 thermidor an II, dont le Comité de salut public, le tribunal révolutionnaire, la pratique d’envoyer des représentants du peuple dans les départements, le maintien de comités locaux de subsistances comme nous le verrons lors de la seconde délibération.

[4] Louis Toussaint Cécile Bernier, député à la Convention de la Seine-et-Marne que l’on pourrait rattacher à la Plaine du point de vue politique. Il fut envoyé en mission dans Eure-et-Loir et dans l’Eure le 12 pluviôse an III (31 janvier 1795) pour le ravitaillement de Paris. Sa mission devait se terminer le 4 messidor an III (22 juin 1795).

[5] Honoré Marie Fleury député de l’Allier classé politiquement comme Girondin. Il fut envoyé dans les départements autour de Paris pour fournir les subsistances nécessaires à la capitale par un décret du 7 ventôse an III (25 février 1795). Il était encore à Chartres le 8 prairial an III (27 mai 1795). D’ailleurs il fut à nouveau envoyé en Eure-et-Loir, en compagnie de Bourdon de l’Oise, par un décret en date du 3° jour complémentaire de l’an III (19 septembre 1795), un mois plus tard ces deux missionnaires étaient encore à Chartres.

[6] Cette décision était sans aucun doute prise en fonction de la situation frumentaire alarmante de Paris qui entraînait un renouveau des mobilisations populaires, mobilisations qui aboutiront à la journée insurrectionnelle du 12 germinal an III (1° avril 1795).

[7] Archives municipales de Nogent-le-Rotrou, 1 D 3.

[8] La délibération est quelque peu erratique quant à la désignation de sa fonction, le qualifiant soit de président du comité de subsistance soit de trésorier. Ne pouvant être les deux à la fois nous optons plutôt pour la fonction de trésorier, d’abord parce qu’elle revient plusieurs fois dans le document et aussi parce qu’il rédigeait la reconnaissance de dettes.

[9] La somme était coquette mais fournies en assignats, or au printemps 1795 la valeur de l’assignat dans le département était évaluée autour de 20% de sa valeur nominale. Autrement dit les 50 000# représentaient en réalité 10 000#, somme encore non négligeable. Sur l’évolution de la valeur de l’assignat en Eure-et-Loir, voir : G. Guyau, « 1789- début 1793 : le mouvement populaire dans le district de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir) ». Mémoire de maîtrise tapuscrit soutenu e, 1984 à Paris VII. Page 134.

[10] Archives municipales de Nogent-le-Rotrou, 1 D 3.

[11] La pension était certainement versée en assignats.

[12] Archives municipales de Nogent-le-Rotrou, 1 D 3.

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