Le 16 avril 1795 à Nogent-le-Républicain : désarmement des « anarchistes » nogentais.
Le 27 germinal an III, jour de l’anémone (jeudi 16 avril 1795), le conseil général de Nogent-le-Républicain reprenait sa délibération ajournée la veille à propos du désarmement des « anarchistes » nogentais. Elle dressait une liste d’environ 70 nogentais à désarmer, deux noms ont été biffés après coup dont l’un d’un membre du conseil général de la commune ce qui pourrait expliquer que la veille les discussions avaient été longues (voir ici). Ces derniers appartenaient majoritairement (quand la profession était précisée) au monde de la boutique et de l’artisanat, plus des membres des administrations pour la plupart destitués.
Remarquons qu’en ce qui concernait la « moralité » des personnes citées le conseil général de la commune notait qu’il n’y avait «[…] aucun individú a Signaler […]», ce qui doit se comprendre qu’aucun des individus désignés comme étant à désarmer n’était de « mauvaise moralité » selon son jugement. On peut penser que les édiles municipaux de Nogent au printemps 1795 se trouvaient gênés d’avoir à désarmer de concitoyens patriotes même si on ne manque pas ( par conformisme ? ) d’intituler ladite liste :
« Etat Nominatif des hommes connús dans cette
commune comme amis et partisans des horreurs commises
Sous la tyranie[1] qui aprécedé le 9 thermidor. et qui
Doivent etre désarmés. »
«[Bas du feuillet 22 verso]
aujourd’hui vingt Sept germinal troisieme année delaRépublique francaise une & indivisible
Leconseil genéral delacommune deNogent leRépub.in cidevant leRotrou Réunis aulieu ordinaire deSes Séances, en conséquence de l’adjournement Pris dans laSèance dujour d’hier et Pour motifs yconsignés, lecture itérative[2] donneé des RaPPorts loyet arretés ci contre analisés, compulsion faite des Registre # [rajout en marge :# trouvés] tant delaSocieté PoPulaire que de celui du comité de Surveillance de cette commune.
N.° 23. g. p.
et après l examen le Plus Rigoureux et en meme tems lePlus júste et leplus impartiale, a Passé auSignalement des hommes marqués par l’article Premier dela loy du 21germinal ainsi quil Suit.
Etat Nominatif des hommes connús dans cette
commune comme amis et partisans des horreurs commises
Sous la tyranie qui aprécedé le 9 thermidor. et qui
Doivent etre désarmés.
1. Jean louis Boucher administrateur decedistrict
2. Esprit gabriel gueroult Roger jugedu tribunal
3. alexis Bosquet garçon teinturier.
4. Pierre jean hilaire vasseur maitre deposte et ex maire de cette commune.
5. francois joseph Bassiere lej.emarchand fayancier.
6. [ligne biffée non déchiffrée, mais il était membre du conseil général][3]
7. jacques marguerithorphevre.
8. jean gaulard garde Magasin decedistrict
9. jean francois Peuvret grêffier dutribunal decedistrict.
11. Denis Barbier huissier.
12. rené Poisson Marchand frippier.
13. jean David administrateur decedistrict.
14. Delorme id.
15. francois Demeulle tailleur.
16. jean francois mathurin garreau.
17. rené guerrier Porteur de contraintes
18. latour Père.
19. rené Blondeau cordonnier.
20. jean francois Masson cordier.
21.louis Barbier ainé fabricant[4].
22. louis francois jumeau Sacriste[5].
23. laurent Proust aubergiste.
24. jean filleul dit Mortagne Boucher.
25. jean louis diot cordonnier.
28. etienne Basele [ou « Basile »], marchand.
29. louis marin VaSseur tonélier.
30. jacques fret jardinier
Suite.
31. alexande viandier.
32. rené hée fabricant
33. Sebastien Pélier maçon
34. charles cormier etaminier[6].
35. louis dieu dit avé marchand[7].
36. louis Beaudri tailleur.
37. michel Bruqui journalier
38. louis cabaret fils etaminier
39 jean dordoigne cordonnier
40. francois Blanchon Maçon.
41. marin Normand fabricant.
42. garnier Bourelier.
43. Pierre lelouptailleur.
44. jean Manchon
45.julien Dupont Maçon
46. louis tolet fabricant
47. jean francois Regnoust tireur d’etain[8]
48. charles demasle fabricant et aubergiste.
49. elie gourdin marchand.
50. Simon gourdin id.
51. jeandebray dit trois pouces.
52. vincentdébray Père.
53. Paul Meúnier etaminier
54. jean charmetau.
55. Remi Philippe journalier
56. joachim cousin etaminier
57. andré Pouillot journalier
58. jallon gaulard etaminier
60. jacques Riviere tonnélier
61.marin Barantin journalier tireur d’etain
62. louis Bidet Boucher
63. René chaillou Peigneur[9]
64. francois hullot etaminier
65. mathieu Meunier id.
66. Pierre enault télonier[10].
67. [nom rayé non déchiffré][11]
68. huard frippier.
69. francois Marchand fabricant.
n.° 24. G.p.
[Deux lignes rayées non déchiffrées][12]
et attendu que d’après l examen lePlus Suivi Sur la moralité de hommes de cette commune il ne S’est Plus offert pour lepresent aucun individú a Signaler, le conseil général, l’agent National entendú a clos et arreté le présent etat Nominatif et arreté que copie collationné Seroitdans lejour dedemain adresseé al’agent National près cedistrict pour par lui lafaire parvenir dansleplus Bref délai aux Reprèsentans du peuple chargés de l’éxecution delaloyprecïteé dont acte : en Rature trente Sept mots Rayés Nuls [Tâche ou passage camoufflé]
ferrè Bacle Tarenne
Beaugas Lejeune Palatre g.petibon
PiChereault j jallon ainé J Sortais
A jallon Beaugas lainé Boisard Lainé
grenade j gautier Beuzelin
Lalouette G salmon L ferré JC Joubert
fouquet Caget
beuzelin»[13]
[1] Souligner par nous.
[2] Répétée plusieurs fois.
[3] Le prénom commence certainement par Jean Charles et le nom est sans doute Joachim et il était membre du conseil général soit de la commune.
[4] Cette appellation désignait un commerçant en étamine faisant travailler plusieurs étaminiers. Commerce à faible échelle le terme les distinguant des négociants qui eux faisaient du commerce d’étamines à très grande échelle
[5] Sans doute convient-il de lire « sacristain ».
[6] Ouvrier qui tisse des tissus d’étamines, principale activité de la ville de Nogent.
[7] Peut-être s’agit-il du même Dieu qui, en 1790, tenait des propos incendiaires de nature à exciter une révolte contre la présence d’un détachement de Dragons envoyé pour faire cesser les émeutes de marché. La municipalité de Nogent de l’époque crut bon, dans sa délibération du 22 novembre 1790, de l’emprisonner pour quelques temps (voir l’article de ce blog ici dans sa troisième partie).
[8] Ou cardeur d’étin ou d’étaim, c’est-à-dire d’étamines, donc un ouvrier préparant la laine destinée à fournir l’industrie de fabrication des étamines, principale activité « industrielle » de Nogent-le-Rotrou.
[9] Sans doute cardeur.
[10] Le telon était une étoffe dont la chaîne était de lin ou de chanvre et la trame de laine.
Il est possible que ces deux lignes soient en rapport avec le nom biffé signalé à la note deux. Il me semble pouvoir lire : « & a cet endroit le citoyen joachim Marchand Membre du Conseil général S’est Retiré et a Refermer le ? jusqu’ala fin dela Seance. »
[13] Archives municipales de Nogent-le-Rotrou, 1 D3.